Longtemps j’ai cru qu’il n’y avait qu’une seule langue, que tout était dans la même langue : la littérature, les films, les conversations, les idées, le supermarché, les légumes et la monnaie…
Et puis à 8/9 ans, j’ai commencé à apprendre la langue des autres, leurs mots, leurs idées, leurs façons de voir les choses, de les appréhender… Ça ne me plaisait pas particulièrement, mais je me sentais comme le voyageur dans des contrées lointaines, prêt à découvrir, embrasser une civilisation inconnue, à la seule différence que tout se passait dans mon quartier…
Ainsi, doucement, je sortis de mon monolinguisme.
De la langue de la boulangère à celle de la voisine en passant par le facteur, la caissière, l’épicier du coin et les professeurs, je suis devenue de plus en plus étrangère, moins aux autres qu’à moi-même.
On est habituellement l’étranger d’un autre, d’une civilisation donnée ou dominante. Devenir sa propre étrangère s’avérait pour moi une forme de voyage initiatique très risqué. Je risquais à tout moment la disparition, la possibilité d’un effacement de la carte géographique et sociale…
J’ai pris ce risque.
J’ai commencé à écrire des tous petits textes ! 10 lignes, 20 lignes et puis les lignes se sont allongées, des personnages sortaient de ces lignes comme des sujets libres. Ils aspiraient à vivre leur vie au-delà de moi, des langues apprises et officielles, et pour finir au-delà du langage que j’avais dû finalement inventer pour tout simplement écrire.
Aujourd’hui, je parle une seule langue, même si j’en comprends plusieurs. Je parle la seule langue qui décrit exactement le monde tel que je le vois.
En février, retrouvez ma mobolife en anglais dans GOINGmoboICI
Textes et photos © Chris Simon