Le 21 mars 1947, deux frères sont retrouvés morts dans une vaste maison de New-York, au coin de la 5ième avenue de Manhattan et de la 128ième rue. Il s’agit de Homer et Langley Collyer. Depuis longtemps, cette fratrie alimentait la rumeur… Les deux hommes menaient en ermite une sorte de vie contemplative. Leur demeure était connue pour sa saleté apparente et son désordre. Les deux frères ont d’ailleurs été retrouvés ensevelis sous des tonnes de déchets, de coupures de journaux et objets divers… En effet, une des manies de l’un d’eux était son côté collectionneur compulsif…
Homer est sensiblement différent. Pianiste passionné, aveugle. Il est moins infirme que son frère. Les rôles s’inversent. Celui qui devrait souffrir de handicap vit sa vie normalement, il a trouvé son bonheur, voit des femmes. Il a compensé sa cécité en améliorant ses autres sens. Il est moins aveugle que beaucoup de gens. C’est en fait lui qui nous parle, il voit la vie d’une curieuse manière, et c’est ce qui donne tout son sens au livre, l’esprit du narrateur, un peu fantasque, déluré. Ces deux frères semblent asociaux, mais il reçoivent quand même, organisent des bals, et font des rencontres.
L’auteur nous conte cette histoire avec une sorte de lorgnette, en mettant en évidence des traits de caractères tous plus farfelus en apparence les uns que les autres. Mais on devine beaucoup de vérité entre les lignes. Le style est un peu journalistique. On ne trouvera pas vraiment d’histoire, de développement, encore moins d’intrigue. Le récit est une sorte de journal de la vie des frères Collyer, vu… par le non-voyant.. Et il voit clair et dans le détail.
C’est un peu un pamphlet contre la solitude des grandes villes, une peinture de mœurs sarcastique. Les frères Collyer s’isolent peu à peu. Les objets entassés sont comme un rempart au monde. Mais ils auront eu raison d’eux et la fin se profile alors comme une fable philosophique…
« La belle incertitude, pour moi, tenait à la quantité du babil de Lissy que j’aurais à écouter sur la voie de l’inévitable. Elle croyait les arbres doués de sensations. Elle pensait qu’on pouvait trouver les réponses à ses problèmes ou même connaitre son destin en consultant un livre de sagesse chinoise qu’elle transportait dans son sac à dos. On lançait quelques bouts de bois, et leur disposition disait à quelle page se rendre. »
Homer et Langley – Edgar Lawrence Doctorow. Éditions Actes sud
Date de parution : 15/04/2012