Ma fille J. a 10 ans et demi. Elle était en CM2, cette année, dernière passée à l'école primaire.
J'ai remarqué que beaucoup de filles de sa classe étaient déjà formées. Elles ont de la poitrine et sont obligées de porter des brassières ou des soutiens-gorges, sans parler de leur croissance qui s'est accélérée et elles me semblent grandes pour leur âge. J'ai aussi noté que la pédiatre surveillait plus attentivement l'arrivée de la puberté chez ma fille depuis 1 ans et demi, depuis ses 9 ans.
J'avoue être très étonnée par cette puberté si précoce.
Je suis tombée dernièrement sur plusieurs articles qui abordaient ce sujet et j'ai décidé de fouiller un peu plus. Envoyé Spécial y a même consacré une émission "De si petites filles en fleur" que vous pourrez visualiser ici.
Ce que j'ai lu m'a fait froid dans le dos. Les risques des cancers du sein sont accentués chez les jeunes filles ayant une puberté précoce et comme elles sont de plus en plus nombreuses à être pubères trop tôt...
Je vous laisse juger par vous-même.
Définition de la puberté précoce
Tout d'abord on parle de puberté précoce lorsque les premiers signes pubertaires commencent avant l'âge de 8 ans chez la fille (alors que l'âge moyen est de 10 ans et demi) et de 10 ans chez le garçon. La puberté précoce est 5 fois plus fréquentes chez les filles que chez les garçons.
Si la puberté a lieu entre 8 et 9 ans, ce n'est plus de la puberté précoce mais de la puberté avancée, elle n'attire même plus l'attention, elle est devenue banale et fréquente.
Ces fameux signes pubertaires comprennent, pour les filles, le début du développement des seins, la pilosité pubienne, éventuellement des mini-règles (la ménarche). Ils sont accompagnés d'une accélération de la croissance qui risque de s'arrêter précocement, à la survenue des règles. Comme le processus de croissance débute plus tôt, il se termine plus tôt aussi.
Une vaste étude du Dr Frank Biro, du Cincinnati Children’s Hospital Medical Center, portant sur 30 ans, publiée dans la revue Pediatrics, révèle que la puberté des jeunes filles est beaucoup plus précoce que de précédentes études le laissaient croire.
L'âge de la puberté a avancé d'un et demi en moyenne au cours de la dernière génération, passant de 10 ans et 3 mois en moyenne à environ 9 ans.
Aux États-Unis, plus d'une petite fille blanche sur dix montre des signes de puberté à 7 ans, soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Chez les petites filles noires, le taux monte à une sur quatre.
L’âge moyen des premières menstruations est passé en un siècle de 17 à 13 ans chez les filles de race blanche aux États-Unis. Il a continué à diminuer au cours des derniers 50 ans, mais beaucoup plus lentement (quelques mois) et suivant d’amples variations selon l’origine ethnique.
Au CHU de Toulouse, l’endocrinologue Catherine Pienkowski confie établir "une dizaine de bilans de puberté précoce par semaine".
"On voit maintenant en moyenne une fois par semaine dans notre service du CHU de Montpellier des petites filles de 3 à 5 ans qui commencent à avoir des seins", explique le Dr Sultan, professeur d'endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier.
"Mon équipe étudie aujourd’hui le développement prématuré de la glande mammaire chez les filles de de 2 à 8 ans : 40 fillettes sont actuellement prises en charge dans mon service. Elles ont des seins qui ont la taille d‘une mandarine et même d’une petite orange. Pour 11 d’entre elles, la profession des parents est en lien avec des PE (perturbateurs endocriniens). Chez elles, l’activité oestrogénique est 4 fois plus élevée que la normale. Nous avons reçu un bébé de 4 mois avec des seins comme des oranges et réglée. Elle vit dans une propriété pleine de pesticides, avec des parents extrêmement pollués." Un cas extrême, rarissime. (source ici).
Autre exemple : au 18ème siècle, quand Bach dirigeait le choeur de Leipzig, l'âge moyen des jeunes chanteurs était de 18 ans, aujourd'hui les chefs de choeur ont des difficultés à trouver des jeunes de plus de 13 ou 14 ans qui n'ont pas encore mué.
