Le prix Marcel Duchamp, avant-première

Bertrand Lamarche, Le terrain ombelliférique, 2006

J'écris d'ordinaire pendant la FIAC un billet où j'exprime mon choix pour le Prix Marcel Duchamp; parfois je suis en ligne avec le jury, parfois non. En attendant de le refaire cet automne, j'ai eu l'occasion de voir, au Château de Tours (jusqu'au 16 septembre), le travail des quatre artistes proposés cette année : une preview, comme on dit. Allons-y.

Valérie Favre est peintre, il en faut un chaque année. C'est onirique et mignard, sensuel et inquiétant, et ça ne m'inspire pas du tout, mais bon... Le texte la présentant, d'un fort illustre critique, commence ainsi : "Disons les choses simplement : l'oeuvre de Valérie Favre est l'une des plus importantes d'aujourd'hui pour quiconque veut comprendre un peu mieux le temps dans lequel nous vivons." C'est dommage d'être d'emblée ainsi enfoncée par son présentateur : quelle chance d'en réchapper ? Et en conclusion, il la met dans la même ligue que Louise Bourgeois et Annette Messager. Après ça, je doute qu'elle ait beaucoup de chances.

Le travail de Dewar et Gicquel m'a toujours laissé assez froid et celui montré ici ne me fait guère changer d'avis : travail sur les matériaux plus que sur les formes, recours à

Franck Scurti, La Linea (Tractatus Logico-economicus), 2001

l'artisanat et au bricolage. Pas ma tasse de thé, trop prévisible et superficiel.

Franck Scurti est un maître du signe, du symbole, un décodeur. Il confronte sans cesse l'idéal et le réel. Ses pièces sont d'apparence très simples et vous entraînent dans des profondeurs insoupçonnées. Voici en particulier une vidéo toute simple où, sur fond de pages boursières des journaux, le personnage de la mythique et superbe Linea de Cavandoli jongle avec des indices et des dollars, dans une interaction vivante.

Bertrand Lamarche, ST, 2008

À ce stade (mais ça peut changer d'ici octobre), mon vote irait à Bertrand Lamarche, que j'avais découvert à la FIAC 2010 sur le stand de Jérôme Poggi. Son travail me fascine par sa simplicité et son évidence : un tourne-disque produit un son , la membrane du haut-parleur vibre et fait bouger le bras de lecture sur le vinyle, mouvement perpétuel sonore. Un tore en aluminium se retourne sur lui-même, béant, mutant, se rétractant comme un mollusque craintif, se déployant comme un péril inconnu. Une photographie d'ombellifères géantes nous plonge dans un univers qui semble artificiel comme un jeu vidéo en trois dimensions. La lumière et le son concourent à nous perdre dans des failles de la réalité, à nous fixer devant des figures suspendues, distordues, devenues fictionnelles. À suivre...

Bertrand Lamarche, Lobby (hyper-tore), 2004

Photos 2, 3 & 4 de l'auteur. Franck Scurti étant représenté par l'ADAGP, la photo de son oeuvre sera ôtée du blog à la fin de l'exposition.