Femis – Travaux de fin d’étude (TFE) 2012 (5)

Les Apaches, film d’Alexis Meynet (TFE son)

Pourquoi ai-je pensé au film de Jean-Luc Godard, A bout de souffle ? Parce qu’il s’agit d’une fuite, d’un meurtre, d’une traversée ? Et d’une mort au bout de la campagne première ? C’est en effet le nom de la rue où tombe Michel Poiccard (Jean-Paul Belmondo) avant la fameuse phrase : « Ça veut dire quoi, dégueulasse ? ». Le rapprochement s'arrête là. Ici, c’est vraiment la campagne, l’Ardèche, là où les deux Parisiens, ayant voyagé en train (et non dans une voiture volée), croient trouver un refuge. Mais ils y sont étrangers, parlent comme on le fait à Paris une sorte d’argot, ont sur le dos des blousons rouge et bleu trop visibles pour passer inaperçus dans ce monde de verdure et de roche où ils se savent recherchés. Etrangers et perdus, trimballant des valeurs bien éloignées de celles qui vous font vivre dans l’isolement d’une magnifique nature un peu sauvage, cherchant des grottes pour s’abriter comme s’ils revenaient à une espèce de préhistoire en vue d’anticiper la fin du monde, et y découvrant l’obscurité totale, pleine, le silence qu’ils brisent en y cherchant l’écho de leurs voix. L’un d’eux, qui affirme qu’il ne se rendra jamais, est une sorte d’utopiste à la petite semaine qu’on sent prêt à sauter dans n’importe quelle croyance ; l’autre est à la fois plus faible et plus solidaire. Ces deux-là n’iront pas loin, on le sait bien. Le confort de la ville leur a mangé la tête. La jeune femme qui les accueille, leur offre le gîte et le couvert, ne les craint pas. Elle les met en garde. Leur fuite est une sorte de folie, mais leur fuite est leur façon de vivre l’instant. L’un d’eux, celui qui affirme qu’il ne se rendra jamais, n’hésitera pas à aller jusqu’au bout, attirant le spectateur au terme d’une poursuite dangereuse dans une chute vertigineuse, et un long, très long silence, laissant à l’autre les larmes de l’impuissance.