[Critique] KILL LIST

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Kill List

Note:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Ben Wheatley
Distribution : Neil Maskell, MyAnna Buring, Harry Simpson, Michael Smiley, Emma Fryer, Struan Rodger, Esme Folley, Ben Crompton…
Genre : Thriller/Horreur/Drame
Date de sortie : 11 juillet 2012

Le Pitch :
Sorti traumatisé d’une mission désastreuse à Kiev, huit mois plus tôt, Jay, un ancien soldat devenu tueur à gage, accepte de rempiler sous la pression de sa femme et de son meilleur ami et collègue. Les deux hommes se voient donc remettre, par un étrange personnage, une liste de noms. Leur mission consistant à trouver ces personnes pour les abattre froidement. Une mission qui fera vite ressurgir chez Jay, des pulsions psychotiques qu’il ne pourra contrôler…

La Critique :
Oubliez les films de tueurs à gages hollywoodiens qui donnent une image glamour et/ou comique de cette profession. Oubliez Mon Voisins le Tueur, Le Mexicain, Le Chacal ou encore Domino. Kill List ne ressemble à aucun d’entre-eux. Kill List est un film de tueurs à gages brutal, psychologiquement torturé, gore et choquant. Et paradoxalement, si Kill List est effectivement très loin des délires de Bruce Willis dans Mon Voisin le Tueur, il rappelle une kyrielle d’autres références toutes plus solides les unes que les autres.
Ben Wheatley livre un long-métrage abrupt, froid et complexe. Du coup, son Kill List n’apparait pas, avec le recul comme original. C’est l’exécution et non les intentions qui forcent en premier lieu le respect.

Kill List fait donc du pied, dans son dernier quart, à The Wicker Man, de Robin Hardy. On pense aussi à l’inédit produit par la Hammer, Wake Wood. Le réalisateur convoque également un esprit à la David Lynch et lorgne parfois du côté de Polanski. De solides références, parfaitement digérées, intégrées à un récit viscéral, qui baigne dans une ambiance pas si éloignée non plus de la torpeur domestique des films sociaux anglais (Ken Loach notamment). Mais n’allez pas croire qu’il s’agisse d’un pillage. Quand on regarde Kill List, tout coule de source. C’est la grande force de Ben Wheatley, qui arrive à tisser une histoire pénétrante, tout en rendant hommage à ceux qui ont nourri sa vocation de cinéaste. Son écriture est tortueuse et s’apparente à une descente vers les tréfonds de la folie glaçante et sa mise en scène l’illustre avec pertinence

Kill List débute comme l’autopsie d’une famille en crise. Jay, le mari est en plein marasme existentiel, Shel, sa femme, ne sait plus quoi faire pour le tirer de là et le gamin subit les disputes de ses parents. La violence est verbale, mais c’est néanmoins l’amour qui prédomine. Jay et Shel restent unis dans l’adversité, à leur façon. Le secret n’a pas vraiment lieu d’être dans ce couple fort bien retranscrit à l’écran. Les relations entre les personnages sont d’ailleurs magistralement rendues. Dans sa première partie, Kill List s’apparente davantage à un drame intimiste sur la dégénérescence d’un couple, qu’au thriller d’horreur promis. On sent bien que les choses vont partir en vrille, surtout quand on s’attarde sur le regard inquiétant du protagoniste principal, mais rien ne vient indiquer que la violence la plus sauvage va s’intégrer à la sauce.
C’est lorsque les tueurs à gages partent en mission que le film embrasse le corps de son sujet. Et c’est là aussi que la folie imprègne la pellicule. La folie d’un homme brusque, touché par une sauvagerie viscérale. Difficile alors d’échapper à l’étreinte d’un film qui n’épargne rien au spectateur. Des scènes de tuerie, d’une violence graphique très sèche, à la multitude de questions posées par un script malin, qui peut irriter par son absence de réponses. C’est peut-être là, où Kill List s’avère le plus bancal. On sent bien la volonté de Wheatley d’égarer le spectateur par une sur-multiplication de pistes, mais ce dernier se perd. Son métrage est court (1h35) et la dernière image, si elle imprime durablement la rétine, ne s’avère pas pleinement convaincante au regard de tous les enjeux exposés au préalable. Tout s’accélère, l’étau se resserre en un petit quart d’heure et le dénouement, traumatisant, laisse pantois.

Pour autant, Kill List remplit son contrat. Sous son titre volontairement généraliste, le film surprend, choque comme rarement et s’avère être l’un des uppercuts majeurs de cette année cinéma. Sans être putassier comme les Saw, Frontière(s) et tout un tas d’autres films d’horreur portés sur l’outrance graphique riche en non-sens et brillant par leur absence de substance, Kill List mêle horreur psychologique et physique. Il jouit en outre d’une distribution judicieuse. L’acteur principal, Neil Maskell, est tout simplement parfait, en vecteur de psychoses complexes. Il incarne une descente aux enfers organique et impitoyable, tandis que son collègue, l’excellent Michael Smiley (vu dans Cadavres à la pelle de John Landis et dans la superbe série Spaced) cristallise le point de vue du spectateur. MyAnna Buring, la superbe actrice blonde, vue dans les deux Descent est tout aussi à sa place. Son rôle est prépondérant et sa performance, au diapason des intentions d’un film qui se détache de la masse.

Pour monter Kill List, Ben Wheatley s’est entouré de ses amis comédiens. La cohérence et le naturel qui découle des échanges entre les acteurs s’en ressent. Il insuffle une authenticité redoutable à cette histoire de tueurs à gages décidément pas comme les autres. Difficile alors d’en sortir indemne. D’une façon ou d’une autre, Kill List ne vous laissera pas indifférent.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Rook Films