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L'ami Francis me secoue les puces

Publié le 17 mars 2008 par Edgar @edgarpoe
Il faut que je me confesse : depuis un moment j'entretiens une liaison - épistolaire - coupable avec un fonctionnaire retraité de la Commission européenne. Il s'est retiré au Royaume-Uni et est tombé un jour sur un de mes billets consacrés à l'Europe, qu'il me dit avoir trouvé fort intéressant. Nous avons échangé plusieurs billets autour de sa conception (chrétienne) de l'économie, et avons failli nous rencontrer lors d'un de ses passages à Paris, malheureusement écourté. Il vient de m'adresser le courriel suivant, que je lui ai demandé l'autorisation de reproduire, pour y apporter une réponse qui peut, après tout, intéresser d'autres lecteurs puisque sa critique concerne le contenu de ce blog :   Cher Ami,   je suis accablé et intérieurement furieux.   Voila des mois que les Chinois font tuer les gens à Darfour et à Burma, et nous ne disons pas un mot.   Et voici qu'ils sont encore plus démonstratifs et directs au Tibet. Et que font Sarkozy, Merkel, Hillary, Obama et EDGAR? [facétie edgarienne : j'attends d'être élu !]   Rien, car nous avons besoin de leurs casseroles à Bon prix,sans nous rendre compte qu'ils savent bien qu'en la bouclant nous nous préparons à entrer dans un monde globalisé sous Ethos et Direction Chinoises, plutot qu'Européano-Chrétienne ou Européano-Lumières libérales.  Ce qui est la même chose.   Les  Jeux Olympiques constituent une célébration religieuse mondiale depuis 1000 Avant JC.  Elle exprime avec joies et avec coeurs et corps nos convictions profondes, sensibles et sentimentales.  C'est Notre Religion Occidentale. Or nous décidons de remettre solennellement (et sans nous rendre compte) aux apparatchiki de Peking.     Je suis  particulièrement triste pour vous et de vous: La lettrevolée se concentre sur les affaires françaises pour me rappeler que depuis la défaite de Louis XIV en 1715, la France est obnubilée par son nombrilisme afin d'oublier des siècles de diminution internationale.  La France ne s'occupe jamais du monde et va de Munich à Munich.    Quand L'Europe sera balkanisée, grace à la continuité pluri-séculaire de la politique française, on se vendra un peu mieux au chinois, et les intellectuels français clameront que les françaises sont des putes bien plus aguichantes que les putes allemandes et les américaines, et que les Chinois préfèrent venir chez nous et payer 1 Renminbih de plus qu'aux USA et 0.5 Renminbih de plus qu'en Allemagne (en moyenne).   Et pour être totalement laïque nous soulignerons qu'en matière de prostitution aux chinois, nous ne ferons pas de différence entre hommes et femmes, adultes et enfants.  Car nous sommes des scientifiques sans superstition et savons que tous les êtres "humains" sont des bios sans différence.   Vive la France, Vive la Science, Vive La Raison.   hélas,      francis Bon. Je réponds en plusieurs points : Sur le côté "France only" de ce blog, je plaide à demi coupable. Coupable parce qu'en effet, l'affaire du jour me semble être la précipitation de l'enfermement européen, malgré notre volonté. Si la France n'était pas malmenée par une administration qui s'en est approprié la gestion, je n'en parlerais sans doute pas autant. Cependant, il n'est pas vrai que ce blog n'est consacré qu'à la France. Tout d'abord, les affaires européennes concernent directement au moins 27 pays, et indirectement pas mal d'autres (Kosovo, Serbie, Russie, USA...) Savoir si la première (im)puissance économique mondiale est une démocratie, ou pas, viable, ou pas, ne relève pas du nombrilisme exacerbé. Ensuite je fais régulièrement mention de l'actualité ailleurs, notamment aux USA, pays que j'admire et apprécie (même s'il est vrai que ces derniers temps c'est plus rare). Enfin, j'aime bien évoquer des sujets que je connais un peu et dont je parle la langue, et, malheureusement, je ne pratique que l'anglais et le français. Sur la Chine et le Darfour ou le Tibet, le fait que je n'en parle pas ne vaut pas approbation : je suis favorable à un Tibet libre et à un Darfour pacifique. Mais il me semble plus important de décortiquer des thèmes délaissés par les média classiques que de répéter au même moment les indignations de Monsieur-tout-le-monde. Sur le Darfour par exemple, il me semble que le sujet est évoqué d'autant plus fort qu'il s'agissait d'éviter de parler de l'Irak. A tel