La diplomatie nucléaire a-t-elle repris avec Laurent Fabius ?

Publié le 20 juillet 2012 par Juan
Le ministre des Affaires Etrangères a profité d'un déplacement en Asie pour faire la promotion de l'industrie française... dont le nucléaire.
La diplomatie atomique si chère à Nicolas Sarkozy a-t-elle repris ? Pas encore ! Mais le sujet reste sensible, très sensible.
Seize mois après la catastrophe de Fukushima, le Japon, qui avait tenté de se désengager de l'atome, semble rebrousser chemin sous la pression des lobbies.
En France, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs a publié la liste de 43 sites civils pollués par la radioactivité. En Californie, la centrale nucléaire de San Onofrea été fermée pour cause de fuites radioactives.
Laurent le diplomate
Début juillet, Laurent Fabius est donc allé en Asie. Mécontent de son précédent périple en février, quand il n'était « que » l'envoyé spécial du candidat Hollande, l'actuel ministre des Affaires Etrangères s'est rendu en Chine et au Japon. Cette fois-ci, tous les tapis rouges nécessaires avaient été déroulés. A Tokyo, Fabius a qualifié le Japon de « partenaire essentiel ». Ce dernier venait de ré-autoriser la mise en service de réacteurs. Le 16 juin dernier, la compagnie Kansai Electric Power avait ainsi reçu l'aval des autorités locales et du Premier ministre pour remettre en service les réacteurs 3 et 4 d'Ohi.
« L'environnement et l'énergie, dont le nucléaire » n'étaient pas les seuls domaines de coopération entre les deux pays cités par le ministre, mais ils ont été bel et bien cités. Il reste encore pas de mal de marge à Laurent Fabius pour égaler l'activisme nucléocrate de Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait sillonné le globe, et notamment la quasi-totalité des dictatures pour leur vendre notre nucléaire. Même la Libye de Kadhafi eut droit à son contrat de coopération nucléaire !
A sa décharge, le ministre jouait son rôle de VRP, dans un contexte où les relations franco-japonaises s'étaient distendues, même depuis Fukushima. Sarkozy préférait la Chine. Dans les semaines qui suivirent la catastrophe, le gouvernement Sarkozy/Fillon était trop préoccupé à disculper la filière nucléaire dans son ensemble: « L'Asie ne se réduit pas à la Chine et à l'Inde, on souhaite relancer la relation France-Japon qui a souffert d'un désintérêt à un très haut niveau » a confié un conseiller.
La simple mention du nucléaire parmi les sujets évoqués a suffi pour déclencher une réaction chez Europe Ecologie Les Verts: « Il n’appartient pas à la France de se mêler de la re-nucléarisation d’un pays traumatisé par un accident  nucléaire majeur dont nul n’arrive encore à maîtriser les conséquences » a déclaré Pascal Durand, le successeur de Cécile Duflot à la tête du mouvement. « EELV demande à ce que l’accord stratégique envisagé entre la France et le Japon soit centré sur la création d’une filière d’excellence concernant le démantèlement des installations nucléaires.» Cette vigilance du parti écologiste est bien normale. Le nucléaire reste l'un des sujets de désaccords majeurs mais assumés au sein de la majorité présidentielle, entre les écologistes et les socialistes. 
La dette nucléaire
Samedi dernier, le quotidien Libération rappelait la question posée par les écologistes et quelques autres (dont Michel Rocard): a quoi donc sert encore la dissuasion nucléaire ?
La question nucléaire est-elle définitivement tranchée sur un compromis de gouvernement entre écologistes et socialistes ? Contrairement aux caricatures sarkozystes de campagne, l'industrie nucléaire n'avait pas à craindre pour son avenir sous un gouvernement Hollande/Ayrault.
Mais il n'est pas impossible qu'au fil des mois, quelques évènements mettent à l'épreuve la solidité de cette alliance. La semaine dernière, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs a publié une carte de 43 sites pollués par la radioactivité. « La plupart de ces sites ont abrité des activités du passé, datant de l'entre-deux-guerres, qui ne relevaient pas de l'industrie nucléaire : extraction du radium pour la médecine ou la parapharmacie, fabrication et application de peintures pour la vision nocturne, exploitation de minerais... »
Quelle assurance !
Au total, plus de 1,3 million de mètres cubes de déchets nucléaires de toutes natures étaient stockés en France fin 2010 d'après la même agence. Un volume qui devrait doubler d'ici 2030: « En France, la production de déchets radioactifs représente l'équivalent de 2 kg par an et par habitant ». Environ 0,2% de ce total est hautement radioactif, soit 2,7 kg3 comprenant plusieurs milliards de becquerels par gramme. Contre ces déchets, on connaît que le stockage à grande profondeur.
Le nucléaire est l'autre dette laissée à l'humanité.
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