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Exorcisme (-1)

Par Deathpoe

19h54; J'allume le premier joint de la soirée, très léger et rejette la fumée par la fenêtre ouverte, en restant assis au maximum. Je suis au bout de la douleur, et je sais pourtant qu'on peut souffrir physiquement encore plus. Ce n'est tout simplement pas humain. Je ne me plains pas, enfin j'essaie de ne pas faire queça. Il y a toujours pire, seule phrase toute faite qui soit vraie. Seulement, si vous lisez ça, qui que vous soyez, je crois que j'ai un truc à dire, dans l'ensemble. Loin d'être un scoop, loin d'être mon mur des lamentations virtuel. Si je me contentais de chialer sur mon sort en écrivant, je doute pouvoir faire véhiculer quoi que ce soit, ou même, je doute du fait que mes misérables lignes transmettent quoi que ce soit en tant qu'énergie. Vous avez lâché l'affaire? Tant mieux parce que ce n'est pas fini.
Avec la moitié de Lexomil et ce peu d'herbe mes nerfs se sont calmés. La douleur est toujours intense mais je parviens au moins à me concentrer sur autre chose. Allongé ou debout, mon dos est une pièce de viande dans un étau à laquelle on arrache des lamelles continuellement. Je crois que c'est la meilleure description que je puisse donner. Ma cuisse gauche se contente d'être contractée et douloureuse, tout comme le mollet mais, assis, je n'ai pas à accentuer toute la douleur du lot en marchant péniblement.
20h17; j'écrase ma clope dans le cendrier du balcon. L'emballage du comprimé de morphine me résiste: aluminium, bien fermé, il suffit juste de soulever l'un des coins de la capsule pour avoir accès au haricot magique. Deux millimètres de diamètre, sur une face un "O", sur l'autre simplement un 5. Voilà il fond sur la langue et, même si le goût est à la fois amer et mentholé, il est loin d'être désagréable. Avec ma langue je passe les miettes microscopiques sur ma gencive, comme on ferait en voulant goûter de la cocaïne. Je sais que l'effet paraît immédiat, puisque, à peine trente secondes après, c'est comme une vague d'eau qui déferle sur le cerveau. Sensation de bien-être immense, pas aussi intense qu'un orgasme, même de très loin, mais l'effet de "lâcher prise", expression qui était l'une des rengaines favorites de mon psychiatre, est bel et bien là. Une bonne part de cet effet doit être purement psychologique, façon effet placebo ou que sais-je d'autre. Ce dont je suis sûr, c'est qu'il suffit d'environ trois minutes pour que la douleur commence de s'atténuer. Entre temps j'écris ces lignes, remettant en boucle une chanson du mec à la béquille, roulant à nouveau un peu d'herbe.
20h31. Il pleuvait sur le balcon et je caressais machinalement mon patch de morphine en fumant. De retour devant l'écran, aucune foutue idée de quoi faire de ce texte. L'enregistrer en brouillon et le continuer plus tard? Le laisser en l'état et le publier, virtuellement parlant avec la possibilité de le continuer dans la soirée? Plus simplement, froisser la feuille de papier et silence?
Deuxième solution. Un psy dirait que j'écris pour être lu. Belle analyse, Ducon.


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