Pommerat nous frappe en plein cœur avec son Pinocchio. Les enfants ne s’y trompent pas pour cette dernière représentation de la création à l’Odéon. Ils applaudissent à tout rompre ce spectacle où le style de Joël Pommerat s’exprime à plein régime : un narrateur, torse nu, micro main qui renforce sa voix, (sa parole est forte, tranchante et rapide et pleine d’humour) raconte la seule chose qui vaille : la vérité. Il raconte la genèse, la naissance et la vie du pantin Pinocchio. Et sa quête de la vraie vie, allant du mensonge à la vérité. Son père qui l’a fait est pauvre, timide. Les séquences se succèdent en tableaux rapides, à peine séparés par un fondu au noir sonore. Comme dans son admirable Petit Chaperon rouge, la trame sonore raconte à elle seule l’histoire. Tantôt, elle accompagne, tantôt elle ponctue, tantôt elle est surreprésentée, magistralement. Le théâtre de Pommerat rendrait le sourire à un aveugle mélancolique.
Ceux qui ont des yeux y voient aussi des mannequins, des musiciens, des personnages masqués, une fée géante, une mer comme aucune scène ne la vue aussi bien démontée (Devos en serait baba), et toujours ce jeu avant scène/fond de scène où Pommerat fait naviguer ses acteurs entre des immenses voiles de tulle. Les voiles pour la vue, les hypersons pour l’ouïe séquencent au rythme de la parole du narrateur comme autant de claps de réalisateur. La vie croissante se déroule inexorablement. Les épisodes connus (le refus de l’école, la prison, la transformation en âne, les retrouvailles de Pinocchio avec son père dans le ventre de la baleine) deviennent autant d’épreuves vers la vraie vie, non pas celle illusoire du divertissement, qui l’a tenté un moment, mais celle qui métamorphose un pantin de bois en petit homme. La vie en vrai voilà le don, une beauté, une bonté d’âme, qui dit vrai, qui dit la vérité.
Pour Pinocchio-Pommerat, la vie est une épreuve de vérité.
Prochaines étapes de la tournée de Pinocchio : Tours, Chambéry, Lyon, Douai, Rennes, Bordeaux, Martigues, Brétigny.