Le succès populaire et commercial des livres numériques autoédités My Blood Approves de Amanda Hocking ou Riptide de Michael Prescott (vendu à plus de 800 000 exemplaires) aux États-Unis ; les succès, géographiquement plus proche, de Catch Your Death de Louise Voss & Mark Edwards ou encore de The Case of the Missing Boyfriend de Nick Alexander, avec contrat de maison d’édition traditionnelle à la clé et traduction dans nombreux pays, démontrent que l’autoédition participe au développement du livre numérique. L’accroissement de la lecture sur liseuse électronique a révélé des auteurs jusqu’ici inconnus, dont les manuscrits souvent avaient été refusés par les éditeurs traditionnels.
Longtemps je me suis imprimé de bonne heure…
Le développement du livre numérique passe-t-il par ce que les anglophones appelaient autrefois “vanity press”, qui aujourd’hui se métamorphose en “self-publisher” ou “independent writer” ? Que se passe-t-il dans la sphère francophone ? Pour l’instant quelques auteurs s’autoéditent et un seul auteur, David Forrest, proclame 10 000 ventes numériques pour son livre En SÉRIE Journal d’un Tueur. Un signe encourageant pour les quelques autoédités francophones qui tentent leur chance…
Un auteur aujourd’hui peut, comme je le fais, publier un livre et le distribuer dans le monde entier sur les plateformes avec liseuse/tablette intégrée : Amazon, Apple, Barnes & Noble, Kobo et Sony sans passer par la case éditeur. Cette nouvelle donne fait bouger les frontières géoculturelles et mentales.
Aussi sur iBookStore et Barnes&Noble
Les frontières mentales :
L’autoédité n’est pas un auteur raté à l’égo surdimensionné. Non, ses manuscrits n’ont pas tous été obligatoirement refusés par Gallimard ou P.O.L, mais par Belfond aussi !
L’autoédité est un auteur qui écrit, souvent depuis longtemps. Il aime l’aventure, il croit en ce qu’il fait et a compris que l’édition était à quelques clics de ses rêves et non plus sur le chemin du bureau de poste. Du coup, il ne se contente plus d’écrire un roman ou un recueil de nouvelles, il :
- L’édite, le corrige, le met en page
- L’adapte aux divers formats des plateformes de distribution (epubs, mobi…)
- Fabrique une couverture et un quatrième de couverture
- Le publie sur les plateformes intégrées : Amazon, Apple, Barnes & Noble, Kobo, Sony et la plateforme indépendante Smashwords (les mêmes +Fnac et Diesel)
- Et en fait la promotion grâce aux réseaux sociaux sans débourser un euro
Oui, la maison d’édition numérique idéale fait le même travail, excepté une chose : écrire le livre.
L’autoédité publie sans structure lourde à gérer. Il a besoin d’un ordinateur et d’apprendre quelques logiciels. Il travaille à promouvoir son livre gratuitement via les réseaux sociaux en pyjama dans sa chambre ou son salon toute la nuit s’il le veut. L’autoédité est son propre employé. Il peut se refuser un salaire et des congés payés !
Il a donc une flexibilité plus grande qu’une maison d’édition qui doit :
- Se structurer vite
- Payer des gens pour le codage, les maquettes, le marketing et la promotion, etc.
- Satisfaire des auteurs
- Génèrer des ventes pour survivre
L’autoédité n’a pas ces contraintes. Il peut publier ce qu’il veut, tenter l’improbable ou l’impossible. Si le livre accroche, il peut gagner gros jusqu’à 70% du prix de vente qu’il fixe lui-même (100% du prix s’il vend directement sur son site). Si ça ne marche pas, il n’a rien perdu, il aura gagné au moins des lecteurs, si infime soit leur nombre son livre aura été lu. Si ça marche, il gagne gros (de 70 à 100% du prix de vente de son livre). On est loin des 8 à 15% pratiqués dans l’édition papier contre 25 à 30% dans l’édition numérique.
La maison d’édition numérique doit :
- Lire beaucoup de manuscrits
- Corriger, faire un travail de réécriture
- Définir une politique littéraire, une cohésion et lancer diverses collections.
- Vendre à moyen et long-termes pour se développer et durer.
L’autoédité, lui, n’a pas cette pression commerciale bien que son but est de vendre aussi. Sa micro-entreprise n’engage que lui et peu de frais. Et de même que l’éditeur numérique il vend sur les plateformes intégrées. Exemple : La légende de Little Eagle , livre autoédité de Florian Rochat.
La légende de Little Eagle
En vente sur Amazon, iBookStore, Barnes&Noble, Fnac …
Conclusion :
L’autoédité est nécessaire au développement du livre numérique, il a les moyens d’en être un des poumons, il :
- Apporte la diversité, le tout et n’importe quoi aussi
! - Renouvelle la littérature à moindre coût
- Risque le ridicule ou le succès
- Essuie les plâtres
- Contribue au développement des outils
De l’autoédition viendra de bons livres et aussi de mauvais. Il ne faut pas craindre le mauvais, mais plutôt se réjouir du bon qui en sortira. Pendant des années, de mauvais livres ont été publiés par l’édition traditionnelle aussi !
Les frontières géoculturelles :
Non. Tout ce qui est sur internet n’est pas gratuit.
On paie pour s’approprier des biens matériels : meubles, vêtements, nourriture.
