À Caroll et à Christophe,
À Lou et à Hélène,
Mais le 5 juillet 2012 au soir, dans l’immensité de Bercy, un ami m’a manqué. Particulièrement. La dernière fois, c’était avec lui, il y a quatre ans, que j’avais vu le E Street Band. Grand et beau souvenir d’une soirée bien plus estivale que celle-ci. C’était au Parc des Princes. On ne s’en est jamais remis (lire ici). On savait aussi qu’il allait partir, qu’on se verrait moins, bientôt, que les prochains concerts du Boss, contrairement aux trois précédents, on ne les vivrait peut-être pas ensemble. Depuis, il l’a vu à New York, au Madison Square Garden. Depuis, moi, je rongeais mon frein. Quatre ans, quand même ! Dans quelques jours, cet ami cher sera père à son tour. D’un garçon. À Montréal ou bien à Paris, la longévité de Bruce devra être telle qu’on puisse emmener nos mômes, un jour peut-être, à l’un de ses concerts…
Le 5 juillet 2012, et les quelques jours qui suivirent – tout comme il y a deux ans, quand ma fille Lola est née – ce rituel organisé et sciemment consenti (lire ici) : je ne pouvais à nouveau écouter qu’une personne sur le trajet de la maternité, ce type de 63 ans qui joua ce soir-là 3h38 ( !), me faisant entrer (déjà !) dans le jour suivant. Cela au rythme d’un concert évidemment mémorable, d’une générosité folle, truffé de morceaux inattendus, faussement mineurs, que je n’avais jamais entendus sur scène (Downbound Train, I’m Going Down, The Ties That Bind) et de belles surprises (Thunder Road ; l'hommage à Clarence Clemons quand Tenth Avenue Freeze Out et le E Street Band se figent longuement, juste après que Bruce ait prononcé le mythique "and Big Man joined the band").
Le 5 juillet 2012, comme il y a quatre ans, un autre "E Street Buddy" était dans les gradins. Moi, j’étais dans la fosse. Seul sur mon nuage, mais au chaud au milieu des fans. On ne s’est pas vus. Même après. Je fus raisonnable. Il me fallait rentrer. Ma journée du lendemain promettait d’être longue. Par contre, on s’est écrit. Avant. Pendant. Après. À plusieurs reprises, partageant notre ravissement et nos emballements. Lui seul, quelque part, savait, parmi les 20 000 spectateurs m’entourant, qu’en écoutant Bruce, ce soir-là, je pensais très fort à Lou. Tous deux pour toujours associés dans mon esprit. Il faudra aussi un jour, mon ami, qu’on emmène nos fistons respectifs voir notre héros. Et là, peut-être qu’ils nous traiteront de vieux cons. Pas grave. Nous, le 5 juillet 2012, on y était !
Photo : GEOFF ROBINSON