La jurisprudence administrative relative à la production d'énergie éolienne est parfois rigoureuse pour les exploitants. Tel est le cas en matière de zones de développement de l'éolien terrestre ou de distances radars. Par ailleurs, trop souvent les développeurs sont confrontés à des recours prétextes dont la seule introduction a pour effet de geler la réalisation d'un projet, faute de financements. Ce "gel" peut avoir pour conséquence, la remise en cause du projet lui-même et de graves conséquences financières pour la société à son origine.
Dans ce contexte l'ordonnance rendue ce 26 juin par le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse est intéressante en ce qu'elle démontre que les entreprises de la filière ne sont pas toujours contraintes d'attendre le terme de procédures parfois longues pour agir. Ainsi, en présence d'un refus de permis de construire, elles ont la possibilité d'étudier la possibilité d'une demande, en référé, de suspension de l'exécution des refus et du prononcé d'une injonction de délivrance du permis sollicité.
Dans la présente affaire, la société demanderesse était en charge du développement d'un projet de huit éoliennes. Le Préfet avait opposé une première fois un refus de permis de construire au motif principal d'une atteinte supposée au paysage (classement UNESCO et article R.11-21 du code de l'urbanisme). Ce refus de permis de construire avait été annulé au fond, par le tribunal administratif de Toulouse, le 14 avril 2011. Sans interjeter appel de ce jugement, le Préfet a décidé d'opposer un deuxième refus de permis de construire, fondé sur les mêmes motifs.
L'analyse de la condition d'urgence.
L'accueil par le Juge d'une demande de suspension en référé En premier lieu, le Juge des référés va admettre l'urgence à suspendre l'exécution des refus de permis de construire pour trois motifs.
Le premier motif tient à l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement par lequel le tribunal administratif avait annulé le premier refus de permis de construire. Le Juge des référés va ici et à raison permettre que ce jugement puisse produire des effets de droit et interdire à l'administration de réitérer un refus sur le fondement de motifs d'ores et déjà jugés irréguliers.
Le second motif a trait au délai d'instruction de la demande de permis de construire. La société en charge du projet avait en effet présenté il y a plusieurs années des demandes de permis de construire. De manière tout à fait remarquable, le Juge des référés tient compte de ce délai et du fait qu'une absence de suspension l'allongerait de nouveau.
Le troisième motif pour lequel le Juge des référés a admis l'existence d'une urgence à suspendre tient à ce que la société requérante a d'ores et déjà engagé des frais importants pour la réalisation du projet et ce, en vain jusqu'à présent. L'incidence financière pour la société de la décision de refus de l'administration est donc analysée par le Juge des référés, dans le cadre du bilan de l'urgence qu'il réalise.
Enfin, dans le cadre du bilan qui consiste à faire la balance entre l'urgence à suspendre et l'urgence à ne pas suspendre, le Juge des référés va relever que, par sa configuration, le projet de parc éolien ne remet pas en cause l'intérêt général qui s'attache à la protection des paysages.
Cette analyse de la condition d'urgence par le Juge est très intéressante de par les éléments d'appréciation qu'il intègre à son bilan de l'urgence. Il convient toutefois de toujours rappeler que l'analyse du Juge des référés est toujours faite "cas par cas" au vu des circonstances précises de chaque espèce. C'est donc dossier par dossier qu'il convient d'étudier si la preuve de l'urgence peut être ou non rapportée.
Existence d'un moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision entreprise, en l'état de l'instruction.
La deuxième condition d'accueil du référé suspension par le Juge administratif des référés tient à l'existence d'une "illégalité manifeste" du refus opposé par le Préfet, pour la deuxième fois, à la demande de permis de construire.
Au cas présent, le Juge des référés qui est aussi "Juge de l'évidence" va admettre l'existence d'un "moyen de nature à créer un doute sérieux" pour deux motifs. De première part, il rappelle que le refus de permis de construire a d'ores et déjà fait l'objet d'un jugement d'annulation. Le second refus permis de construire procédant des mêmes motifs que le premier, son illégalité est tout aussi évidente.
Le second motif pour lequel le Juge des référés va admettre l'existence d'un moyen de nature à créer un doute sérieux tient à l'erreur d'appréciation commise par le Préfet dans l'examen de l'impact paysager du projet de parc éolien.
Injonction de délivrer le permis
La présente ordonnance est tout à fait remarquable enraison de la portée que donne le Juge des référés à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à un jugement devenu définitif. En effet, dans la présente espèce, le Juge des référés ne va pas simplement suspendre l'exécution du refus de permis de construire, il va en outre enjoindre l'administration de délivrer le permis demandé et ce, dans un délai d'un mois. Soulignons que l'administration n'est pas seulement appelée à instruire de nouveau la demande qui lui a été adressée mais bien à délivrer le permis. Cette solution est la seule à permettre le respect de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation au fond du 14 avril 2011.
Cette ordonnance retiendra donc l'attention et appellera sans doute les acteurs de la filière éolienne à étudier de manière plus approfondie l'intérêt d'un référé, dossier par dossier.
Arnaud Gossement
Avocat associé
http://www.gossement-avocats.com