Une fois de plus, WTFRU se trouve toujours aux bons endroits. Après avoir foulé les terres pluvieuses de l’Est pour assister aux Eurockéennes de Belfort, le rendez-vous est pris pour le Rêverie festival, nouveau né de « We Love Art » t qui nous avait déjà pondu un très plaisant « We Love » festival l’année dernière. Cette année, leurs collaborations artistiques donnent à l’évènement une toute autre dimension, avec des contrats avec Boys Noize Records, Ed Banger, et Minus Records (oui, oui, Minus Records, le label berlinois de Richie Hawtin, Loco Dice, Magda, et je vais m’arrêter là hein !).
Nous voici donc plongés en plein Paris, mais surtout dans deux jours de vraie techno, la vraie, la binaire, celle qui te donne des pulsions sexuelles par ses mélodies entrainantes et qui arrive à tabasser tes oreilles – et tu aimes ça- avec juste une boucle magnifiquement mise en place.
DAY 1 : TEKNO NOIZE POSSE
Le line-up du premier soir est alléchant, en associant Feadz, Busy P, Mr Oizo, Shadow Dancer, Djedjotronic, Boys Noize et Para One. Certes on a eu un peu peur d’une réunion de kidz groupies cool cats en voyant le gros sigle EdRec, mais le son (ÉNORME) des basses qui faisait trembler le sol à notre arrivée dans la queue nous a vite fait ravaler nos paroles.
Bon, il convient de préciser qu’on était ultra raides à notre arrivée. C’est donc tout naturellement que le set bourrin de Djedjotronic nous a mis direct dans l’ambiance. On se rappelle bien-sûr sa venue aux Nuits Divines de Clermont-Ferrand l’année passée, qui était d’un ennui total et d’un manque de technique avancé. On l’a vite oublié. Le mec enchaine efficacement les gros tubes de ses pairs sur BNR avec quelques perles bien sombres (par exemple Cottam, le fabuleux dj australien). La soirée est lancée, et on vient de voir un très bon warm-up.
C’est le boloss, (le boss pardon), de EdRec qui prend la suite des opérations. Certes on a passé les ¾ du set le doigt du milieu levé bien haut vers la scène, mais on ne va pas faire de langue de bois en disant qu’il a fait un bon set bien tourné et efficace, bien loin de la plupart de ses apparitions. Le « patron » finira quand même en bouclant l’instru de « Niggas in Paris », grosse dédicace aux gros mecs swag casquette qui éjaculaient en voyant leur idole. BOLOSS(s).
Et là, la claque, ou plutôt la mort. Physique, mentale, auditive, sensitive. Mr Oizo arrive sur scène, fait tourner une grosse fréquence qui te fait mal aux tympans. Le maître vient fêter son retour, intermède qu’il s’autorise en plein tournage de Wrong Cops à LA, et on va rapidement comprendre qu’il avait hâte de mixer. Déjà en 2009, pour son live Animal du Printemps de Bourges, nous avions perdu assez de transpiration pour une année, cette fois encore, la claque fut totale, voire mieux. Le deuxième morceau est déjà à 130 bpm, et le pogo de 5000 personnes a déjà commencé. Nous voilà emportés par beaucoup trop de monde en pleine euphorie, et la bombe Mr Oizo fait vite oublier ses prédécesseurs et son label redondant. 1h de live – c’était un set, mais il était tellement bien qu’on va dire un live – à base de boucles géniales sur des tracks ultra-puissantes (Callgurls de Handbraekes, Positif, ou Gesaffelstein). 1h de basses très fortes mais quand même très propres, et de sueur, beaucoup trop de sueur.
On est alors à l’apogée de la soirée, ce moment où Quentin Dupieux s’arrête, où tu regardes ton pote et seul son regard suffit à te faire comprendre que tu viens de prendre cher. Quand Boys Noize arriva.
