Il a baissé le nez en étirant un sourire, et m’a jeté un coup d’œil par en dessous. Pas clair, celui-là, ai-je pensé. Avant d’y ajouter une remarque un peu saugrenue : mais comment un chat mignon comme celui là pouvait s’être choisi un tel compagnon? La gent féline a perdu quelques points dans mon estime. Le nouveau voisin sans moustache a avancé d’un pas.
« Je m’appelle, hi hi, enfin, appelez-moi Bernard. Et lui, c’est Minet. »
Minet ? Affligeant. En entendant son nom le petit félin s’est débattu. Peut-être était-il de mon avis ? Bernard m’a quittée des yeux pour s’adresser à son chat :
« Minet, enfin ? Sois mignon, comme le joli minet que tu es ! »
En guise de réponse, Minet lui a balancé un coup de griffe sur le poignet et s’est débattu de plus belle.
« Oh, ne sois pas vilain comme ça Minet. D’habitude il est tellement adorable ! Je l’ai depuis tout petit, je le garde chez moi dans mon appartement, il ne sort jamais vadrouiller comme tous ces chats de gouttière malsains qui traînent dans la rue ! »
J’ai vu une goutte de sang perler du poignet de mon voisin. Sans montrer qu’il souffrait de la griffure, Bernard a déposé son Minet sur le sol. Le chat a voulu se précipiter vers la cage d’escalier mais son propriétaire lui a bloqué le passage avec le pied pour le rejeter ensuite vers la porte ouverte de son appartement. Minet m’a jeté un regard désespéré de princesse séquestrée, puis la porte a claqué et nous sommes restés entre individus de même espèce sur le palier. J’ai regardé Bernard se frotter le poignet, ai rendu au pauvre Minet et à ses confrères les points d’estime que je leur avais retirés.
Lire L'Histoire dont l'héroïne n'a pas de nom.