Conférence environnementale et Grenelle de l'environnement : une "forme de continuité"

Publié le 19 juillet 2012 par Arnaudgossement

Lors du conseil des ministres qui s'est tenu ce mercredi 18 juillet, Delphine Batho, ministre de l'écologie a apporté des précisions sur l'organisation de la conférence environnementale annoncée pour les 14 et 15 septembre 2012. Sur le plan du droit, deux nouvelles lois cadres sont annoncées. Analyse.


Une conférence de méthode en forme de point de départ

Première certitude, la conférence environnementale, en tant que processus de décision, s'inscrit dans la suite du Grenelle de l'environnement. Le concept de dialogue environnemental, tout comme celui de dialogue social, n'appartient à aucune majorité. Il est donc heureux que celle issue des urnes le mois dernier n'ait pas cherché à jeter le bébé Grenelle avec l'eau du bain de la présidentielle.

Une différence tout de même. La conférence environnementale, ainsi que l'a précisé la nouvelle ministre de l'écologie aux membres de la commisson du développement durable de l'Assemblée nationale, ne sera pas une ligne d'arrivée mais une ligne de départ. Avec deux objectifs : l'énergie et la biodiversité. Sur le premier sujet, la conférence environnementale aura pour objet de préparer, sur la base de deux rapports relatifs à l'éolien et au solaire, le débat sur l'énergie qui doit se tenir en fin d'année. Lequel débat doit aboutir ensuite à une loi de programmation sur l'énergie. Sur le chapitre de la biodiversité, la conférence environnementale est censée jeter les bases d'une future loi cadre. 

De la gouvernance à cinq à la gouvernance à six

En conséquence, la conférence environnementale, qui ne durera que deux jours, aura pour principal objectif de discuter de la méthode de négociation entre les cinq - pardon six - collèges de ce qui devrait constituer une nouvelle "gouvernance à six". L'association plus étroite du Parlement au dialogue environnemental est sans doute une excellente chose. La nouveauté ne confine cependant pas à la révolution et de nombreux parlementaires avaient déjà participé aux travaux du Grenelle. La réelle nouveauté tiendra à ce que de nombreuses instances de concertation, dont les CODERST, soient reconfigurées pour que le dialogue à six se déploie partout.

Deux nouvelles lois cadres ?

Deux lois sont d'ores et déjà annoncées. Si le débat sur l'énergie doit accoucher d'une nouvelle loi de programmation qui devrait donc se substituer à celle du 13 juillet 2005, la conférence environnementale devrait aussi être le prémice d'une loi cadre sur la biodiversité.

Sans faire de procès d'intention au nouveau gouvernement, ce choix d'action suscite l'interrogation. Rappelons en effet qu'en matière d'environnement, la loi se fait d'abord à Bruxelles et Strasbourg, c'est à dire au sein des institutions de l'Union européenne. 85 % des dispositions du code de l'environnement sont européennes, ne l'oublions pas. En simplifiant un peu, la loi cadre en droit de l'environnement s'appelle "directive communautaire". Et une directive communautaire n'appelle pas une autre loi cadre pour produire des effets de droit sur le territoire de chaque Etat membre, dont le nôtre. Au demeurant, une directive communautaire peut n'avoir pas besoin du véhicule de la loi pour s'appliquer ici.

En clair, une loi cadre française sur l'énergie ou la biodiversité ne devrait pas contenir des objectifs et dispositions fondamentalement différentes de celles déjà écrites dans des textes déjà votés par l'Union européenne. En matière d'environnement plus qu'ailleurs encore, nous ne pouvons pas oublier que le droit se fabrique à un niveau européen et non plus strictement national. La pollution n'a pas de frontières a-t-on coutume de dire.

