Christine.(réalisé par John Carpenter)
Société tu m'auras pas!
Retour sur un Carpenter moins connu mais pourtant tout à fait intéressant pour la filmographie du réalisateur. D'un film de commande adapté d'un roman de Stephen King, il parvient à imposer ses principales marottes: le Mal et la société.
La première fois que Arnie vit Christine, il tomba en extase devant cette beauté aux formes éblouissantes. C'était dit, ils allaient lier leurs destins pour le meilleur et pour le pire. Mais Christine, la belle plymouth, modèle 57, n'aime pas trop les rivales. Gare a celles qui voudront approcher Arnie!
Il y a plusieurs niveaux de lecture assez évidents dans Christine. Au plus simple, on regarde une honnête série B, divertissante malgré les assez visibles limitations budgétaires. Le film ne fait pas peur mais réserve des moments de suspense et de tension purs, comme seul Carpenter sait les filmer. Le casting est solide et on se prend d'affection pour ces adolescents qui essaient de s'adapter au monde qui les entoure, sans faire forcément les bons choix. On ne s'ennuie jamais et l'absence d'explications quant à l'origine maléfique de la voiture entoure le film d'un halo de mystère plutôt efficace.
Pour tenter de le percer à jour, il faut accéder au niveau de lecture qui impose une petite réflexion. John Carpenter réalise ce film de commande en 1983, soit cinq ans après son fameux Halloween, et seulement un an après son œuvre (à coup sûr) la plus personnelle, The Thing. Ces deux films exploitent la même obsession du metteur en scène: de quelle façon le Mal s'insinue-t-il dans une société humaine? Que cette question soit personnifiée en machine à tuer sanguinaire et implacable ou en entité qui contamine les rapports sociaux de manière plus insidieuse; la réponse, accablante, est toujours la même. Le Mal ne peut être combattu car il est le produit de la société, il se nourrit d'elle et existera tant que cette dernière existera. Ce constat nihiliste est au cœur du cinéma de Carpenter.
Christine ne déroge pas à la règle mais n'apporte rien de plus et à tendance à faire doublon. C'est là que le long-métrage déçoit. Une fois de plus, il s'attaque à la société au travers un de ses symboles les plus évocateurs. Après les suburbs, c'est au tour de la voiture d'être travestie en agent du Mal. La démarche est identique. A travers ce symbole, il démontre que la société est aliénante car elle transforme les êtres différents afin de les faire rentrer dans le rang. Arnie passe du statut de souffre-douleur à celui de jeune intégré (voiture, petite amie et travail) mais seulement au prix de son identité. Voilà le vrai visage du Mal.
En conclusion, Christineest une œuvre nihiliste intéressante mais qui rappelle un peu trop les films précédents de son réalisateur (notamment The Thing, avec lequel elle ne tient pas la comparaison). Pour autant, ne boudons pas notre plaisir.
Note: