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Quelque chose comme une odeur de printemps d'Annie-Claude Thériault

Par Venise19 @VeniseLandry

Quelque chose comme une odeur de printemps d'Annie-Claude ThériaultBéate est une jeune fille d’environ treize ans, et c’est à travers son regard d’adolescente que nous allons rencontrer sa famille : ses parents, qu’elle juge immatures, sa sœur, qu’elle juge automate et renfermée, son frère qu’elle traite de lémurien. Et, adolescence oblige, elle se croit invisible aux yeux des siens.
Béate est intéressante, son œil vif posé sur son entourage sait captiver un lecteur. Quand elle se met en action, on ne s’ennuie pas avec elle. Comme sa vie familiale laisse à désirer, elle se tourne vers la vie extérieure. Elle entretient avec une fille de son âge, Wu, Chinoise adoptée, une relation difficile à cerner, par l’étrangeté du côté créatif de son amie. Monsieur Pham, le propriétaire du dépanneur qu’elle fréquente, même s’il n’est pas de son âge, la traite comme une amie. Cette relation est si imprévisible qu’elle en devient attendrissante. Un Libanais, monstrueusement gros, un vrai ogre, laisse flotter une ambiance de conte. Si Béate désirait se sortir de la lourdeur de l’ambiance familiale, où les drames à répétition éclatent à cause de son frère qui disjoncte, elle se choisit des amis qui la garde loin de l’ennui !
L’auteure a choisi de raconter cette histoire de famille en 39 chapitres de longueur variable, coiffés de titres précis, et rassemblés en 3 parties, donnant au tout une impression de chroniques. J’ai découvert dans les chapitres brefs, d’une demie ou une page, une voix narrative qui pose un regard critique acéré sur l’histoire en cours. Cette voix plus grave qui laisse supposer que c’est toujours celle de Béate, je ne suis pas arrivée à l’apparenter à l’insouciante adolescente en action.  Ces quelques chapitres, je les ai vécus (ou lus !) comme des hachures. L’écriture y est pourtant irréprochable, peaufinée, presque métaphorique.
J’ai aimé les personnages atypiques de monsieur Pham et du très surprenant outre-mangeur libanais. Les descriptions y sont savoureuses et empreintes d’humour. Les relations familiales sont bien jouées, grâce à des dialogues justes, concis, laissant tout l’espace pour les non-dits. On reconnait bien là la famille typique qui subit les relations au lieu de les choisir.
J’ai cependant un bémol en ce qui concerne la mort tragique du frère. D’aborder la schizophrénie, vécue dans une famille des plus standards est intéressant ; cette maladie invalidante n’est pas une mince affaire. En faisant abruptement mourir le personnage, le sujet est escamoté. Pourtant, la situation était habilement présentée, plusieurs nœuds restaient à dénouer, dont celui des parents niant et cachant la différence de leur fils, hypothéquant sérieusement l’harmonie familiale. J’aurais aimé suivre jusqu’au bout ces deux soeurs qui tentent de s’adapter chacune à leur façon. En le faisant mourir, le lecteur est laissé en plan avec une amorce de situation. Je comprends le choix évident de l’auteur de placer en avant-scène Béate, mais à ce moment-là, pourquoi choisir une maladie aussi grave pour un de ses membres ? La schizophrénie risque de passer pour une anecdote, même en y intégrant la culpabilité post-mortem.
Dommage, car pour les rares fois où l’on ose aborder la maladie mentale, j’aurais aimé que l’auteure ne lâche pas le filon, puisqu’elle avait, à mon avis, le talent pour l’exploiter.

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