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Charles VILDRAC : Chant du désespéré

Par Unpeudetao

Au long des jours et des ans,
Je chante, je chante.

La chanson que je me chante
Elle est triste et gaie :
La vieille peine y sourit
Et la joie y pleure

C’est la joie ivre et navrée
Des rameaux coupés,
Des rameaux en feuilles neuves
Qui ont chu dans l’eau ;

C’est la danse du flocon
Qui tournoie et tombe,
Remonte, rêve et s’abîme
Au désert de neige ;

C’est, dans un jardin d’été,
Le rire en pleurs d’un aveugle
Qui titube dans les fleurs ;

C’est une rumeur de fête
Ou des jeux d’enfants
Qu’on entend du cimetière,
C’est la chanson pour toujours,
Poignante et légère,
Qu’étreint mais n’étrangle pas
L’âpre loi du monde ;

C’est la détresse éternelle,
C’est la volupté
D’aller comme un pèlerin
Plein de mort et plein d’amour !

Plein de mort et plein d’amour
Je chante, je chante !

C’est ma chance et ma richesse
D’avoir dans mon coeur
Toujours brûlant et fidèle
Et prêt à jaillir,

Ce blanc rayon qui poudroie
Sur toute souffrance ;
Ce cri de miséricorde
Sur chaque bonheur.

Charles VILDRAC (1882-1972).

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