Après ses succès toujours en espagnol, et notamment la sortie internationale de son Grandes Éxitos, le premier album international en novembre 2001 de la belle Colombienne aura été Servicio De Lavandería ou Laundry Service (selon le pays où il sortit), composé de titres en espagnol ou en anglais, avec quelques lourdeurs du genre : le même morceau une fois dans l’une, puis dans l’autre langue… Dans quel intérêt ? Cela fait remplissage, et ce fut alors bien dommage tant le potentiel de Shakira demeurait impressionnant avec des titres parfois tout simplement sublimes. Mais l’album, lui, restait plat, tel une compilation sans cœur.
Peu importe. En 2005, forte de sa notoriété énorme (il n’y a plus que des Madonna ou Lady GaGa qui puissent rivaliser avec elle), elle sort la première partie d’un album en deux volets, Fijación Oral vol.1, alors que la seconde s’intitulera très logiquement Oral Fixation vol.2. Oui, je ne comprends toujours pas, mais là n’est pas l’intérêt. De même pour le visuel choisi pour cette partie tout en espagnol, car que fait Shakira avec ce bébé dans les bras ?! Qui diable lui a donné cette idée affreuse, dont le résultat n’est esthétiquement pas réussi, de poser en « Vierge à l’enfant », puisque l’allusion est limpide ?
Bref, parlons musique. Car ici, Shakira n’a aucune leçon à recevoir de personne. On dira tout ce que l’on voudra sur elle et ses frasques, l’artiste mérite mille fois ce succès qui ne cesse de se poursuivre voire de s’accroître.
Parce que sa voix demeure toujours aussi juste, posée ou puissante quand elle le souhaite, sexy, sensuelle, légèrement rauque. Et l’espagnol est sans l’ombre d’un doute la langue qui le mieux convient à son timbre. Et à son style tout simplement.
Si tout l’album (dix titres, plus une magnifique version acoustique de « La pared » et un remix de « La tortura ») est globalement bon, certaines chansons s’envolent littéralement et nous emportent avec elles (ou avec elle, c’est vous qui voyez…).
D’abord, les singles « La tortura » en duo avec l’Espagnol Alejandro Sanz, star dans absolument toute l’Amérique latine (donc Etats-Unis inclus) et « Las de la intuición » sont deux tueries absolues. À noter qu’elle collaborera à son tour sur un titre de l’album El Tren De Los Momentos de son ami ibérique.
Ensuite, il faut remarquer que les premiers mots de l’album, sur « En tus pupilas », sont en français. Ce premier titre est tout à fait représentatif du style Shakira : départ en douceur, puis la voix s’élève petit à petit, les instruments se réveillent également doucement. Les paroles, celles d’une chanson d’amour, thème ô combien classique, dévoile aussi la foi transparente de la chanteuse (ce qui pardonne alors la photo de couverture).
« Obtener un sí » est un prouesse vocale, la musique est toute légère, d’un style rétro années 50 presque kitsch, mais c’est tellement sincère et candide que c’est un titre fabuleux, l’un des moments magiques du disque. À mettre dans la même catégorie que « It’s oh so quiet » de Björk, si je peux me permettre ce rapprochement.
« Escondite inglés » et « No » sont deux moments plus rocks, très shakirien eux aussi.
Le dernier morceau, « Lo imprescindible », clôt d’une façon magique ce Fijación Oral, car Shakira y chante avec des vibrations touchantes, les paroles ajoutant complètement à ces effets directs sur l’auditeur.
On le sait, Shakira ne sortira jamais de très grands albums, de chefs-d’œuvre, néanmoins, elle réussit à proposer des albums intègres, appréciables de bout en bout, avec des chansons parfois proches de la perfection.
Si artistiquement il lui manque beaucoup de qualités pour pouvoir faire de l’ombre avec la chanteuse islandaise dont j’ai parlé plus tôt, c’est malgré tout la petite Colombienne qui lui a volé la vedette et, surtout, elle semble pouvoir tenir le haut de l’affiche encore longtemps, tant elle paraît en forme.