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Time Killers : la genèse de Kazue Katô

Publié le 17 juillet 2012 par Paoru

Time Killers

Kazue Katô est l’auteure de Blue Exorcist, ça vous le savez sans doute. Ce que l’on sait moins c’est qu’elle a eu une vie artistique assez fournie avant de débuter le shônen majeur de sa carrière (auquel je porte beaucoup d’intérêt, comme je l’ai déjà expliqué ici). C’est donc avec envie que j’ai accueilli la publication de Time Killers, recueil de 11 nouvelles publié chez Kazé Manga depuis le 4 juillet dernier.

Surtout vendu pour son dernier chapitre, « pilote de Blue Exorcist« , cet opus de 235 pages s’avère encore plus vaste et nous détaille tout bonnement la naissance d’une mangaka. Pour voir où je veux en venir, lisez ce qui suit…

Grands univers recherchent petites histoires…

En entamant Time Killers, préparez-vous à voyager… Après un détour par les bains publics où vous croiserez un lycéen justicier dans Le lapin et moi, direction le Moyen Age nippon où vous attendent un lapin ninja et son acolyte, prêts à défendre de leur mieux une plantation de Tomates. Si vous cherchez des espaces encore plus grand, pourquoi pas le Far-West ?! Vous y chevaucherez, le temps de quelques tristes foulées, avec Le guerrier aux cheveux rouges.

Mais si vous préférez sauver le monde, pas de problème, il vous suffit d’endosser la cape d’USA BOY !!! pour convaincre papa et maman super-héros de vous laisser voler de vos propres ailes. La petite fille qui sommeille devra choisir entre le costume de La princesse et le mode d’emploi, ou attendre que son père, ce héros, grandisse un peu et emprunte une bonne fois pour toute La voie du repentir.

Time Killers / Kazue Katô

Après toutes ces aventures, vous pourrez vous laisser engloutir par l’océan et découvrir les profondeurs de Nirai ou, plus simplement, demander à un bol de soupe magique de réaliser vos milles et un désirs, comme dans Mon maître et moi.

Vous vous risquerez peut-être, pour finir, à quitter votre terre glaciale et affronter l’inconnu, pour répondre à La prière de la jeune fille, à assumer qui vous-êtes en ce dernier jour de l’humanité dans Hoshi Ota, ou à sauver la jeune fille aux fleurs en mettant un terme à L’affaire Miyama-Uguisu !

Quoi qu’il en soit, que d’aventures !

Kazue Katô, sa vie, ses oeuvres…

Ressortir les anciens one-shot d’auteur reconnu est une démarche souvent intéressante – indépendamment du coté mercantile sous-jacent- qui s’adresse la plupart du temps aux fans du mangaka concerné. Ce qu’il y a sympathique dans Time Killers, c’est que la richesse des histoires sur les plans scénaristique et graphique en fait un vrai b.a.-ba du mangaka, qui a de quoi séduire au-delà des simples fans de Blue Exorcist. On y vit, de manière presque pédagogique, la construction d’une mangaka sur 8 années, des premiers balbutiements à la maturité…

Tout commence par une histoire très académique avec un découpage assez banal dans Le lapin et moi. Kazue Katô, possède alors un style graphique qui n’est pas sans rappeler les débuts d’un certain Yukô Osada dans Magara, mais le dynamisme en moins. Tous deux sont des grands fans de Katsuhiro Otomo, ceci explique donc peut-être cela.

Dans ce premier récit elle n’a pas encore le talent de ses homologues et alterne plans moyens et gros plans sans parvenir à mettre en valeur les passages les plus forts, faute à une mise en scène et un découpage pas toujours optimal. Résultat : le scénario n’est pas mauvais mais le tout manque de punch. Néanmoins, il faut savoir contextualiser cette œuvre, réalisée lorsque son auteure a seulement 19 ans. On perçoit dès lors quelques bons moments, comme le zoom sur la planche de droite ci-dessous.

Time Killers Le lapin et moi

Autre point intéressant : les protagonistes et leur force de caractère. Dans ce premier récit, un lycéen au grand cœur reproduit le schéma d’un père criminel mais va rencontrer un camarade, futur médecin et bon samaritain, qui est bien décidé à lui faire changer de voie… Ces deux héros, qui ne sont pas sans rappeler les deux frères de Blue Exorcist, ne sont que le début d’une galerie de jeunes hommes que va décliner pendant des années Kazue Katô. Ces ados-jeunes adultes sont en plein doute intérieur et se croient incapables de changer leur destin, ou plus simplement de s’accepter tels qu’ils sont. Ces hommes en devenir sont persuadés que leur vie chaotique et systématiquement décevante est un sort qu’ils méritent… Jusqu’au jour où ils ne sont plus seul.

C’est sans doute pour ce premier duo de protagonistes réussis que Kazue Katô est alors sélectionnée pour le prix Tezuka dans le JUMP , et remporte la seconde place avec cette histoire. Commence alors sa carrière.