point qu'une association Save Darfur a été condamnée pour avoir gonflé les chiffres du nombre de morts au Darfour, au final assez mystérieux (entre 120 000 probables et 400 000 très certainement bidonnés). A comparer avec les 1 200 000 morts probables en Irak : «ORB (Opinion Research Business), which has conducted polls in Iraq since 2005, released the findings of a survey of 1,461 adults across the country. Among other questions, it asked: "How many members of your household, if any, have died as a result of the conflict in Iraq since 2003 ( i.e., as a result of violence rather than a natural death such as old age)? Please note that I mean those who were actually living under your roof." »Of those responding, 78 percent said their households had experienced no violent deaths, 16 percent had experienced one death, 5 percent two deaths, 1 percent three deaths or more. Given the number of households in the country, 4,050,597 according to 2005 census figures, this works out to nearly 1.2 million deaths. (…) »Opinion Research Business is not a left-wing or antiwar group, but an established polling organization, founded in 1994 by Gordon Heald, who headed Gallup Britain from 1980 to 1994. Its customers include the huge mining concern Anglo American, the Bank of Scotland, and the Conservative Party. Its non-executive director is Geoffrey Martin OBE, currently special adviser to the secretary general on strategic relationships of the British Commonwealth. »The ORB survey was based on face-to-face interviews conducted between August 12 and August 19 among a nationally representative sample of 1,720 adults (of whom 1,461 responded), with a standard margin of error of 2.4 percent. Random sampling was used to select those interviewed in 15 of Iraq's 18 provinces.» Bref, il y a une utilisation politique de l'indignation, à laquelle je me refuse lorsqu'elle sert de façon trop évidente des intérêts bien établis et pas forcément honnêtes. J'ai protesté, de mémoire, contre les rafles d'étrangers en France, chaudement approuvé, en commentaires, les réactions indignées d'Eolas face à une décision judiciaire récente d'expulsion d'un père dont le fils est atteint de leucémie (même si Eolas sur les questions européennes est à l'opposé de mes positions, avec des arguments d'autorité peu réfléchis, à mon sens), évoqué les joies de l'assurance santé aux USA, souligné les pubs équivoques de Abercrombie & Fitch... Bon, voilà. Je crois que même si je plaide coupable de n'avoir en tête que deux ou trois thèmes de prédilection (l'Europe, les USA, la France, les questions économiques trop peu souvent), je ne peux pas passer pour un obsidional complet. Je trouve simplement que l'européisme n'est pas un internationalisme, c'est un nationalisme de plus, bien souvent refoulé (les turcs et les pays de la méditerranée en savent quelque chose). Francis est, lui, convaincu, et c'est ce dont nous avons longuement débattu, que les Lumières ne se conçoivent pas sans le christianisme, et que donc sans remise à l'honneur du christianisme nous sommes perdus et l'économie capitaliste avec (ce qui est commun à beaucoup de catholiques de gauche, convaincus que l'économie a besoin d'un supplément d'âme. Je crois que le personnalisme est assez proche de ce à quoi Francis semble adhérer). Pour ma part je ne crois pas à un Dieu personnel, ni impersonnel d'ailleurs. Je crois en la conception du monde telle décrite par Spinoza, dont le résumé personnel que j'en fais est : la nature est, et elle nous englobe. C'est d'ailleurs sur le fait que la nature nous englobe que je peux rejoindre des croyants : ils ont profondément besoin de limiter les égarements humains par quelque chose d'extérieur. Pour ma part, je crois que c'est la conscience de notre finitude, de notre entendement limité, qui doit nous conduire à la prudence et au rejet du dogmatisme (ce pour quoi je n'ai jamais accroché aux prétentions scientifiques de Bourdieu, ni au marxisme scientiste et historiciste). Bref, comme toujours, je suis en désaccord avec mon ami Francis, mais je suis content qu'il ne relâche pas sa vigilance sur ce que j'écris, et toujours content de discuter avec un interlocuteur qui ne s'évanouisse pas dès lors que l'on ne s'incline pas devant la très sainte Europe et qui recherche encore et toujours à penser par lui-même. A bientôt Francis donc, toujours avec grand plaisir. Edgar

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