Non seulement l’État n’a aucune décision à prendre concernant ce que nous mettons dans nos assiettes, mais il a largement prouvé qu’il est un abominable conseiller en la matière qui ne peut prendre que de mauvaises décisions. Les individus et leur famille sont bien mieux qualifiés que lui pour choisir ce qu’ils mangent.
Par Baylen J. Linnekin, depuis les États-Unis.
Cette semaine, Forbes rapporte qu’à l’origine de l’attaque juridique contre Cooksey se trouve l’Académie nationale de Nutrition et de Diététique (anciennement Association Américaine de Diététique). Le magazine dit s’appuyer sur des documents internes et indique que cette organisation pousse les États à mettre en place de puissantes commissions pour la diététique et la nutrition (comme celle qui a pris Cooksey pour cible en Caroline du Nord) « dans l’unique but de limiter la concurrence pour les diététiciens qui en sont membres ».
Si c’est la vérité, voilà qui est à la fois illégal et préoccupant. Mais pas vraiment surprenant.
C’est un exemple représentatif d’une tendance plus large. Après tout, aux États-Unis, de nombreuses régulations existent pour que les gens se dirigent préférentiellement vers certaines pratiques diététiques au détriment d’autres, souvent soutenues par de puissants et discrets intérêts pécuniaires et presque toujours sans aucune raison valable.
Par exemple, le gouvernement subventionne les fermiers pour qu’ils cultivent certains produits au lieu d’autres (pensez au maïs, au soja, aux produits laitiers ou au sucre). Les politiques publiques favorisent certains aliments. Le programme « MyPlate » (qui était anciennement la pyramide alimentaire) du US Department of Agriculture, le label apposé sur les produits par l’Institut de Médecine, les licences fédérales et locales requises pour exercer le métier de diététicien sont autant d’exemples de cette tendance. De leur côté, les régulations facilitent la production d’un certain type de nourriture et l’entravent pour d’autres. Par exemple, de multiples règlements fédéraux créent une barrière pour la production et la vente à petite échelle des viandes, fruits et végétaux, ce qui pose souvent d’énormes problèmes d’échelle et concentre le marché dans les mains d’un petit nombre de gros producteurs.
Un tel système de préférences serait aberrant même si on pouvait le qualifier de réussite. Après tout, ce n’est pas au gouvernement de promouvoir ou restreindre certaines manières de manger. Mais quand on considère que les raisonnements scientifiques derrière ces interventions sont encore souvent discutés, incertains voire simplement faux, beaucoup en concluent que les résultats ont été rien de moins que catastrophiques.
Le mois prochain, je me trouverai au Ancestral Health Symphosium 2012 à la faculté de Droit de Harvard. Le groupe auquel je participerai (les racines du mécontentement : entraves réglementaires à la pratique du régime ancestral) se penchera sur les nombreuses et souvent terribles manières dont le gouvernement fausse les choix diététiques des américains.
La lutte de Steve Cooksey en Caroline du Nord et le procès qui s’en est suivi sont très présents dans mon esprit tandis que je rédige ma présentation. Pourquoi ?
Les tenants du régime paléo, dont l’auteur et scientifique Gary Taubes, apportent des éléments tendant à prouver que l’explosion moderne de l’obésité pourrait avoir pour origine les politiques diététiques combattant les « bonnes » calories en faveur des « mauvais » carbohydrates. Dans une interview fascinante l’année dernière avec l’économiste Russ Roberts de l’université George Mason, Taubes explique que le gouvernement fédéral n’avait, pour ainsi dire, aucune base scientifique pour imposer un régime « high-carb » aux américains, et des raisons pour faire exactement l’inverse. Et, comme le gouvernement a ignoré le sens commun pendant des décennies, les programmes publics pour nous remettre en forme nous ont arrondi le ventre.