Quelles sont les raisons avancées pour expliquer cette augmentation de la puberté précoce ?
Deux facteurs essentiellement sont montrés du doigt :
- Le surpoids et l’obésité induits par un régime alimentaire trop riche.
18 % des petits Européens sont aujourd’hui en surpoids. Un chiffre qui pourrait monter à 25 % en 2020, d’après l’Insee. Or plus une petite fille est en surpoids, plus elle risque une puberté précoce, car le tissu adipeux synthétise les oestrogènes déclencheurs de puberté.
- La perturbation du système endocrinien par l’exposition à des substances chimiques volatiles.
mais d'autres plus surprenants ont été mis en avant suite à ces études:
- faire partie d'une famille monoparentale.
Une étude épidémiologique américaine a révélé que les filles qui grandissent sans leur père biologique seraient enclines à se développer plus tôt.
- le bombardement d'images à caractère sexuel diffusées à la télévision peut aussi stimuler certains développements précoces.
Je souhaite détailler le rôle des substances chimiques agissant comme perturbateur du système endocrinien.
Une étude menée par les chercheurs de la Mount Sinai School of Medicine, à New York, a montré qu'il existe des liens entre l'exposition quotidienne des jeunes filles à trois types de substance chimiques (phtalates, phénols et phyto-oestrogènes) et la survenue plus ou moins précoce de la puberté.
Ces substances agissent comme des pertubateurs endocriniens, notamment en imitant l'action de l'hormone féminine oestrogène. Elles sont la cause du raccourcissement des périodes de gestation du fœtus, faible poids à la naissance, accroissement des taux d’obésité et mauvaise régulation de l’insuline dans l’organisme, tous des facteurs de risque de puberté précoce et elles induiraient des risques accrus de cancer du sein.
Pour mesurer l'exposition de ces petites filles à ces substances, il suffisait d'analyser leur présence dans leurs urines.
- Les phtalates, aussi bien ceux totalement interdits et d'autres encore autorisés (notamment dans les parfums).
- Les phénols dont le fameux Bisphénol A, présents dans les biberons en plastique jusqu'en juin 2010 et à l'intérieur des boîtes de conserve et des canettes.
- Les phyto-oestrogènes, composés naturels présents dans le soja et les isoflavones, notamment dans le lait et les yaourts, sont mis en cause. Les fillettes, et autres, en mangent de plus en plus.
Ces substances chimiques sont omniprésentes, de la nourriture aux emballages, en passant par les jouets et les cosmétiques. Si leur action est encore mal connue, les preuves accumulées sont difficilement réfutables.
Les perturbateurs endocriniens n’atteindraient jamais la dose jugée nocive, mais la notion même de seuil est remise en cause par les chercheurs. Des études ont montré, par exemple, l’action néfaste d’une très petite quantité de bisphénol A. Outre qu’il s’accumule dans l’environnement, il se comporte de manière complexe. On sait qu’il existe des effets "cocktail" ou "paradoxaux" lorsqu’une molécule réagit à faible dose mais pas à forte dose. Le bisphénol A ne devrait plus être utilisé en France. Un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a précipité son interdiction totale à l’horizon 2014. Une proposition de loi interdisant les phtalates, les parabènes et les alkylphénols vient, en outre, d’être adoptée à l’Assemblée. Ces votes sont loin de régler le problème car il existe bien d’autres perturbateurs endocriniens. Mais l’alerte est lancée.
L'Environmental Working Group et le réseau de Rachel ont commandé une étude sur deux ans menée par cinq laboratoires indépendants pour vérifier la présence de contaminants toxiques dans le sang du cordon des nouveau-nés nés avec un résultat effarant. Cette étude a montré que le sang du cordon contient jusqu'à 232 différentes substances toxiques, ce qui démontre l'exposition prénatale à des polluants environnementaux.
Or les chercheurs pointent du doigt l’exposition aux substances chimiques en particulier pendant la vie fœtale.
Il faut insister sur la prévention auprès des femmes enceintes, surtout entre 7 et 12 semaines de grossesse. C’est la période pendant laquelle les organes génitaux se forment et celle où le fœtus est le plus sensible aux perturbateurs endocriniens.
