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Tibet (5) Les quatre tumulis des rois tibétains

Publié le 23 mars 2008 par Argoul

Communiqué de soutien du Sénat français au peuple tibétain - 17 mars 2008. 

Après une « sieste » destinée à nous permettre de nous reposer ou de remplir nos carnets de notes, nous retrouvons le bus pour rejoindre les quatre tumulis de Chongye. Y seraient ensevelis les premiers rois tibétains. Ils ont été découverts dans une vallée latérale près du confluent de la rivière de Lhassa et du Tsangpo depuis 1984.

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La route redevient piste une fois la ville traversée et longe les montagnes où brille par instant le mica. Le vent venu du sud soulève la poussière en une vraie tempête. Le chauffeur doit parfois stopper parce qu’il ne distingue plus rien. Depuis l’Himalaya montent vers nous de gros nuages noirs qui se résolvent en une courte pluie avant d’aller arroser ailleurs. Mais oui, il pleut au Tibet ! Après presque une heure de cahots sur la tôle ondulée de la piste tracée par les camions, nous abordons la pente qui mène au temple. Il est bâti au sommet du tumulus principal qui fait bien 150 m de côté sur 15 m de haut. Il s’agit de la tombe du Songtsen Gampo, qui serait enseveli dans un cercueil en argent, mort ici il y a 1300 ans.

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Nous ne visitons que son temple qui date de 1190 et est payant – ils le sont tous, les Chinois ont compris que ces reliques – « opium du peuple » - attiraient les devises. Nous examinons, en tournant de gauche à droite dans le temple, les statues dorées traditionnelles et tous les fatras religieux, humant l’odeur un peu âcre des mèches à beurre. Le sens des aiguilles d’une montre est le sens bouddhique pour tourner autour d’un lieu sacré. Le sens bönpo exige au contraire que l’on tourne dans l’autre sens. C’est pourquoi je me moque du laïcard chinois qui, à Pékin, confortablement installé dans sa bonne conscience progressiste et son confort de caste, a « décidé » que les restes bouddhistes se visiteraient OBLIGATOIREMENT dans le sens inverse. Cela pour « casser » la superstition. Mais c’est tomber de l’une dans l’autre, mon bon ! Laïcité ne signifie pas haine ignorante…

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Huit manifestations de Gourou Rinpoché sont peintes sur les murs ainsi que trente cinq bouddhas, huit drölmas, Mahakala, etc. Padmasambhava porte symboliquement neuf vêtements qui représentent les neuf véhicules de l’enseignement bouddhiste. Ses yeux fixant droit devant signifient qu’il est en permanence conscient de la nature absolue. Sa main droite tient un vajra à cinq pointes, symbole de la transmutation des cinq poisons (désir, haine, ignorance, jalousie et orgueil) en cinq sagesses. De sa main gauche il soutien un vase fait d’une calotte crânienne et rempli de nectar, surmonté du vase d’immortalité. Cela veut dire que la sagesse est au-delà de la naissance et de la mort… Le trident qu’il porte appuyé sur l’épaule pourfend de ses trois pointes les trois poisons de l’esprit : ignorance, désir et colère ; il symbolise la nature vide de toute chose. Tout n’est qu’apparence, jeu de relations qui se font et se défont parce que rien, jamais, n’est définitif. Pas plus le communisme capitaliste de Pékin 2008 que le Tibet obscurantiste 1950.

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Des enfants nous proposent à la vente des cristaux de calcite trouvés dans la montagne. De la terrasse extérieure, nous avons vue sur les autres tumulis vers le sud. Ils s’étirent sur près de deux kilomètres. Nous apercevons aussi le Rewaden Monastery, selon la traduction chinoise pour étrangers qui nous est fournie. Nous avons envie d’aller y voir de plus près.

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Ce n’est pas au programme, Tawa – notre guide tibétain formé à Pékin -  est réticent (pas prévu = danger possible !), mais nous le persuadons. Nous y allons en bus, sur la colline d’en face. Ce monastère a été reconstruit en 1985 après que les fameux « révolutionnaires » soi-disant « culturels » l’aient détruit au canon. On aperçoit les vestiges de l’ancien mur d’enceinte, quelques pans de terre rouge sur la crête. La forteresse qui surmontait le monastère a connu le même sort et il n’en reste que ruines. Le nouvel ensemble religieux comprend un stupa, dont nous actionnons les moulins à prières sur tout le pourtour, un village neuf de cellules pour les moines, et un temple dont le hall présente ce même caractère d’antre rouge où flotte l’odeur de sainteté : encens et beurre de yack rance.

Lorsqu’il fait tourner les moulins à prières, le bouddhiste n’agit ni par routine ni par superstition ; il n’automatise pas non plus le rite. Il prend conscience par ce geste de la loi suprême proclamée par Bouddha lorsqu’il mit en mouvement la roue du Dharma. Actionner un moulin à prières aide à le bouddhiste se concentrer sur l’essentiel. La prière n’est pas comme chez les Chrétiens la supplication au dieu pour se le concilier. Dans le bouddhisme, elle essaie au contraire d’éveiller ces forces qui reposent en tout homme et qui ne peuvent se manifester que si l’on est pur de tout désir personnel.

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Un moine nous ouvre la porte du temple. Il paraît à peine réveillé de quelque sieste, pieds nus et en simple chemisette safran. Tawa parlemente et paye un billet d’entrée pour chacun. Les photos sont autorisées à volonté – il y a si peu de touristes qui parviennent jusqu’ici. Les gardiens aux mufles horrifiques y passent ainsi que le Bouddha Sakyamouni et Padmasambhava avec sa fine moustache. Les tibétains révèrent trois ancêtres mythiques : Padmasambhava, le sage qui introduit le bouddhisme au Tibet il y a bien longtemps, Milarepa, qui vécut entre 1052 et 1135, selon les livres il maîtrisait la technique de la chaleur intérieure, et Tsong Khapa (1357-1419) qui a réformé la voie monastique et défini le chemin spirituel comme graduel. Trois chatons miaulent entre les rangées de coussins pour les cérémonies ; ils portent le fil rouge du temple au cou. A la sortie, deux moines veulent se faire prendre en photo, un chaton dans les mains. Ils sont tout heureux de notre visite qui fait diversion dans la monotonie de leur vie quotidienne.

Retour à l’hôtel sur les cahots de la piste, dans le vent permanent et la poussière qui vole. Mais oui, c’est sec, le Tibet ! Ce soir le dîner est un buffet où l’on se sert comme l’on veut. Je n’ai pas l’appétit de goûter à tout, malgré ma curiosité. La conversation est moins pétillante qu’hier soir. Après une première euphorie, l’altitude fatigue et abat, il faut avoir le temps de s’y faire. La nuit n’est pas la meilleure : une viande du repas du soir nous a gonflés, comme les rires des Chinois vulgaires de l’hôtel, très tard dans la soirée.


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