Les réflexions de la semaine…
La France et le
changement
Licenciements boursiers : beaucoup de bruit pour rien ?
PSA veut fermer des usines françaises. J’entends les
syndicats et le PC parler de « licenciements boursiers » et
demander des lois qui les interdisent.
Mais pourquoi réagir si tard ? Cela fait des années que
la situation de PSA se dégrade !
Pourquoi, aussi, s’émouvoir particulièrement de PSA, alors
que partout les entreprises licencient et ferment ? Pourquoi ne parle-t-on
pas des travailleurs précaires ? Et les chômeurs ?
Je me demande si tout ce bruit n’est pas simplement un moyen
de se donner bonne conscience. Et si, au lieu de faire du bruit, nos
« partenaires sociaux » se demandaient comment prévenir les
crises ?
Faut-il aider
PSA ?
François Hollande parle d’intervenir dans le dossier PSA.
A-t-il raison ? J’ai l’impression que le consensus mondial l’approuve.
B.Obama a sauvé Detroit, et personne ne paraît le lui reprocher, aux USA.
L’Allemagne défend jalousement son savoir-faire. Les pays émergents cherchent à
construire le leur.
PSA représente beaucoup plus que ses intérêts propres. Il
permet de vivre à tout un écosystème d’entreprises et de savoir-faire accumulé.
Et cet écosystème ne travaille pas que pour l’automobile. Sans grande entreprise,
disait un article de The Economist traitant de l’Angleterre, tout cela
disparaît.
Cela milite-t-il pour un contrôle des dites grandes
entreprises par la collectivité nationale ? Comme en Allemagne ? Et,
quand elles sont « too big to fail », par l’Europe ?
Comment aider
PSA ?
Pourquoi PSA est-il dans une mauvaise passe ? L’entreprise
serait, selon l’expression américaine, « managed and not led ».
Traduction : ce serait l’amour de l’argent qui l’inspirerait et non celui
de l’automobile. Ainsi, la Tribune, cette semaine, observait que PSA fabriquait
des voitures que l’on n’a pas envie d’acheter, et que, contrairement aux
marques allemandes, elle n’est pas dirigée par des passionnés d’automobile.
Peut-être, aussi, à la différence de VW (note de la semaine précédente), PSA ne
s’est-il pas suffisamment intéressé à son outil industriel.
Doit-on aider PSA à aimer la voiture ? En tout cas, il
serait bien de chercher à combler le déficit de politique industrielle de
l’industrie automobile française.
Sans argent, il va falloir faire preuve de génie…
Travailleur pauvre
Discussion avec une avocate. Elle est effarée par le nombre
de possesseurs de CDI ne pouvant joindre les deux bouts. Inconcevable qu’une
société puisse accepter des travailleurs pauvres.
Curieux cercle vicieux. Pour oublier leur pauvreté, ils
tendent à chercher des (maigres) consolations, qui peuvent les amener,
d’expédient en expédient, à un endettement dont ils n’arrivent plus à se tirer.
Le pauvre ne manque pas de vertu, comme le pense le néoconservateur,
il manque d’espoir, et… d’argent ?
Cercle vicieux de la
prostitution française
The Economist se penche sur la prostitution française (On the game) : nos prostitués sont
immigrés ; notre législation vise à les éloigner des yeux chastes.
Europe : la
France roulée dans la farine
La France est un pays de matamores d’opérette. Voilà ce que
je retire d’un article de Pierre Verluise (Géopolitique
de la France : quelles sont les conséquences de la crise économique ?
sur www.diploweb.com)
La France se gargarise de projets grandioses : armée
européenne (Sarkozy), Europe qui contiendrait la Russie pour faire pièce à
l’Allemagne (Mitterrand)… La France « donne
des gages », mais n’obtient rien. Pendant ce temps, « l’Allemagne a su paramétrer l’euro à son
avantage ». Et l’Angleterre a « (construit) une « Europe marché » en empêchant l’émergence
d’une « Europe puissance » ».
Le dirigeant français victime d’un colossal complexe de
supériorité ? Il ne sait pas que le changement est un travail patient de
transformation de la société, pas l’idée de génie d’un individu ?
Génie de l’ingénieur
anglais
Des chercheurs reproduisent les exploits des perceurs de
barrages de la seconde guerre mondiale. La revue du département d’ingénierie de
l’université de Cambridge retrace l’expérience.