Outre les pubertés précoces, les travaux du Pr Sultan montrent que l’exposition à certaines de ces substances chimiques favorise les ambiguïtés sexuelles et les malformations génitales masculines : micropénis, malformations de l’urètre, testicules non descendus dans les bourses… Selon une étude récente, le risque de malformations est multiplié par quatre pour un garçon vivant dans un environnement exposé aux pesticides. Le spécialiste confie aussi recevoir de plus en plus de garçons pour gynécomastie (développement des seins). Il a vu une cinquantaine de cas en deux ans.
Un site est consacré à la recherche sur les PE (perturbateurs endocriniens) : http://www.pnrpe.fr/
Un colloque international "Connaissances récentes sur les effets de perturbateurs endocriniens sur l’environnement et la santé" est organisé les lundi 10 et mardi 11 décembre 2012, à Paris. Il est gratuit,ouvert à tous, scientifiques, grand public, politiques. Il faut juste faire une pré-inscription avant le 17/11/2012 à cette adresse : http://www.ansespro.fr/pnrpe/
Le programme est disponible ici.
La France peut prendre des initiatives comme celle sur le bisphénol A, mais c’est principalement au niveau européen que les dispositions sont les plus importantes. Aujourd’hui, seulement quatre phtalates sont soumis à autorisation.
Conséquences de la puberté précoce
Une exposition précoce, et donc de plus longue durée pendant la vie aux œstrogènes augmente le risque de cancer du sein et de maladie cardiaque.
Outre ce risque accru de cancer du sein associé à la puberté précoce et les autres effets des contaminants chimiques sur le développement, il y a de nombreuses autres raisons de s’inquiéter de la baisse de l’âge de la puberté, sur le plan social notamment.
L'exposition précoce des fillettes concernées aux regards et au désir masculin est déstabilisante, comme le souligne le Docteur Marcia Herman-Giddens, de l'Université de Caroline du Nord.
L’augmentation des cas de puberté précoce nous obligera à séparer notre conception de l’enfance et le développement physiologique comme tel (une fillette de 8 ans qui a des seins n’en reste pas moins une enfant si on la compare aux enfants de son âge). Or les filles qui acquièrent des formes à un jeune âge sont soumises à de nombreuses pressions sociales.
Un certain nombre d’études montrent que les filles qui atteignent tôt l’âge de la puberté sont davantage sujettes à l’anxiété, ont une moins bonne image d’elles-mêmes et font plus de tentatives de suicide que les autres. L’abus de drogues, le tabagisme et la consommation d’alcool sont également plus élevés au sein de ce groupe. Par ailleurs, ces filles sont plus susceptibles d’être victimes de violence physique et sexuelle. Dans l’ensemble, elles ne réussissent pas aussi bien à l’école. Leur vie sexuelle débute plus tôt et elle est plus active; le risque de grossesse à l’adolescence augmente.
Les cas de puberté précoce relevant des endocrinologues
Certaines de ces pubertés précoces sont dues à un dérèglement du système endocrinien. Dans ce cas, on adresse l'enfant à un endocrinologue qui s'assure qu'il s'agit bien d'un trouble nécessitant un traitement. L'enfant reçoit des médicaments pour empêcher la production d'oestrogènes, soit des anti-oestrogènes, soit des inhibiteurs de l'aromatase.
Dans certains cas, il s'agit d'un dérèglement central du système endocrinien. La cause en serait une production trop importante d'une hormone, la GnRH, sécrétée par l'hypothalamus. Elle agit indirectement sur le cycle de reproduction, notamment sur l'ovulation et la menstruation chez la fille et la spermatogénèse chez le garçon. On procède alors à des injections pour que ces effets cessent chez ces enfants. La véritable puberté ne s'enclenche plus.
On bloque ainsi le développement pubertaire, on limite l’avance de l’âge osseux, on normalise la vitesse de croissance.
