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Sarkozy et l'imposture des heures sup'

Publié le 18 juillet 2012 par Letombe

Sarkozy et l'imposture des heures sup'C'était une imposture, un formidable effet d'aubaine, la carotte prétendument sociale accordée à quelques centaines de milliers de salariés pour qu'ils acceptent le pari politique de Nicolas Sarkozy. Les explications données à ce cadeau fiscal - pas d'impôt ni cotisation sociale alors que l'intégralité des revenus du travail y sont habituellement assujettis - étaient à ce prix.
La défiscalisation partielle des heures supplémentaires était emblématique du Travailler Plus pour Gagner Plus si cher à Nicolas Sarkozy, l'un des derniers vestiges de la loi TEPA d'août 2007. En cinq années de mandat, Nicolas Sarkozy lui-même avait détricoté sa propre loi mais il tenait plus que tout à ce dernier marqueur.
La suppression de cette niche fiscale, en cours à l'Assemblée nationale lors de l'examen du collectif budgétaire de juillet, suscite une polémique estivale complètement stérile.
La suppression de cette niche fiscale était une promesse de campagne du candidat Hollande. Celles et ceux qui font mine de la découvrir n'avaient sans doute pas lu ledit programme avec suffisamment d'attention. Peut-être auraient-ils dû porter la contradiction à ce moment-là. La campagne n'était pas si loin, deux mois à peine.
Cette décision ne fait pas que des heureux, on peut même dire qu'elle est loin d'être un cadeau. Mais n'attendez pas la droite pour évoquer un quelconque courage politique. Réparer les dégâts sarkozystes n'est pas une sinécure. La pédagogie peut être difficile: «L'argent public a d'autres vocations que d'encourager financièrement ceux qui travaillent à travailler plus et de laisser sur le côté ceux qui n'ont pas d'emploi» s'est ainsi essayé le rapporteur général du budget, Christian Eckert.
La droite a rapidement choisi ses éléments de langage, c'est de bonne guerre. Elle évoque une fiscalisation des heures supplémentaires. Techniquement, ce n'est pas faux, mais cela laisse entendre un caractère punitif à la mesure, alors que les heures supplémentaires (1) restent déplafonnées comme avant, (2) sont toujours mieux rémunérées qu'avant, (3) sont toujours exonérées de cotisations patronales dans les entreprises de moins de 20 salariés, et que tous les revenus du travail sont ainsi fiscalisés.
La droite voudrait faire croire à un retour forcé à « l'idéologie des trente-cinq heures » («le partage du travail dont se prévaut la gauche relève de l'utopie, qui renvoie au raisonnement faux des 35 heures» dixit Eric Woerth). C'est facile et grotesque. La question est moins celle du partage du  travail mais que de supprimer une niche économiquement inefficace et fiscalement injuste.
Cette décision est nécessaire depuis longtemps. Sur ce blog comme ailleurs, nous avons régulièrement dénoncé l'absurdité de cette défiscalisation des heures supplémentaires:
1. Cette défiscalisation coûte plus de 4 milliards d'euros par an aux comptes publics. Les revenus du travail contribuent à l'impôt et à l'Etat-providence. Pourquoi donc les heures supplémentaires en seraient épargnées ?
2. Cette défiscalisation a dégradé l'emploi avant même le déclenchement de la crise: dès avril 2008, l'emploi intérimaire puis CDD s'effondraient en France. Rappelez vous les cris d'alarme de la fédération patronale de l'intérim « le plongeon est continu depuis mars 2008 et la baisse du travail intérimaire a atteint 14% en octobre sur un an, 22% en novembre, 23% en décembre.»  En mai 2010, la DARES avait publié une enquête édifiante: pour 44% des entreprises concernées par un surcroît d'heures supplémentaires depuis Tepa, les heures sup étaient une alternative aux recrutements en CDI ou en CDD. Pour 52%, les heures sup avaient carrément remplacé l'intérim !
3. Cette défiscalisation n'a pas permis d'augmenter le volume d'heures supplémentaires (il y avait déjà 5,5M d'heures supplémentaires avant la loi), ni le nombre de bénéficiaires d'heures supplémentaires. L'effet d'aubaine a été manifeste; l'effet sur la production non prouvé.
4. Cette défiscalisation ne concernait pas tous les salariés: depuis l'entrée en vigueur du dispositif, toutes les enquêtes du ministère du travail ont révélé que le recours aux heures supplémentaires était utilisé plutôt par les entreprises aux 35 heures et les petites entreprises que les autres. En d'autres termes, un salarié d'une entreprise travaillant aux 39 heures avait moins de chances de se voir gratifier de telles heures supplémentaires que s'il était employé d'une entreprise aux 35 heures.
5. Le pouvoir d'achat des ménages a stagné: en cause, la crise et... la hausse des prélèvements obligatoires décidés par les gouvernements Sarkozy. Donner d'un côté pour reprendre de l'autre, quelle tartufferie ! Surtout, l'effet d'aubaine a été formidable pour les entreprises qui avaient besoin de main d'oeuvre supplémentaire.
A l'Assemblée, on s'est écharpé sur la date d'entrée en vigueur de cette suppression. L'idée initiale était une taxation rétroactive des heures supplémentaires au 1er janvier 2012. Eric Woerth, ancien ministre du Travail de Sarkozy ne s'est pas gêné pour protester: «Changer les règles du jeu après le match, c'est tout à fait injuste». Sur ce coup, il avait raison. Il parlait d'ailleurs en connaissance de cause, puisque sa réforme des retraites de juillet 2010 a eu exactement les mêmes travers. Finalement, la commission des finances l'a repoussé au 1er juillet. Et Matignon a demandé un report au 1er août.


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