L’histoire est intéressante. La RAF a réussi à détruire
certains barrages importants pour l’Allemagne nazie en utilisant des bombes qui
ricochaient sur l’eau, passaient au dessus des protections, et explosaient en
profondeur. C’est compliqué à réaliser, mais cela ne demande quasiment aucun
moyen, une fois que l’on a trouvé la bonne formule (qui est celle du
ricochet : il faut que la bombe tourne avant de la lâcher, au ras de l’eau).
Curieux. L’ingénieur anglais est génial et pourtant il est
méprisé. En France, c’est le contraire : il se croit tellement intelligent
qu’il pense qu’il n’a plus rien à prouver ?
Henri Bouquin
Une pensée pour Henri Bouquin, qui vient de décéder.
Henri Bouquin était un des plus grands spécialistes français
du contrôle de gestion.
Il m’a étonné, lorsque je l’ai rencontré pour la première
fois il y a dix ans. Je lui ai présenté mon livre, qui était à l’état d’une
quarantaine de pages peu lisibles. Il a pourtant immédiatement situé les
travaux auxquels je me rattachais (la systémique du MIT), alors que très peu de
gens les connaissent en France, et qu’ils semblaient fort éloignés de son
domaine de recherche.
Henri Bouquin était peut-être un des derniers représentants
du professeur d’université français. Un esprit extraordinairement élégant, qui
comprenait tout et qui avait tout lu. Mais qui ne voyait pas l’utilité de
vulgariser sa pensée. Le bon élève était celui qui comprenait le maître.
Son décès a-t-il, comme celui des philosophes grecs,
quelque-chose de symbolique : avait-il encore sa place dans une université
dominée par l’arrivisme, la politique et l’argent ?
L’Amérique lui aurait certainement apporté la fortune et la
gloire. N’était-il pas la matière même des modes de management ?
N’avait-il pas étendu le champ du contrôle de gestion aux sciences
humaines ? Mais, dans son université, il était vu comme dépassé, car il ne
copiait pas les Américains.
Inflation de mentions
au bac
Baccalauréat. Autour de moi, on ne parle que de mentions
bien ou très bien. Je découvre maintenant que le bon élève vise les
félicitations du jury (18/20). Ce n’était pas comme cela de mon temps.
Explication simple : pour augmenter le nombre de
bacheliers il a fallu abaisser la difficulté de l’examen. Trop simple ? Ce
qui m’intrigue est la similitude entre ce que sont devenus nos examens et le
système anglo-saxon. En Angleterre et aux USA aussi, il est assez facile
d’avoir une note maximale. D’ailleurs la valeur des notes est inversement
corrélée à celle des cours, histoire de ne pas mécontenter le client. (Le
phénomène est particulièrement marqué en ce moment.)
Car, dans les pays anglo-saxons, l’élève est non seulement
client, futur mécène, mais aussi membre de la haute société. Il n’est pas de
bonne politique de le mécontenter.
Il est tentant de se demander si les changements qu’a connus
notre système de notation ne reflètent pas ceux de notre société : on
donne un diplôme sans valeur au pauvre, et on distingue l’héritier ?
Notre monde
anglo-saxon
L’Amérique renaît de
ses cendres
The Economist (Comeback
kid) se réjouit que l’Amérique se soit réformée, contrairement à l’Europe.
L’Amérique a purgé ses banques et son immobilier. Elle profite maintenant de
son dollar dévalué pour exporter vers les classes moyennes émergentes, et du
gaz de schiste, dont ne veut pas l’Europe. Ceci ne réduit pas le chômage, mais
on ne peut pas trop en demander.
En rapprochant cette renaissance du rejet par l’Angleterre
des droits de l’homme européens, j’en arrive à me demander si la force des
Anglo-saxons n’est pas de retourner contre ses intérêts les règles de la
société. Il leur est d’une formidable utilité que le gaz de schiste, les OGM,
la durée de travail soit limitée chez nous, parce que cela nous ligote.
Enseignement pour nos contestataires professionnels ?
S’ils veulent être efficaces leur protestation doit être mondiale. Sinon, ils
ne feront que tirer dans les pieds de leur camp.