Plusieurs mois sans se produire en public, se réservant pour la production de son troisième opus qui, on l’espère tous, sera aussi bon voire mieux que le premier Oi Oi Oi, et relèvera le niveau rabaissé par le très moyen Power. Son set est brutal, juxtaposant des classiques de ses premiers skuds à des remixes qui ont fait de lui un maître dès 2007. Le jeu de lumières flash-bim-dans-ta-gueule va très bien avec le couple « petites mélodies aigues » + « ligne de basse rapide et forte ». Du Boys Noize quoi. Mais au final rien de très surprenant, de bien méchant. Pas de surprise à se mettre sous la dent, même si il jouera un extrait de « Extasy, One for me ». C’est donc pour cela qu’il ne s’est pas foulé le beau Alex Ridha : son nouveau live frais et puissant verra le jour pour la sortie de son nouvel album en septembre, il faut donc attendre un peu pour halluciner de nouveau devant lui et ses sons magiques.
Il est alors 4h. Romain vient de perdre son portable et sa montre, et s’en est allé chez lui énervé. Je retrouve des copains tous droits sortis de Breaking Bad, et c’est le début de la fin. Les lumières se tamisent et adoptent des couleurs plus suaves. Para One vient clore le bal et nous offrir son nouveau live, progéniture de son dernier album Passion, un bijou qui a su mettre tout le monde d’accord, tellement l’artiste à su avec brio explorer les divers genres de la musique électronique et en sortir quelque chose de fourni et sensuel. Le live en est la pure continuation, empruntant à Passion ce coté sexuel (tout le monde était chaud, mais tellement chaud), mais aussi la violence technique de Jean-Baptiste de Laubier (oui, oui…) qui su faire de lui un des patrons de la techno française. On y retrouve des traces des très bons Dudun-Dun ou Turtle Trouble, mais avec une étonnante maitrise de l’ambiance et des détails qui font porter à ce « Passion Live » une très belle étiquette. Prometteur, comme toujours.
DAY 2 : BIENVENUE DANS LA RAVE-RIE.
Ecrire sur des artistes techno que tu as déjà vu trois fois, c’est trop facile. Pondre un live report sur tes maîtres sur terre, c’est plus dur. Tu te retrouves avec une affiche alignant des mecs que tu idolâtres depuis 10 ans, et que ton grand-frère de 16 ans ton ainé a vu tout jeune, du temps où techno rimait avec free-party.
Maya Jane Coles ouvre le bal, il est 23h. Le set est d’une violence, mais également d’une telle beauté, que tu comprends très vite que tu es en face d’une jeune femme très douée qui vient d’être poussée au devant de la scène par ses pairs, grâce à ses très bons remixes (celui de Maceo Plex par exemple) ou ses prods (What They Say). Allier sensualité à ligne de basse digne d’une soirée à Frankfort, c’est fort (sans jeu de mots). Ton corps est entrainé dans une spirale dont tu ne t’extirperas qu’à 7h du matin. Tout est dit. Pourtant c’est de la house ! Mais c’est celle de Berlin tu vois, celle qui fait appelle ton corps à entamer des pas de danse pour toi encore inconnus. Pas de mix, pas de morceaux différenciables les uns des autres. Juste des boucles, des reprises, quelques pitch, et des basses, beaucoup de basses. Il est 1h30 quand elle achève son set, sourire aux lèvres. Tout le monde applaudit, normal, c’était beau. Une leçon de warm-up.
Tout le monde est bouillant, prêt à prendre encore plus de basses dans la tête. Et pourtant, c’est Azari & III qui prend la suite des opérations. Un petit quart d’heure d’attente et on voit s’installer deux djs et deux chanteurs blacks au corps sculpté comme dans tes rêves. Un groupe quoi. Et la surprise n’en est que plus belle. Les morceaux que tu as écouté vingt fois chacun dans ton Ipod sont séquencés de sorte à faire de superbes boucles techno à la violence inattendue. Et les chanteurs posent leurs voix dessus, en ajoutant une présence sur scène que tu n’a plus vue depuis Henri Dès. LA CLAQUE. Tout le monde est bouche bée. Into the Night s’enchaine avec Hungry for the power, et les djs n’hésitent pas à jouer de longues minutes solo, avec de vraies boucles techno bien binaire, rendant la foule hystérique et encore plus surprise. Ils jouent 1h30, et tu sais que tu dois absolument les revoir.
