Ce sont des chercheurs de l'Université de Californie, San Francisco (UCSF) et de l'Université de Makerere (Ouganda) qui ont analysé des échantillons de cheveux et de sang de nourrissons nés de mères VIH-positives pour évaluer l'exposition des bébés aux médicaments antirétroviraux pris par la mère, à la fois dans l'utérus et par l'allaitement. Il s'agissait d'avoir une meilleure idée du moment où les médicaments sont transmis de la mère à l'enfant.
Dans cette étude, l'équipe a prélevé des échantillons de cheveux et de sang sur 2 groupes de mères séropositives, qui allaitaient toutes au sein leurs bébés. Pour 45 couples mère / enfant, les schémas antirétroviraux incluaient un inhibiteur de protéase, le lopinavir, renforcé par du ritonavir, un autre antirétroviral. 64 autres mères étaient sous éfavirenz.
· Les nourrissons du premier groupe présentent dans leurs cheveux, des niveaux de lopinavir, à hauteur de 87% des niveaux mesurés chez la mère et de ritonavir à hauteur de 45% des niveaux mesurés dans les cheveux de leurs mères. En revanche, les concentrations des 2 médicaments dans le sang des mères sont ceux attendus alors que chez les nourrissons (à 12 semaines), aucun des 2 médicaments n'est identifié : « L'incapacité à trouver des médicaments dans le sang des nourrissons à 12 semaines suggère que le lopinavir et le ritonavir n'est pas liée à une exposition récente, comme via l'allaitement. Les chercheurs concluent ainsi que le lopinavir et le ritonavir ont été transférés aux bébés via l'utérus.
· Dans le groupe éfavirenz, les nourrissons présentent, dans leurs cheveux, des niveaux du médicament à hauteur de 40% des niveaux trouvés chez leurs mères et, dans le sang, des niveaux du médicament à hauteur de 15% des niveaux sanguins chez la mère. Cela suggère un transfert mère-enfant de l'éfavirenz à la fois via l'utérus et pendant l'allaitement.
L'UCSF est pionnière sur l'utilisation de l'échantillonnage de cheveux pour mesurer les niveaux antirétroviraux. Alors que les cheveux du fœtus commencent à pousser in utero, les échantillons de cheveux permettent aux chercheurs d'examiner l'exposition aux drogues avant la naissance, une procédure devenue aujourd'hui standard dans de nombreuses études et pratiquement équivalente à à la mesure de l'hémoglobine glyquée pour surveiller la glycémie chez les patients diabétiques. Et alors que le taux plasmatique d'un médicament reflète l'exposition au médicament pendant environ 24 heures, la mesurer des concentrations de médicaments antirétroviraux dans un échantillon de cheveux va permettre de révéler l'exposition au cours du mois passé. Ces résultats vont permettre de mesurer l'exposition du fœtus et du nourrisson aux TARV, de comprendre comment mieux protéger les nourrissons contre la transmission mère-enfant, durant la grossesse, lors de l'accouchement et après la naissance. Mais les résultats ont également d'importantes implications sur le développement de la résistance aux médicaments antirétroviraux chez le nourrisson, alors que le VIH développe des mutations de résistance après même une exposition relativement faible aux TARV comme l'éfavirenz. Enfin, ces résultats vont permettre de mieux contrôler la toxicité de ces médicaments chez le nourrisson.
Enfin, l'analyse d'un échantillon de cheveu reste un test non invasif, indolore et donc prédictif de la réponse à un médicament et, en particulier, en situation de ressources limitées, où la collecte, le stockage et la manipulation du sang est plus délicate.
Source: XIX International AIDS Conference “Lopinavir and efavirenz concentrations in paired hair samples as a marker of cumulative exposure among postpartum women and breastfeeding infants in Tororo, Uganda"
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