L’apparition de Taube dans le podcat de Roberts consacré au marché libre (EconTalk) peut sembler surprenante, mais ce n’est qu’une nouvelle preuve que le régime paléo plait aux militants du « esprit libre, marché libre ». Si un groupe a été séduit (au moins anecdotiquement) par ce régime ces dernières années, c’est bien les libertariens (un phénomène que d’autres ont noté).
Comment l’expliquer ?
« Le régime approuvé par le gouvernement, incarné dans la pyramide alimentaire, ne peut exister que grâce à un département de l’agriculture aux ordres », affirme Jerry Brito, adepte récent du régime paléo, Senior Research Fellow et directeur du Technology Policy Program au Mercatus Center.
Britto explique que la désinformation et les subventions sont sans doute responsables de pousser de plus en plus de libertariens vers le paléo. « En outre », ajoute-t-il, « je crois que les libertariens sont en général sceptiques et non conformistes, et qu’adopter ce régime est aussi un doigt d’honneur au système et ses recommandations. »
« Je vois deux courants de pensée qui relient joliment la philosophie libertarienne et le mode de vie paléo », dit Michael Ostrolenk, conseiller politique de l’Ancestral Health Society (co-sponsor de la conférence à Harvard) et coach à la SEALFIT’s Unbeatable Mind Academy, dans une remarque qui fait écho à celle de Brito.
« Le premier est la mentalité anti autoritaire et non conformiste du mouvement paléo, qui rejoint ce que je comprends de la pensée libertarienne aux États-Unis. Les deux visions du monde rejettent la version officielle de la manière dont les gens devraient penser ou vivre leur vie.
En second lieu, les paléos tendent à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain et essaient de faire la synthèse entre la sagesse ancienne et la science moderne, tentative d’intégration que je retrouve chez beaucoup de mes amis aux penchants libertariens. »
Ce serait une erreur de penser que seuls les libertariens et ceux qui pratiquent (ou pourraient pratiquer) le régime paléo sont touchés par des politiques diététiques fédérales biaisées et incompétentes. Un autre groupe, qui de bien des manières s’oppose totalement aux carnivores paléos, rencontre des problèmes similaires : les végétariens.
« En subventionnant à coups de milliards pour faire baisser artificiellement le coût de production de la viande, des œufs et du lait, le gouvernement fédéral contribue à propager la fausse impression que les produits issus de végétaux sont plus chers que les produits issus d’animaux, » dit Paul Shapiro, vice président de la Farm Animal Protection with the Humane Society of the United States. « Partout dans le monde, c’est le contraire qui est vrai : les repas de viande réguliers sont réservés aux nantis. »
Il a raison. De même que Ostrolenk, Brito et Taubes.
Il est quasiment impossible de mettre en place des politiques fédérales qui avantagent également les pratiquants du régime paléo et les végétariens. Lequel des deux le gouvernement devrait-il choisir ? Aucun, bien entendu. Non seulement le gouvernement n’a aucune décision à prendre concernant ce que nous mettons dans nos assiettes, mais il a largement prouvé qu’il est un abominable conseiller en la matière, qui ne peut prendre que de mauvaises décisions. Les individus et leur famille sont bien mieux qualifiés que lui pour choisir ce qu’ils mangent.
On n’a pas besoin d’avoir adopté le régime paléo comme moi pour penser que les politiques diététiques du gouvernement sont détraquées. Ce n’est pas un principe paléo. Ce n’est pas non plus un principe végétarien, ni une solution unique aux régimes kasher, halal, végétalien, cru, macrobiotique, Atkins, Pritikin ou South Beach. Non, ce n’est rien d’autre que du sens commun. C’est gratuit et permis à tous sans restriction.
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Article original titré Fight For Your Right to Go Paleo, publié le 14.07.2012 sur reason.com. Reproduit avec l'aimable autorisation du site. Traduction : Lancelot/Contrepoints.
(*) Baylen J. Linnekin est un avocat, directeur de Keep Food Legal, une organisation qui milite en faveur de la liberté alimentaire.