Mario Monti a annoncé une baisse des dépenses publiques de 26 milliards € en Italie. Quelle réalité et à quel horizon temporel ?
Par Marco Valerio Lo Prete.
Article publié en collaboration avec Unmondelibre.
Mario Monti
Tout d'abord, « le rôle accru de l’État est bénéfique et promeut le bien-être » ; ensuite, « aucune ressource ne peut être trouvée par l'Etat sans augmenter les impôts ou en créer de nouveaux ». Ces deux hypothèses de base, bien ancrées dans le débat dominant public italien, ont été manifestement démenties par un décret du gouvernement de Mario Monti. Bien sûr, la réduction des dépenses publiques afin de rendre l'Etat plus efficace, et dans le même temps la réduction des impôts et du déficit public, tout cela n'est pas une idée neuve : elle a été préconisée depuis longtemps par de nombreux économistes et les faiseurs d'opinion de plusieurs, et même soutenue par la majeure partie de l'opinion publique italienne. Mais elle se cantonnait à un niveau théorique. Le vendredi 6 juillet 2012 au contraire, le « decreto legge » (décret-loi) qui a été approuvé planifie des coupes budgétaires de 26 milliards d'euros dans les dépenses sur les trois prochaines années.
Non seulement cela, mais le « gouvernement technique » de Monti a clairement indiqué que ces réductions sont nécessaires pour atteindre trois objectifs différents : éviter jusqu'à l'année prochaine une augmentation de 2 pour cent de la TVA qui avait été prévue pour l'automne; de garantir des prestations sociales à 55 000 personnes qui ont accepté de partir en retraite anticipée alors que leur âge d’éligibilité était repoussé par la réforme des retraites ; pour financer la reconstruction post-séisme dans la région d’Emilia-Romagna (nord de l'Italie). Voilà assez pour falsifier les deux hypothèses du début de l'article -ces mêmes hypothèses qui ont en réalité mené l'Italie au rang de cinquième pays de l'OCDE en matière de dépenses publiques par rapport au PIB national.
Il y a dans le décret Monti des mesures concernant le secteur public. La principale est la réduction prescrite de 10% du personnel (et de 20% du personnel de direction) dans le vaste secteur public italien, (sauf l'école, la justice et le personnel en charge de l'ordre public). Les chèques-repas seront réduits et les employés ne pourront plus échanger des jours de vacances en salaire accru. En plus de cela, 10% des soldats seront démobilisés et divers programmes militaires ne seront plus financés : les dépenses d’armement seront réduites de 100 millions d'euros, les missions de maintien de la paix de 8,9 millions d'euros, les prestations aux victimes d'exposition à l'uranium appauvri de 10 millions d'euros, et les programmes de recrutement de 5,6 millions d'euros. Le nombre de gouvernements provinciaux de l'Italie sera divisé par deux, passant de 110 à un peu plus de 50. Les offices publics d'achat de contrats seront rendus plus transparents et essentiellement centralisés. « Le gouvernement a décidé d’écarter la voie, plus facile, de coupes budgétaires transversales et a choisi une route plus complexe, mais qui est structurellement profitable, selon les analyses de la structure des dépenses », a déclaré le Premier ministre italien Monti.
Les critiques s'accumulent contre l'ex-commissaire de l'UE devenu Premier ministre en novembre, après la chute de M. Silvio Berlusconi. D'un côté, bien sûr, il y a la rhétorique anti-austérité ; même Giorgio Squinzi, président de l'Association des industriels (Confindustria), a déclaré qu’il était nécessaire de s’assurer que les coupes budgétaires ne se transforment pas en « boucherie sociale ».
De l'autre côté, il y a des critiques libérales. Certains soulignent le fait que la revue des dépenses tant attendue ne réduira que 4,5 milliards d'euros en 2012 (sur un total de dépenses publiques de près de 800 milliards d'euros chaque année…), laissant le reste de la tâche au prochain gouvernement.
D'autres, comme le chroniqueur Oscar Giannino, ont déclaré que l’essentiel des 26 milliards d’euros seront juste réalloués vers d’autres dépenses, et que les « vraies » réductions se limiteront à 3,2 milliards sur 3 ans. Enfin, des économistes tels qu’Alberto Alesina (Université de Harvard) et Francesco Giavazzi (Université Bocconi), soutiennent l'idée de ne pas accroître la TVA, mais pensent que cela ne suffit pas : la baisse des impôts et charges sur le travail devrait être le véritable objectif pour favoriser la croissance.
Tous ces éléments sont bien sûr des critiques bien fondées. Mais certains des libéraux semblent omettre le changement qui a été alimenté par les premières étapes de ce processus de « revue des dépenses ». Jusqu'à aujourd’hui la plupart des citoyens ne pouvaient (ou n’avaient le droit de) voir que les avantages qui accompagnaient les dépenses publiques. Ici, le gouvernement de M. Monti a éclairé le coût de ces dernières, ce qui oblige le Parlement à choisir soit des impôts plus élevés, soit des dépenses moins élevées. Pas mal selon les standards européens. Dernière surprise, les Italiens semblent apprécier le changement en cours : selon le principal journal italien, Corriere della Sera, 7 citoyens sur 10 approuvent les coupes récentes dans l'administration publique, tandis que 56 pour cent des personnes interrogées préfèrent recevoir moins de prestations sociales que payer moins d’impôts. Reste à voir si les parlementaires suivront…
(*)Marco Valerio Lo Prete est journaliste économique au quotidien Il Foglio en Italie.
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