Bien sûr je suis paresseuse à force des facilités de lecture offertes par cette petite collection à 2 euros que m'a fait connaître Cynthia avec son challenge: ICI, toujours en cours, il me semble. Bien sûr, cette historiette amoureuse d'un jeune vénitien ambitieux de 20 ans avec une jeune mariée de 17 ans, Madame F., femme de son employeur qui plus est, tout ceci n'est qu'une bluette extraite de son autrement plus érotique et sulfureuse "Histoire de ma vie" écrite en Bohème, sur le tard.Bien sûr; c'est un Italien qui écrit ses Mémoires en français, dans ce XVIIIe siècle où la France et le libertinage de ses grands esprits pré-révolutionnaires éclairaient l'Europe....
Bien sûr, bien sûr... je sais tout ça et heureusement que j'ai lu toute l' "Histoire de ma vie" en des temps plus glorieux dans cette belle collection Bouquins si agréable à tenir en mains parce que, vraiment, sinon, ce n'est qu'une grande déception que j'aurais retenue de ces quelques pages.Ce n'est ici qu'un pâle avant-goût de ce que raconte Casanova par la suite et c'est rendre un fort mauvais service aux jeunes lecteurs que de leur donner ainsi l'impression que l'auteur n'est qu'un vulgaire séducteur à la petite semaine, bien maladroit et empoté, qui s'exalte pour trois fois rien et qui se rend ridicule, voire mufle et bouffon au point que qui n'aura lu que ces quelques pages s'étonnera de sa réputation qui lui semblera bien usurpée et n'aura aucune envie ensuite de prolonger sa lecture par les moments les plus exaltants d'une vie fort riche et très agitée et pas seulement sur le plan amoureux .
Ce que je reproche aussi à cette publication, c'est de ne rien dire du contexte, une demi-page sur Casanova lui-même, son époque, ses idées, son style, c'est bien peu: allez donc voir ailleurs! Soit! Parfois, cependant, comme ici, livrer le texte brut en pâture, c'est une forme de trahison. C'est du moins ainsi que je le ressens! L'histoire maintenant? Casanova, (1725- 1798), au service du gouverneur des galères vénitiennes à Corfou, est amené à servir aussi M. F, le récent époux d'une jeune femme de 17 ans qui se distinguait par sa beauté et sa galanterie. Il la séduit assez vite par des compliments et des petites attentions quotidiennes et il finit de conquérir son cœur grâce à une parure précieuse mettant en valeur quelques mèches de sa chevelure. La belle est conquise mais ne se donne pas. Elle lui accorde ses lèvres, minaude et s'avoue très heureuse de cette situation au grand désespoir de Casanova qui voudrait bien plus.Un soir de grande ardeur, tronquée, comme à l'habitude, par la volonté de sa bien aimée, il doit rentrer bredouille chez lui. En désespoir de cause, dépité, il finit la nuit dans le lit de la plus convoitée des courtisanes de l'endroit. . Quelques jours après, un mal qu'il ne connaît que trop, se déclare qui le force à se soigner et à s'éloigner pendant deux mois au bout desquels il se voit licencié pour trahison du lit de Madame F. qui entre temps s'est amourachée de quelqu'un d'autre et pour tout dire, du supérieur de son époux! "Elle l'aima constamment jusqu'à ce qu'il mourut d'une phtisie. Elle devint aveugle vingt ans après et je crois qu'elle vit encore." Un classique: le voyeur à la fenêtre. Comme par hasard , la chambre de Casanova se trouve juste en face de celle de Madame F. " Je me tenais souvent derrière les rideaux de la fenêtre la plus éloignée de celles de la chambre où elle couchait... une chambre contiguë ... qui était en flanc en suivant l'angle; de sorte que pour voir tout l'intérieur de la sienne je n'aurais pas même eu besoin de me mettre à la fenêtre. J'aurais pu la voir sortir de son lit, et jouir d'elle dans mon imagination amoureuse; et elle aurait pu accorder ce soulagement à ma flamme sans se compromettre en rien, car elle pouvait se dispenser de deviner que j'étais aux aguets. c'était cependant ce qu'elle ne faisait pas. Il me semblait qu'elle ne faisait ouvrir ses fenêtres que pour me tourmenter. Je la voyais dans son lit. Sa femme de chambre venait l'habiller se tenant devant elle d'une façon que je ne la voyais plus. ... J'étais sûr qu'elle savait que je la voyais; mais elle ne voulait pas me donner le mince plaisir de faire un mouvement qui aurait pu me faire conjecturer qu'elle pensait à moi.
Madame F. de Jacques Casanova de Seingalt. 1745 (Collection Folio) Extraits d' Histoire de ma vie.
Tableau: Auguste Leroux: Casanova et Madame F.