Outre cet utile rappel des origines européennes du droit de l'environnement, rappelons que le Grenelle de l'environnement a déjà abouti à une loi cadre (loi de programme pour être plus précis), celle du 3 août 2009 dite "loi Grenelle 1". Or, cette loi cadre a été votée par la droite comme la gauche, c'est à dire aussi par les membres de l'actuelle majorité présidentielle et parlementaire. Depuis 3 ans, les objectifs et solutions requises ont peu varié en matière de développement durable. Il y a trois ans, un consensus droite/gauche avait pu être identifié sur le développement durable. Prenons garde à ne pas le remette en cause.

Enfin, le choix d'annoncer de nouvelles lois ne permet pas de rompre avec cette habitude assez française qui consiste à évaluer le succès, hier du Grenelle, demain de la conférence environnementale à l'aune du poids  de textes votés. Une certaine diète législative ne serait pas de mauvais aloi et une exploration des lois déjà votées serait un préalable utile au vote de nouvelles lois.

Pour être très honnête, je crains - et espère que ce soit à tort - que le code de l'environnement ne vienne grossir encore en raison de nouvelles lois sans que le dispositif d'ensemble ne s'en trouve réellement amélioré. Des lois cadres annoncent de nouvelles lois, lesquelles annoncent de nouveaux décrets d'application, lesquels annoncent de nouveaux arrêtés de précision, lesquels annoncent de nouvelles circulaires d'explication, lesquelles....et ainsi de suite... J'espère qu'avant toute chose un bilan et un toilettage de la masse des textes existants seront menés et ce, avant que de nouvelles règles ne soient écrites.

En conclusion, si je me réjouis que la conférence environnementale s'inscrive dans une "forme de continuité" avec le Grenelle, un droit d'inventaire est possible : un droit à un droit plus qualitatif que quantitatif.

Quelles priorités pour l'énergie et la biodiversité ?

A titre personnel, en tant qu'ancien acteur du Grenelle de l'environnement, voici ce que j'attends de cette conférence environnementale, étant précisé que je n'attends pas nécessairement de nouvelles lois.

De manière générale, il me semble que l'Etat a un devoir de vérité écologique. Il doit admettre plus clairement n'avoir plus les moyens d'une politique environnementale dont il serait le seul acteur. L'union européenne, les collectivités territoriales, les entreprises, les associations, les citoyens sont des acteurs dont l'Etat stratège cher au nouveau Président de la République devrait organiser les travaux et encourager les initiatives.

Dans le secteur de l'énergie, une vraie réflexion sur la simplification du droit et l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie, conformément aux engagement que nous avons pris au niveau européenne doit enfin être organisée. En la matière, la France ne cesse pas de reculer pour mieux sauter. Pourtant, il est possible de sortir du clivage grands groupes versus PME pour organiser de nouvelles coopérations. Cessons donc de freiner l'ouverture à la concurrence en enfouissant les nouveaux venus sous des tonnes de lois et de décrets. Dans le secteur de la biodiversité, l'urgence est de parachever le dispositif juridique de la trame verte et bleue qui attend toujours, depuis le mois de novembre 2011, son décret.

Le redressement productif  : de quel droit ?

Enfin, d'autres sujets, tout aussi fondamentaux doivent être abordés. Il en va ainsi du risque industriel, grand oublié du Grenelle et qui ne se résume pas à la réforme du code minier.Certes, Chantal Jouanno, au lendemain du Grenelle avait organisé une table ronde sur le risque industriel mais plus personne ne s'en souvient. Réfléchir à la pertinence et à l'efficacité du droit de l'environnement industriel n'est pas di bête alors que l'Etat s'est fixé pour grand objectif de donner un nouvel élan à notre industrie. Installations classées, sols pollués, déchets, hygiène et sécurité au travail, expositions aux substances dangereuses, contrôle des produits chimiques....autant de sujets qui mériteraient une réflexion approfondie sur le droit de l'environnement industriel pour permettre ce fameux "new deal" entre industrie et écologie.

Une chose est certaine : le Grenelle a enclenché un processus irréversible et il faut souhaiter au nouveau gouvernement de réussir à lui donner un nouveau souffle. L'optimisme est de mise. Le pessimisme est un peu prématuré.