Jeudi 19 juillet, les députés continuaient de plancher sur le collectif budgétaire estival. Le sujet du jour était le renforcement de la fiscalité du patrimoine et des grandes entreprises.
Bizarrement, les ténors de l'UMP, qui s'étaient déchaînés sur les bancs de l'Assemblée pour fustiger la suppression de la défiscalisation des heures sup', n'étaient plus là. Xavier Bertrand, Eric Woerth et autres Pécresse s'étaient fait porter pâle. Le sujet était politiquement moins porteur.
La « flibusterie parlementaire » de l'opposition, comme l'a qualifié le ministre du budget Jérôme Cahuzac, continuait cependant. Et voici le florilège du jour des arguments et positions des députés UMP et UDI.
Charles de Courson (UDI) s'alarma de la baisse de rentabilité du patrimoine à cause de la taxation renforcée des fortunes proposée dans le collectif: « La rentabilité du capital a chuté ces quatre dernières années (...) Alors même que la rentabilité du patrimoine est en baisse, le
Gouvernement nous propose un barème non modifié, ce qui n’est pas du
tout cohérent, puisque cela signifie que, si le taux supérieur est
maintenu à 1,8 %, plus la rentabilité du capital baisse plus la pression
s’accentue, jusqu’à devenir confiscatoire. Il est en second lieu incroyable que l’étude d’impact n’analyse pas
les risques de voir s’amplifier les délocalisations de détenteurs du
patrimoine. »
Le même Charles de Courson proposa de rétablir le bouclier fiscal (que Sarkozy avait renforcé en 2007 puis supprimé en 2011), mais à 70%.
Gilles Carrez, président UMP de la Commission des finances, eut cet exemple savoureux par sa représentativité, pour justifier son opposition au durcissement de l'ISF: « Considérez un professeur de collège qui se trouve appartenir à une
famille propriétaire d’une entreprise de taille intermédiaire (...) : si l’ISF que paie le professeur
de collège mange la totalité de son traitement, voire excède celui-ci,
il va être conduit à vendre ou bien à exiger que l’entreprise distribue
des dividendes au moins supérieurs au montant de son impôt.»
A un député socialiste qui s'amusait du « moins d’enthousiasme » à droite « pour demander
aux patrimoines les plus importants de participer au redressement » que sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaire, l'UMPiste de Mulhouse Arlette GrossKot répondit sans rire ni sourire: « Nous défendons les classes laborieuses. »
Contre le relèvement des droits de succession, l'UMP Alain Chrétien s'exclama: « Monsieur le ministre, faire croire que l’augmentation en 2007 du
montant de l’abattement à 159 000 euros par parent et par enfant a
principalement bénéficié aux contribuables les plus aisés est une
imposture ! Vous allez à nouveau taxer les personnes qui souhaitent
transmettre à leurs enfants un patrimoine qu’ils ont mis toute une vie à
constituer et à construire. Oui, nous le savions déjà : vous n’aimez pas les riches.» Involontairement, l'homme reconnaissait donc que la mesure concernait les riches... Une député de gauche rappela d'ailleurs que 80% des foyers français n'étaient pas concernés par ce durcissement.
Le même Chrétien s'indigna encore: « porter le délai à quinze ans, presque trois fois plus qu’il y a un an et
demi, signifie que la plupart des familles ne procéderont à la mutation
qu’une seule fois. Cela revient à tuer la transmission du patrimoine
sur toute une génération. » Quinze ans, une génération ! Arlette Grosskost s'est aussi enflammée: « C’est au contraire la classe moyenne, la classe des ouvriers que vous taxez une nouvelle fois ».
Marc Le Fur - l'homme au pot de fleur - rajouta: « cet article est un crime à l’égard de la famille. C’est un crime à l’égard des classes moyennes. C’est un refus de la notion de transmission. » Etranglé d'émotion devant la perspective de cette taxation des successions, l'UMPiste Hervé Mariton fit cette glissade surprenante vers l'homoparentalité : « C’est notre vision de la transmission, de la famille qui est en jeu; (...) vous voulez faire évoluer la conception de la famille vers une prise en
compte de la famille complexe, qu’il s’agisse du statut du beau-parent,
de l’homoparentalité, et, comme il vient d’être proposé en Californie
récemment, de la reconnaissance d’un nombre de parents supérieur à deux
– trois, quatre ou, dans l’hypothèse d’une recomposition, un nombre
supérieur encore. »
Alain Chrétien défendait l'amendement 69 pour réduire de 15 à 10 ans le délai entre deux donations manuelles de 30.000 euros au plus exonérées de droits de succession: « Vous avez été très rigide durant ces dernières heures, monsieur le
ministre. Une durée de quinze ans pour les dons manuels nous paraît
vraiment excessive. Vous pourriez donc, dans votre mansuétude, faire un
geste sur cet amendement. »
Charles de Courson proposa l'abandon de la nouvelle taxe de 3% sur les dividendes en contrepartie d'un relèvement de 0,5 ou 0,6 point de l'Impôt sur les sociétés.
Jacques Myard, l'un des chantres de la Droite Populaire, refusait le doublement du taux de la taxe sur les transactions financières au motif que cela avantagerait la City de Londres contre la Bourse de Paris: « Les Anglais, une nouvelle fois, vont bénéficier du système que nous sommes en train de mettre en place. (...) Même si le taux reste très modeste, nous sommes en train de nous mettre
en position de faiblesse vis-à-vis de la City qui s’en frotte les
mains. ». Au passage, ses collègues UMPistes confirmat ce que l'on savait déjà: cette fameuse taxe créée en urgence par Sarkozy en début d'année n'était que l'impôt de Bourse que le même Sarkozy avait supprimée en 2007.
Dominique Tian proposa de permettre aux PME de titriser leurs créances fiscales au titre du crédit impôt recherche; c'est-à-dire, en des termes moins techniques, de transformer ces créances en titres financiers placés dans des fonds qui pourraient ensuite en faire le commerce...