Stéphane Couturier, Villa Noailles, Hyères,1996
Stéphane Couturier, qu'on connaît surtout comme auteur de grandes photographies d'architectures, genre froid et documentaire s'il en est, présente au Théâtre de la Photographie et de l'Image de Nice (jusqu'au 7 octobre) des travaux moins prévisibles. À côté de vues d'immeubles construites avec une précision chirurgicale (comme cette photographie de la Villa Noailles à Hyères dont plusieurs compositions très formelles détaillent les structures modernistes dépouillées, au point qu'on ne parvient qu'avec difficulté à en distinguer les divers plans), il introduit aussi quelques fantômes qui ajoutent une poésie surréaliste à ses images, les humanisant, les rendant douteuses, ambiguës, incertaines.
Stéphane Couturier, Série Melting Point, Usine Toyota, Valenciennes, 2005, n2
Ainsi, dans sa série sur la chaîne de montage de Toyota à Valenciennes, le regard se perd dans une complexité de machines, de câbles, d'outils colorés; si on tente de porter un regard analytique sur cet impossible enchevêtrement, la raison abdique, l'oeil se trouble, puis on réalise qu'on est confronté à plusieurs réalités superposées, face à une composition complexe faite de plusieurs strates proliférantes. Et l'homme n'y est qu'un fantôme...
Stéphane Couturier, Série Melting-Point, Nice, Palais de Marbre, 2012
L'image phare de l'exposition est un travail que Couturier a réalisé à Nice (Palais de Marbre) : là encore, l'oeil ne sait où se poser, comment appréhender l'image, la déchiffrer, comment tenter de mettre de l'ordre dans cette architecture plane et pourtant insaisissable, avant d'y renoncer. La collision des motifs, le dédoublement, le flottement sont bien sûr des artifices : deux bâtiments, deux images (peut-être plus, d'ailleurs, vu la netteté de tous les détails), une habile fusion, un détournement de la persistance rétinienne en quelque sorte.
Stéphane Couturier, Krauenstrasse, Berlin, 1996
Est-ce plus que de l'habileté, de l'artifice trompeur ? Couturier est un excellent photographe de ruines (ci-contre une fragile statue de la liberté émergeant des travaux de la Krausenstrasse à Berlin), d'immeubles en transition, construction ou destruction, privilégiant le frontal et le plastique, le tirant vers l'abstraction. Cette introduction de la fantaisie, du fantôme, a très bien fonctionné dans sa série Toyota; elle déroute un peu quand elle s'applique à l'architecture. Peut-être que je préfère sa froideur (comme je la retrouve dans ses photographies du désert péri-urbain de San Diego).
Stéphane Couturier, Séoul Tanji, céramique
Enfin, outre les photographies des immeubles de Séoul Tanji, on peut voir une belle vidéo sur cet ensemble, hypnotique et lancinante. Par contre, on se passerait de la petite sculpture en céramique ci-contre...
Photos 1, 2 & 3 courtoisie du service de presse. Photos 4 & 5 de l'auteur.
Voyage à l'invitation du MAMAC et d'autres centres d'art de la région.