Surprise : en débarquant en Angleterre, Alex de la Iglesia s'est affranchi de la plupart des éléments qui charpentaient son cinéma. Les laiderons ont laissé place à quelques canons (aah, Leonor Watling nue sous son tablier...), la stupidité ambiante à une atmosphère d'érudition (les héros sont des matheux), la frénésie burlesco-gore à des crimes plus classieux... Le réalisateur espagnol livre avec Crimes à Oxford un whodunit flegmatique où l'identité du coupable importe bien moins que l'ambiance.
Confirmant son statut de petit malin, Iglesia exploite un cadre typiquement british pour y orchestrer une sorte de mini commedia dell'arte qui peut légitimement séduire ou rebuter. On pourrait trouver que les acteurs sont mauvais ; seulement, il y a une forte probabilité pour que ce jeu excessif en diable soit voulu par le réalisateur. Planqué derrière une mise en scène joliment passe-partout (hormis un plan-séquence depalmesque et parfaitement inutile), Iglesia s'emploie à faire exister ses propres obsessions et à les théâtraliser. Et s'offre quelques parenthèses savoureuses, avec ce qui ressemble de près à un court-métrage inséré au beau milieu du film, et dans lequel il se livre à la description jubilatoire et apocalyptique de l'existence d'un mathématicien devenu homme-tronc. Sans conteste le grand moment du film.
La dernière partie de Crimes à Oxford vient malheureusement gâcher la fête : subitement, Iglesia semble préoccupé par une intrigue dont il se moquait jusque là, et sa résolution est ampoulée, capillotractée et surtout trop sérieuse. La frustration est palpable ; comme souvent, ce cinéaste si attachant n'aura pas été capable de garder la même ligne de conduite pendant tout un film. Reste un divertissement plutôt fréquentable qui achèvera si besoin de démontrer que les mathématiciens sont des personnes infréquentables (à commencer par l'auteur de ces lignes).
6/10
(également publié sur Écran Large)