En effet la survenue d’une puberté précoce a pour principal conséquence une petite taille adulte. De nombreux facteurs influencent la taille adulte spontanée, notamment la taille des parents, l’importance de l’avance de l’âge osseux et l’âge de début des signes pubertaires. Il a été raporté que les plus jeunes des filles pubères (puberté spontanée avant l’âge de 6 ans) étaient également les plus petites. La taille moyenne des filles ayant une puberté précoce non traitées se situe autour d’1m 50.
Les médecins semblent "agiter" cette menace, "l'enfant restera de petite taille", pour mieux faire accepter un traitement assez lourd.
Ces agonistes GnRH (Enantone, Décapeptyl, Zoladex, Synarel, Suprefact, Gonapeptyl…) ont de nombreux effets indésirables :
douleurs musculaires et articulaires, fibromyalgie, vertiges, neuropathies, troubles neurologiques, visuels, endocriniens (hypophyse, thyroïde, ovaires), cardio-vasculaires, (auto)immunes, diminution des capacités intellectuelles, dépression et autres effets secondaires parfois graves et irréversibles.
Une association des victimes de ce produit injecté a même vu le jour et se bat pour que les médecins cessent de le prescrire. Elle avance que ces injections sont inutiles, leur utilité n'a jamais été prouvée en dehors des cancers de la prostate métastasés. Elle conteste l'indépendance de certains médecins qui auraient leurs études financées par les laboratoires produisant ces produits. Surtout, elle souligne les effets dévastateurs de ces substances sur le long terme.
Je dois dire qu'à la lecture de tous ces articles, résultats d'études et forums, je suis estomaquée comme toujours lorsque j'ai l'impression qu'il ne peut y avoir pire destructeur que l'Homme. Nous abîmons toutes les merveilles que la nature a mise à notre disposition. Après avoir fait des dégats irréparables à notre planète, à nos ressources naturelles, après avoir vidé des réserves fossiles vieilles de plusieurs millions d'années en à peine 100 ans, vidé nos océans de leurs poissons, abîmé notre couche d'ozone, pollué sans penser aux générations futures notre environnement en enfouissant même des déchets radioactifs qui prendront des milliers d'années pour être inoffensifs, nous arrivons à altérer notre espèce nous-même. Nous sommes nos pires prédateurs.
Une maman expliquait sur un forum que sa petite fille était réglée depuis l'âge de 5 ans mais que c'était difficile pour une fillette de penser à la logistique qui va avec et qu'il y avait souvent des débordement. Une autre parlait de sa petite fille de 3 ans et demi cataloguée dans la catégorie puberté précoce, seins, poils... Mais où va t'on ?
J'ai honte de la planète que nous allons laisser aux générations futures, vraiment honte.
Nous vivons plus vieux mais l'espérance de vie sans incapacité (EVSI) diminue depuis 2006.
Il s'agit du nombres d'années au cours desquelles une population peut espérer vivre en bonne santé sans être affecté de maladies chroniques.
L'espérance de vie pour les femmes est de 85,3 ans mais sans incapacité, on tombe à 63,5 ans. Soit 20 ans à vivre en mauvaise santé !
Pour les hommes, l'espérance de vie est de 78,2 ans mais sans incapacité elle n'est plus que de 61,9 ans.
En attendant, je me réjouis égoïstement de voir que mes filles ne présentent aucune puberté précoce. Elles ont 7 ans et demi et 10 ans et demi. L'aînée n'est pas formée, pas de poitrine, pas de croissance accélérée. Aucun signe alarmant. Elle semble en retard au regard des filles de sa classe.
Serait-ce un effet positif de l'alimentation que je leur donne ? des produits ménagers écolo que j'achète ? de mes efforts pour agir positivement sur leur environnement dans le but de les préserver autant que possible de tous ces pertubateurs et de faire fuir le spectre du cancer de leur courbe de vie.
Moi, mon EVSI a été de 34 ans. Bien court. J'espère que mon espérance de vie avec incapacité sera plus dans la norme tant que je n'aurais pas d'autres tuiles qui me tomberont sur la tête.
Un livre aborde ce grave sujet de société avec ses répercusions mais il est en anglais.
The Falling Age of Puberty in US Girls: What we know, what we need to know, par Sandra Steingraber (publication du Breast Cancer Fund, août 2007)