D’un coup d’un seul un gros black à la chevelure loufoque s’avance, tu te dis que c’est l’ingé-son qui range le matos. Il te balance un gros Move D dans ta gueule, et alors tu le reconnais : le seul, l’unique Seth Troxler. Fraîchement élu meilleur dj de l’année (par un magazine différent que celui plébiscitant David Guetta), tu sais que tu n’en sortira pas indemne, surtout en sachant que Loco Dice et Richie Hawtin suivront.
Son live est à la hauteur de sa réputation, tout en finesse et en douceur, en ajoutant une certaine force, non pas sur l’intensité des basses, mais sur la longueur. Certes, le concert a pris une plus grande ampleur depuis qu’il est passé aux platines, mais quand tu l’as vu mixer sur vinyles, le mot RAVE s’est éclairé dans ton subconscient. Impossible de savoir quels morceaux il joue en live, tellement ton corps bouge en rythme et ton esprit est envouté. Le seul bémol, on ne s ‘attendait pas à ce qu’il soit aussi gros. Désolé, c’est un peu bas.
Mais le niveau était quand même bien haut, et nous étions loin de penser qu’il allait continuer à grimper. Loco Dice entre en scène, et ton esprit s’échappe de ton corps. Ou l’inverse, on ne se rappelle plus. Le mec a monté la Gain de deux crans c’est obligé. Tu te retrouves en face de la pureté incarnée, la musique électronique qui jongle parfaitement entre douceur et violence. Une house de Detroit à la sauce allemande début 00’s, et tu ne t’en rends même pas comptes car tu voles au sein de la foule qui ne forme qu’une seule entité. Tout est propre dans un rêve. Les boucles parfaitement maitrisées, les chansons s’enchaînent à la perfection, et les montées… Les montées ! Leur fréquence rythme son live, tu n’as de cesse de monter en excitation, crier quand il lâche, et jouir. A noter que ceci se produit toutes les 4 minutes. Le pire, c’est que le patron en face de toi s’appelle Yassine Ben Achour et qu’il a appris la techno d’un oncle tunisien ! 10/10.
Et puis il y eut la fin du monde. Pas celle prédite par ces connards de mayas. La fin de ton monde. Voilà 10 ans que tu te branles devant la musique et les photos de Richie Hawtin (parce qu’il faut se l’avouer, il est magnifique), et tu te retrouves à 6h du matin à 10m de lui. Extase. Orgasme.
La foule est déjà en délire qu’il n’a pas encore commencé. Mais c’est de la belle joie de raveur, celle que tu partages. Pas celle des mecs qui suivent Michel Delpech dans le Loir-et-Cher. Une grosse ligne saturée que tu blindes d’effets en tout genre, et c’est partit. De Maya Jane Coles à Richie Hawtin, les basses ont doublées de volume, et dieu sait qu’elles étaient fortes…
On se retrouve devant une performance, une œuvre d’art. Le blond maigre au bras levé là vient de fêter ses 42 ans, dont 24 derrières les machines. De 21h à 23h il jouait à Vienne. Il a pris l’avion pour jouer devant toi à Paris et clore ta soirée. Ok, merci.
Tous les djs peuvent se rhabiller, et toute la foule fait l’inverse. La chaleur est folle, on se transforme en flaques humaines. Tous réunis, mais en mieux. Les morceaux varient de classiques old-school sortis tous droits des caves du Berghain aux pépites acid ramenées de Detroit via une DeLorean DMC-12. À cela tu rajoutes des effets maitrisés (fazer, flanger, delay et reverb en tête), des montées jouissives qui te font sauter comme dans Flubber (pardon) et une présence sur scène que tu ne verras jamais chez un dj. Le rêve enfin devenu réalité. Je revois encore ma tronche avec mon sourire qui chatouille mes oreilles. VIVE LA RAVE. VIVE L’ALLEMAGNE. VIVE LA TECHNO.
Au final, ce fut deux très bonnes soirées en plein Paris, avec une organisation de qualité, et un line-up de folie. Rêverie nous a en effet vendu du rave.
Ruben
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble