« Ils sont terribles. Au début, ils sont gentils, font bien leur boulot, sont serviables et tout. Puis petit à petit, ils se métamorphosent. La « bonne » finit par devenir odieuse, te faire de la concurrence, te piquer ton mari, ou elle se prend la tête, bref, elle commence à t’apporter des problèmes et à un moment, tu es obligé d’arrêter ».
Vous n’êtes pas étranger à cette explication si vous avez déjà eu une femme de ménage ou si vous connaissez quelqu’un qui en a déjà eu. Mais dépassons ce qui se dit tous les jours et commençons par poser les problèmes là où ils se trouvent.
Premièrement, les personnels d’appui domestique sont un personnel comme les autres. Il s’agit d’un métier…qui n’est pas plus sot que celui que vous faites tous les jours. Et malheureusement, le vocabulaire que nous attachons à ce travail est le premier facteur de difficultés dans la gestion de ce personnel. « Boys ou bonnes », « gardien », « femme de ménage », etc. Tous ces vocables ont pris sous nos cieux une connotation négative à telle enseigne que la première relation qui s’établit avec ce type de personnel est d’emblée une relation négative. Avant même d’avoir recruté le « boy », nous avons déjà mis en place les schémas relationnels qui vont assassiner la relation de travail : la dévaluation de l’autre. Parce que le rapport qui s’établit avec ce personnel n’est pas un rapport de type patron-employé encadré par une norme, mais il s’agit d’un rapport personne supérieur à personne inférieure.
Techniquement, le personnel dit domestique entre dans la grande catégorie des techniciens de surface. Il s’agit en réalité d’un personnel d’appui. C’est-à-dire de personnes qui AIDENT dans un certain nombre de tâches. Leur aide n’est pas quelque chose qu’on peut évacuer comme ça…Elle a de la valeur et mérite que la relation de travail se structure autour de cette dimension « appui ». Il ne s’agit pas d’une personne inférieur, d’une personne qui a des problèmes, etc. Elle a juste autant de problèmes que vous, à des niveaux différents. C’est juste une personne égale qui fait un travail que vous ne faites pas par manque de temps ou autre chose. Lorsque la relation cesse d’être celle d’un employeur qui paie quelqu’un pour faire quelque chose qu’il ne peut pas faire pour une raison ou pour une autre, on entre dans le règne de la confusion et de l’arbitraire.
Deuxièmement, notre fausse perception du travail du personnel d’appui a une incidence forte dans la manière avec laquelle nous gérons ce personnel…Dans bien des cas, il n’est pas géré comme un personnel. En fait, il s’établit vite des relations construites sous le prisme de sous personnes à qui on fait une faveur…et non pas sous le prisme d’un personnel qui travaille sur la base d’un cahier de charges.
Cette configuration entraine donc des canevas de travail qui n’ont aucun cadre. Pas de cahier de charges clair, pas d’obligations réciproques. Rien n’encadre l’employeur et rien n’encadre l’employé. Aucune logique carrée et cadrée n’existe sinon celle des affects, des humeurs, du subjectif. Tout est ponctuel et factuel et entraine chez ce personnel un ensemble de réponses ponctuelles et factuelles. Donc rien de stable. Il est pourtant nécessaire que des cadres même peu élaborés soient clairement définis. Et idéalement qu’un contrat précis soit envisagé qui permet de lier DEUX parties en lieu et place de ce binôme supérieur-inférieur non encadré.
Enfin, notre fausse perception du métier de personnel d’appui entraine le développement de nouvelles formes de relations qui sont tout, sauf professionnelles. Elles prennent vite par exemple la route des relations sociales qui déstructurent la problématique de travail dans l’esprit de ce type de personnel. Des espaces de non droit se créent qui sont souvent positifs…et qui très vite se structurent sur leurs pôles négatifs. Ce sera des faveurs…des libertés, des non restrictions…qui vont vite devenir abus, dépassements et appropriations difficiles à contrôler.
Ce qui est pourtant fondamental, c’est que l’environnement de travail ne dépasse pas les bornes du travail. Et que les espaces de droits soient définis qui éliminent les faveurs tout en faisant de la place aux problèmes des gens.
Pourquoi avons des problèmes avec nos personnels d’appui domestique ? Parce qu’on est passé à côté de la plaque sur leur travail. Il serait de bon ton de régler cela.