« Je consentirais, certes, à ne plus jamais toucher une plume, si je pouvais faire le marché d'exprimer une bonne fois, comme je la ressens, toute l'indignation que j'ai dans le cœur contre les œuvres de M. Hugo et de quelques autres de ce temps, dont le talent me fait gémir. Qu'on ne me parle point de la considération qui lui est due, comme à tout artiste excellent dans son art. C'est le caractère de l'œuvre, et non l'éclat du talent, qui mérite des égards. Son talent, son génie, si l'on veut, n'excuse point ce qu'il fait publiquement voir de la perversité de ses maximes et de la grande faiblesse de son esprit, dès qu'il franchit les limites bornées du don que Dieu lui a fait, et qu'il emploie si mal. — Et quant à moi, si M. Hugo s'inquiète de savoir qui lui parle de la sorte, j'étais hier, Monsieur, un de ces jeunes gens qui vous admiraient au grand dommage de leur esprit et de leur cœur; je suis aujourd'hui un pauvre écrivain, un homme sans haine et sans malveillance, un liseur de vers qui vous place encore le premier parmi les poètes de ces jours-ci, qui sont sous ce rapport de tristes jours. »(Louis Veuillot, Etudes sur Victor Hugo, Société Générale de Librairie Catholique, Paris, 1886)
« Le directeur de l'Ermitage, M. Edouard Ducoté, a soumis à deux cents poètes environ un passage de mes Epilogues de décembre où il était dit, à propos de Victor Hugo : « ... Je voudrais que l'on demandât à deux cents poètes d'aujourd'hui : quel est votre poète ? On verrait. Toute la poésie : non, pas plus que l'orgue n'est toute la musique. L'orgue n'est pas le violon. » J'écris ceci avant d'avoir lu les réponses envoyées, qui sont très nombreuses ; elles vont paraître dans le fascicule de février. Mais je sais qu'à la demande : quel est votre poète ? les poètes ont en majorité répondu : Victor Hugo. M. André Gide formule ainsi son opinion : « Victor Hugo, hélas ! » La nuance est caractéristique. Oui, en critique littéraire (et moi aussi) ; non en « amour littéraire ». » (Remy de Gourmont, « L'enquête de l'Ermitage », Épilogues, 3e série, Mercure de France, 1905)
« Je lui avais dit que H. L. Mencken, dans son dictionnaire des citations, prêtait à Verlaine sur son lit de mort le mot : « Victor Hugo, hélas ! » Gide proteste : « C'est une réponse que j'ai faite il y a fort longtemps et qu'on n'aurait peut-être pas remarquée si Remy (il prononce Reumy) de Gourmont ne l'avait citée disant qu'elle résumait tout » » (Julien Green, Journal, 22 mai 1946)
« Hugo est d'abord un poète. À la question : « Quel est le plus grand poète français ? », tout le monde connaît la réponse d'André Gide : « Victor Hugo, hélas ! »Pourquoi « hélas » ? Parce qu'il y a quelque chose d'accablant dans la fécondité et l'éloquence de Hugo. Parce qu'il est permis d'être fatigué de l'entendre se comparer lui-même tantôt à Atlas portant le monde sur ses épaules, tantôt au Mont-Blanc, et de le voir écrire sans la moindre gêne : « Je fais mon métier de flambeau. » » (Jean d'Ormesson, préface à Victor Hugo, Les Misérables, 2011, Le Figaro, Éditions Garnier)