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Courage intellectuel ?

Publié le 16 juillet 2012 par Egea

Voici qu'on vient de me demander un article sur le courage intellectuel. Décidément, certains ont de drôles d'idée. D'abord de choisir ce sujet, puis de penser à moi. Bon, je ne vais pas l'écrire maintenant, mais jeter quelques idées, pour commencer la rumination.

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source : où il est prouvé qu'un âne peut s'élever au-dessus des hommes pourvu qu'il soit lesté : n'est-ce pas ça, le courage intellectuel, celui qui permet de soulever des montagnes (à défaut des ânes) ?

En fait, (j'ouvre une parenthèse pour les candidats aux différents concours où on demande une composition écrite de trois ou quatre heures), ce billet retrace quasiment le style de démarche qu'il faut faire lorsqu'on a un sujet : on jette les idées sur un premier brouillon, sans idée de classement ni de logique : on opérera le tri plus tard, il s'agit pour l'heure de moissonner et de récolter. Je confesse que c'est plus rédigé que dans mes brouillons d'épreuve, où je laisse libre court à une explosion de pattes de mouche que j'ai moi-même du mal à déchiffrer. L’important est de s'y retrouver. Mais revenons à notre sujet.

1/ Le premier écueil, pour celui qui écrit sur le courage, consiste à surmonter la question implicite "qui es-tu, toi, pour écrire sur ce sujet? es-tu courageux ? ". Et comme c'est difficilement prouvable, puisqu'il s'agit quasiment d'un paradoxe sophiste (du style"Je dis la vérité" : si c'est vrai, je dois l'affirmer mais si je suis un menteur, je dois dire l'inverse de ce qui est vrai et donc dire aussi "je dis la vérité"), je suis gêné. Car soit je n'ai pas de courage intellectuel, et je ne suis pas audible. Soit j'en ai, et c'est impudique d'en parler... car notre goût français aime plus que tout le courage discret et quasi anonyme. Le vrai panache ne se montre pas. Mais du coup, et en passant, le courage intellectuel peut-il être discret ?

2/ Supposons donc surmontée cette difficulté, admettons donc qu'on tolère que j'écrive sur le sujet, à défaut d'être crédible. Ou encore, comme Rousseau qui donnait des conseils d'éducation mais était incapable de les appliquer à ses propres enfants : son mauvais exemple ne prouve pas que les principes qu'il énonce sont forcément mauvais.... Bref, admettons que j'écrive.

3/ Alors vient une difficulté : où classer ce billet sur le courage intellectuel? je regarde là, à gauche, dans la colonne des catégories qui permet au lecteur de s'y retrouver, et je ne vois nulle catégorie "courage". Nulle catégorie "qualité" ou "vertu". Et puisqu'il s’agit de courage intellectuel, nulle catégorie "débat intellectuel" ou "principes conceptuels" ou je ne sais quoi. De guerre lasse, puisqu'il faut bien choisir et que mettre ça sous "divers" serait, à coup sûr, un manque de courage intellectuel, je choisis de le placer sous "Commandement", parce que j'ai une catégorie commandement.

4/ C'est un choix. Une décision qui est, constatons-le, la première marche du courage, quel qu’il soit. On est courageux parce qu'on a décidé d'agir. Le courage est l'effet d'une décision dans certaines circonstances.

5/ évidemment, ce classement est immédiatement critiquable : commander est-il une affaire "intellectuelle" ? et le courage intellectuel se voit-il seulement dans le commandement ? à ces deux questions, il faut bien sûr répondre par la négative.

6/ Ce qui pose la question du "lieu" du courage intellectuel. Ce courage est intellectuel : est-ce à dire qu'il est un courage des idées ? un courage dans le monde des idées? un courage d'intellectuel ? Et en quoi peut-on être courageux dans le monde des idées ? Ou encore, le seul fait d'être intelligent est-il "courageux" ? est-ce parce que je suis en désaccord avec un environnement que je suis forcément courageux ?

7/ Le courage intellectuel réside-t-il dans la capacité à penser en dehors du champ ? ou à l'exprimer ? L'expression d'une dissonance, (pas forcément intellectuelle) est-elle forcément du courage ? mais alors, l'indiscipline est du courage ? Le courage intellectuel a-t-il forcément à voir avec la censure ? et quel type de censure ?

8/ Bon, je pose beaucoup de questions et apporte peu de réponses. Mais bien souvent, un problème réside non dans la réponse mais dans la façon de poser les questions.

9/ Vous me direz : "voilà une belle pirouette", et vous n'aurez pas tort. Parce qu'effectivement, j'apporte peu de réponses, pour l'instant. Mais je suis un âne, un ruminant, un ruminator, un diesel. Tiens, j'y pense, voici d'autres questions qui viennent : le courage intellectuel est-il fulgurant, est- il l'affaire d'un moment (comme on imagine aisément dans le cas du courage physique) ou est-il une durée, une permanence, une constance (mais résister à la torture suppose aussi du courage dans la durée...) ?

10/ Bien, voici donc plusieurs axes d'approche : sur l'acte de courage, sur l'auteur, sur le lieu, sur le temps. Nous y reviendrons....

Et oui, je sais, l'âne n'est pas un ruminant. Donc, il ne couve pas les œufs....

Pour les préparants, ceux qui veulent peuvent m'envoyer des propositions de plan en deux (courage) ou trois (conformisme) parties. Sujet : "Selon vous, le courage intellectuel est-il utile ?".

O. Kempf


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