On paie aussi pour les biens immatériels : musique, films, livres numériques, car de même qu’on sait qu’il y a des gens qui travaillent pour fabriquer vêtements, meubles, voitures, scooters… Il y a des gens qui travaillent pour produire livres, films, musique… : les artistes, mais pas que.
Si vous voulez un travail sympa dans les années à venir, misez sur les auteurs et les livres numériques. Ce secteur créera de nouveaux emplois si vous achetez les oeuvres. Si vous les piratez et bien vous serez au chômage
Alors que l’édition numérique aurait dû abattre les frontières géographiques, je m’aperçois que ce n’est pas encore le cas. Disons qu’elle les repousse.
D’une part, la législation des droits d’auteurs est différente d’un pays à l’autre et d’autre part l’accès en France aux plateformes de distribution reste difficile. Exemple : l’autoédité de France doit passer par Smashwords (société basée aux États-Unis) pour figurer au catalogue de La Fnac (société basée en France).
Auteurs anonymes
Plateformes de distribution intégrées :
- Gratuites
- Prennent un pourcentage uniquement sur les ventes. Prix pratiqué : 30% du prix de vente quel que soit le prix du livre.
- Font des promotions, des offres gratuites sur leurs sites et leurs réseaux sociaux
- L’auteur garde les droits sur son oeuvre
L’autoédité est exclu sur la majorité des plateformes françaises qui pour la plupart s’apparentent à un système de librairie ne proposant pas une liseuse ou tablette : Fnac, immatériel, epagine, Babelio, Orange, My Boox, LibFly …
Les maisons d’édition numériques ont ici un avantage sur l’autoédité, elles ont leurs catalogues sur ces plateformes/librairies.
Une nouvelle sorte de maisons d’édition/libraire hybrides se développent. Ces structures sont plus proches de la plateforme de style Smashwords que de la maison d’édition sauf qu’elles prennent une commission beaucoup plus élevée :
Une maison d’édition/libraire propose:
- Correction orthographe du manuscrit (pas systématique)
- Mise aux divers formats (via Smashwords)
- Mise en ventes sur Amazon, Apple, Kobo, Sony et B&N, Fnac (via Smashwords)
- Mise en vente sur le site de la maison (qui la plupart du temps ne génère que très peu de trafic)
- L’auteur garde les droits sur son oeuvre
Tarif des prestations : Gratuit ou majoré d’un prix fixe selon les structures, puis s’ajoute 10 à 20% sur les ventes en plus de la commission des distributeurs intégrés (30%), et Smashwords (10%)
20% ? C’est beaucoup pour une simple mise en format. D’autant plus que Smashwords propose un guide et tous les outils, avec conversion de formats automatique dont l’autoédité a besoin et ne prend que 10% tout en offrant une meilleure visibilité (promotion, marketing). De plus, ces éditeurs/libraires distribuent rarement sur les paletformes non-intégrées comme immateriel, epagine, Babelio, Orange, My Boox, LibFly …
Soit courageux(se), écris !
Conclusion :
L’autoédition n’est pas pour tout le monde. Les auteurs ont le choix. Certains choisissent l’édition numérique, d’autres le fait à la maison.
Cependant, l’autoédité doit être vigilant. Ne pas être dupe. Ne pas confondre une maison d’édition numérique avec un “éditeur/libraire” qui utilise des outils simples et accessibles à tous et va parfois jusqu’à faire payer aux auteurs des prestations en plus des 20%. C’est un intermédiaire qui me paraît inutile et couteux d’autant plus qu’il offre beaucoup moins qu’un éditeur numérique, et pas beaucoup plus que l’autoédition compte tenu du stade prénatal dans lequel se trouve le marché francophone).
Si l’autoédition n’est pas votre solution, tenter les éditeurs numériques qui font un vrai travail d’édition : publie.net, NumérikLivres, Edicool, Emue ou Onlit… Mais qui, peut-être, refuseront votre manuscrit comme au bon vieux temps !
J’invite les plateformes françaises à ouvrir leurs portes aux autoédités, pour ne pas contribuer à les marginaliser et ne pas favoriser le développement de éditeurs/garages qui s’avèreront économiquement toxique. Il n’est pas besoin d’exclure pour s’imposer. L’autoédité n’est pas une concurrence pour ces plateformes, au contraire il contribue à leur faire gagner de l’argent et générer du trafic. Amazon et iTunes l’ont compris dès le départ.
Les autoédités représentent une force vive et sont une composante de ce nouveau marché. Que cela plaise ou non, ils ont un rôle à jouer. Le système micro-entreprise qu’est l’autoédition permettra peut-être à des auteurs de générer un salaire pour palier aux maigres emplois d’une économie moribonde, et peut-être même, de transformer le succès d’un livre en une aventure littéraire comme au bon vieux temps de la Beat Generation et du Nouveau Roman !
J’invite les autoédités et les lecteurs à témoigner, partager et échanger leurs expériences sur ce blog.
À suivre…
GOINGmobo, magazine of the Mobile Bohemian
Troisième volet d’un état des lieux et analyse de la situation et de la condition de l’auteur, de ses difficultés et de son devenir. Lire le volet 1 et le volet 2
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Le Baiser de la mouche
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Texte ©Chris Simon, photos ©Chris Simon ©Mopsy, ©Florian Rochat