Source : Actualitte 08/07/2012
Les bibliothèques américaines se voient aujourd’hui menacées par la défense du “copyright” qui interdit toute revente et prêt de livres produits à l’étranger. Une protection qui vise prioritairement la défense des biens américains contre l’importation de biens étrangers, sous une loi très paradoxale.
Ce sera mieux avant… Crédits ActuaLitté
L’affaire Kirtsaeng v. Wiley & Son : « first-sale » v. « Copyright »
On se souviendra de l’affaire Kirtsaeng versus Wiley & Son dans notre (voir notre actualitté) qui opposait un revendeur de livres d’occasion à l’entreprise Wiley & Son. Deux principes de loi entraient alors en confrontation : la « first-sale doctrine » qui permet une liberté totale à l’acheteur d’un bien copyrighté sur le livre acquis, empêchant par exemple les éditeurs de contrôler le marché de l’occasion par le copyright, et la juridiction du Second circuit qui exige que les livres doivent être « légalement produit sous » la loi américaine pour bénéficier de cet épuisement du copyright. Seuls les produits entièrement fabriqués aux États-Unis ne sont pas protégés par le « copyright », les autres ne peuvent être ni revendus ni prêtés. De quoi inciter les éditeurs américains à continuer d’imprimer en Chine…
La proposition de The Library Copyright Alliance
Aujourd’hui les bibliothèques sont menacées de violer le copyright en permettant le prêt de livres qui ne sont pas sous couvert de la loi américaine. The Library Copyright Alliance est l’association de trois grands groupes de bibliothèques (ALA, ARL, et la ACRL). Elle vient de demander à la Cour d’Appel d’inverser le jugement du Second Circuit et d’appliquer la doctrine de la « first-sale » à toutes les copies « manufacturées avec l’autorisation légale du détenteur du copyright américain d’une œuvre » (Publishers Weekly). Dans ce cas, peu importerait l’endroit de fabrication, ce qui doit être pris en compte serait la nature des détenteurs de copyright (une entreprise américaine donc).
Un coup fatal porté aux bibliothèques américaines
L’avocat Jonathan Band, porte-parole de l’Alliance, affirme dans Publishers Weekly que la loi actuelle porterait un coup fatal aux bibliothèques américaines qui ne pourraient plus prêter de livres qui seraient imprimés à l’étranger. Cette décision concerne non seulement les livres d’éditeurs étrangers, mais aussi les livres d’éditeurs américains qui impriment à l’étranger. « Plus de 200 millions de livres des bibliothèques proviennent de l’étranger », remarque J. Band.
Le Second circuit a décidé à deux voix contre une qu’il ne pouvait pas octroyer la protection de la « first-sale » aux bibliothèques parce que la formulation du statut dit que les produits doivent être « légalement fabriqués ». Ainsi, ils ont estimé que ces deux mots réduisent la « first-sale » « spécifiquement et exclusivement aux œuvres qui ont été fabriquées dans les territoires sous autorité de la loi du copyright américain et non pas au produit fabriqué à l’étranger ».
Deux tribunaux de justice pour deux interprétations de la loi
Ce verdict est le deuxième arrivé. Il y avait déjà eu une affaire similaire (le cas de Costco Wholesale Corporation v. Omega, S.A), en décembre 2010, où la Cour d’Appel s’était bloquée à quatre contre quatre, avec une abstention. La décision du Neuvième Circuit empêchait un magasin, Costco, de vendre des montres Oméga fabriquées à l’étranger et sous copyright. Elles étaient autorisées à la vente seulement à l’étranger et le décret interdisait à un magasin américain de les vendre aux États-Unis.
Mais « la décision du Second circuit et pire que celle du Neuvième circuit », déclare J. Band, puisque le Neuvième circuit estimait que la « first-sale » s’appliquait toujours à des produits fabriqués à l’étranger s’ils étaient importés « sous l’autorité du propriétaire du copyright américain ». Ainsi, une bibliothèque qui achète un livre aux États-Unis à un éditeur américain et que ce livre est malgré tout imprimé en Chine, sur l’interprétation du Neuvième circuit, cela voulait dire que cette bibliothèque a le droit, grâce à la « first-sale » de prêter ce livre. Mais le Second circuit a rejeté cette exception selon son interprétation du texte de loi.
Pour la Library Copyright Alliance, les bibliothèques peuvent toujours réclamer le droit de prêter des livres grâce à d’autres exceptions malheureusement plus ténues, comme la « juste utilisation ou autorisation implicite ». C’est loin d’être certain que les bibliothèques puissent réellement faire une utilisation avec succès de ces défenses. L’incertitude levée par le Second circuit décourage surtout les bibliothèques de prêter des livres quand même, même si les détenteurs de copyright risquent de ne pas leur faire de procès. « Les bibliothèques ne vont pas s’engager dans un processus techniquement illégal jute parce qu’il y aurait une faible probabilité de litige » (J. Band).