Kazue Katô : du lapin ninja à l'exorciste...
Le récit suivant, réalisé en 2001, confirme l’intérêt qu’elle porte aux lapins… C’est d’ailleurs ainsi qu’elle se dessine. Elle mettra cet animal au premier plan dans sa première série longue, Robot to Usagi, quelques années plus tard (2005-2006). En à peine une année le graphisme a sensiblement évolué, tout en gardant quelques similitudes : les planches sont plus travaillées et l’action mieux rendue, mais on retrouve une fois de plus un duo antagoniste (le jeune foufou et le vieux routard). On commence également à percevoir l’imagination débordante de Katô. La cohérence de l’ensemble ne tient d’ailleurs qu’à un fil et on sent bien, comme l’avoue l’auteur elle même, qu’ elle dessine un peu ce qui lui passe par la tête…

Une façon de procéder qui perdure d’ailleurs dans les récits suivants… À l’époque un éditeur vient en effet de lancer le magazine Kikan S et lui a proposé de publier ses œuvres, jusqu’ici refusées, dans son magazine. Avec une carte blanche, Katô déploie tout un panel de scénario très variés, comme vous avez pu le lire dans le résumé. Ces one-shot sont autant d’occasions d’aborder des thèmes que d’essayer de nouvelles techniques et de répondre à différentes contraintes : les récits vont de 1 seule page à une quinzaine, sont parfois dessinés à l’encre, au crayon ou même à l’acrylique, parle de science fiction, de western, d’amour, de tranches de vie… Un vrai CV de mangaka, que l’on peut apprécier à sa juste valeur grâce à de nombreuses pages couleurs, le tout pour la modique somme de 6.99 euros… Bien joué Kazé Manga.

Au travers de toutes ces tentatives c’est aussi le graphisme de la mangaka qui progresse, au fur et à mesure que son style se développe pour se rapprocher de celui qu’on lui connait aujourd’hui :  l’utilisation de noirs très sombres se fait de plus en plus récurrente, le chara-design est de plus en plus anguleux avec des visages carrés et larges, les coupes de cheveux se font résolument courtes… Les grandes gueules au cœur tendre façon Kazue Katô sont nées !

Tiens d’ailleurs puisque l’on parle de ça, jetez un œil à cette petite comparaison avant/après de ces personnages, où l’évolution est assez nette :

Personnages de Kazue Katô

On regarde donc la mangaka essayer des choses, avec assez peu de déchets, et se construire artistiquement… Murir pour parler simplement. Une évolution qui va d’ailleurs connaître un tournant décisif en 2008, alors qu’elle a désormais 27 ans…

Mangaka, c’est un métier !

Comme elle l’explique dans la postface de Time Killers (qui nous en apprend beaucoup), nous nous situons deux ans après l’interruption de sa première série, Robot to Usagi. Pour son arrivée dans un nouveau magazine – le Jump SquareKazue Katô prend la décision de ne plus uniquement dessiner ce qu’elle a envie ou ce qui lui passe par la tête, mais également de penser à ses lecteurs. Nait alors Hoshi Ota, une histoire d’amour lycéenne sur fond de science fiction et d’humour. Malheureusement en voulant éviter les débordements, elle propose un récit un peu plus conventionnel qui va connaître une mauvaise réception des lecteurs.

Hoshi Ota

C’est de cet échec murement analysé que va naître Blue Exorcist. Le style graphique de Katô a déjà posé ses bases et c’est désormais un long travail de gestation scénaristique qui se met en place pour accoucher de ce futur best-seller. Durant cette période elle décide de prendre quelques éléments de cet embryon pour concocter le dernier one-shot de ce recueil, L’affaire Miyama – Uguisu. Alors qu’on avait déjà croisé des morceaux de Yukio dans Hoshi Ota et quelques autres récits, ce récit symbolise la naissance de Rin, dans une version un peu plus adulte mais déjà avec un sabre, et celle de Shiemi, notre amoureuse de la nature déjà très introvertie.

L'affaire Miyama Uguisu

C’est donc en suivant les attentes des lecteurs mais sans brider son imagination pour le fantastique que Kazue Katô est arrivé au terme d’un chemin d’une petite dizaine d’années vers son best-seller qui détient, rappelons le, la 3ème place des ventes en 2011 au Japon, juste derrière One Piece et Naruto. Le fait de vouloir coller des éléments destinés à plaire au lecteur entraîne sur la pente savonneuse du fan-service et complique la cohérence d’ensemble mais Kazue Katô a réussi à confirmer, dans les touts derniers volumes de Blue Exorcist, que son histoire tient la route et qu’elle sait où elle va…

On lui souhaite donc de continuer une longue carrière et on à hâte de voir où elle sera dans dix ans. En attendant, entre deux tomes de Blue Exorcist, espérons que Kazé Manga réitérera sa publication d’anciennes œuvres en nous proposant le fameux Robot to Usagi !

Fiche Technique

Time Killers
Titre : Time Killers / Tanpenshû

Auteur : Kazue Katô

Date de parution : 4 juillet 2012

Éditeurs fr/jp : Kazé Manga / Shueisha

Nombre de pages : 235

Prix de vente : 6.99 €

Nombre de volumes fr / jp : 1 / 1

Visuels TIME KILLERS © 2011 Kazuo Kato /SHUEISHA Inc.

Pour vous faire votre propre impression le premier récit de Time Killers est disponible en prépublication sur le site de Kazé Manga.

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