Irrationalité
économique de l’entreprise
Le professeur JP. Schmitt me fait part de son immense
perplexité. Il a passé un demi-siècle à observer l’entreprise, et il n’arrive
toujours pas à comprendre pourquoi les innovations organisationnelles majeures
ne sont pas adoptées. Même celles qui ont fait la preuve concrète de leur
efficacité supérieure : personne ne les copie ! Pire :
l’entreprise utilise aujourd’hui des techniques dont la stupidité est
scientifiquement démontrée, et ce depuis longtemps.
L’explication que je donne à ce paradoxe rejoint celle que
The Economist apporte à l’irrationalité bancaire (The golden rules of banking) :
La banque défie les lois du marché. Le banquier gagne à tous
les coups. Y compris et surtout lorsqu’il est licencié. Pourquoi ? Parce
qu’il écrit les règles du jeu.
Je me demande si, au fondement de ces règles, il n’y a pas
le risque. Le secret du succès est de faire courir des risques, qu’elle ne
perçoit pas, à son entreprise. Ce risque peut rapporter à court terme à son
auteur, par l’apparence du succès. Dans tous les cas, il paiera infiniment
moins qu’elle les conséquences d’un échec.
Solution du paradoxe : on n’est pas en face d’une
recherche d’optimum collectif, mais individuel ?
Afrique, nouveau Far
West
L’Afrique est la seule zone du monde promise à un bel avenir
économique. Et, en plus, elle n’est pas protégée par des lois ou des
gouvernements ennuyeux. L’industrie de l’alcool se prépare à la prendre
d’assaut, par « l’innovation ».
(Intoxivation, The
Economist)
Europe, ancien Far
West
Apparemment le gouvernement Roumain n’aurait pas des usages
très démocratiques.
Après la Hongrie et Chypre, nouvelle mauvaise acquisition de
l’Europe ? Pourquoi autant de précipitation dans l’élargissement ?
Pourquoi pas d’accompagnement à l’intégration ? Pourquoi si peu de
contrôle des pays membres ?...
Après « l’Europe marché » est-il temps de
construire une « Europe puissance » ?
Le Mali détruit le
patrimoine mondial
On s’est ému cette semaine de ce que des fondamentalistes
détruisaient des momuments maliens. Curieusement, les malheurs de la culture
nous bouleversent plus que ceux des peuples.
En tout cas, cette affaire nous met devant notre impuissance
et devant une propriété du changement qui n’arrive pas à pénétrer l’esprit
français : le changement ne se fait pas en un claquement de doigts. Il
demande un travail de préparation, long et minutieux. Ainsi, le génie militaire
de Napoléon et d’Alexandre n’aurait rien été si leurs nations ne leur avaient
pas donné des armées nombreuses et efficaces.
Qu’est-ce que la
résilience
Dans un billet précédent, je disais que Dennis Meadows
voyait comme seule issue à la crise des ressources naturelles qui nous menace la
résilience de notre société. C'est-à-dire sa capacité à résister à un énorme
choc, sans perdre son âme.
Un début d’étude me montre que la résilience n’est pas ce que
je pensais. Elle est collective, et non individuelle (solidarité /
partage) ; elle est active et non passive (créativité). (à suivre.)
L’homme éternel
Pourquoi le gringalet
a-t-il gagné la sélection naturelle ?
Il semblerait que l’espèce humaine ait préféré le modèle du
couple à celui du mâle dominant.
Du coup l’homme tend à être maigrichon et fidèle (et
jaloux ?). (How the Weak inherited
the Earth, Smithsonian.com). Cela aurait des intérêts : plus de
nourriture pour la femme, une capacité de reproduction plus démocratique pour
l’homme. Aussi, pour l’enfant, il est mieux d’avoir deux parents qu’un. D’ailleurs,
la durée de l’enfance humaine demande une longue protection.
L’espèce humaine serait-elle très tôt orientée vers une
stratégie sociale de survie ?
Nos décisions sont
conditionnées par notre environnement
Il paraît qu’il en faut bien peu pour influencer nos
décisions. Ainsi une table bancale nous fait croire que la société est
instable, et agir en conséquence. De même nous tendrions à voter du côté où
penche notre chaise… (Tall, dark and
stable, The Economist.)
Qu’il en faut peu pour nous influencer ?
Comment l’Allemagne peut-elle imaginer que tout aille mal
ailleurs ?
Comment fonder une démocratie sur la raison, dans ces
conditions ?