(Pilote US) Perception : un consultant atypique pour un cop show sympathique

Publié le 15 juillet 2012 par Myteleisrich @myteleisrich

A la fin du siècle dernier, à une époque où la télécommande de la télévision et le magnétoscope étaient les meilleurs amis du sériephile (en herbe), j'avais l'habitude d'enregistrer sur VHS de nombreux épisodes de séries, souvent "préventivement" (sait-on jamais, s'ils étaient bien ?). Je consommais alors beaucoup, mais ne faisais pas vraiment attention à toutes les informations périphériques qui défilaient après le générique, comme les noms des guest stars. C'est dans ce contexte que j'ai croisé pour la première fois Eric McCormack au cours d'une apparition dans... Highlander (saison 5). Il y jouait un personnage à l'accent sudiste improbable ; tandis que l'épisode en lui-même tenait plus de la parodie des codes classiques du show, ce qui lui donnait un ton assez décalé. J'ai dû regarder une bonne trentaine de fois cette VHS par la suite, et cela n'avait rien à voir avec la qualité de l'épisode. L'expérience m'a fait découvrir une chose : apprendre à faire attention à ces fameux guest stars.

Ce qui est assez paradoxal, c'est que 15 ans plus tard, lorsque je retrouve Eric McCormack dans une série, je l'associe toujours dans mon esprit à ce rôle-là. Peu importe que les Will & Grace (surtout) et autre Trust me (déjà oubliée) soient passés par là ensuite de manière autrement plus significative pour l'acteur. J'en reviens toujours à ces quarante minutes au sein d'une saison inégale d'une série relativement oubliée aujourd'hui. Cette (longue) anecdote vous permet cependant de comprendre la raison majeure pour laquelle je me suis installée devant le pilote de Perception. Sur le papier, cette nouvelle série de TNT, lancée lundi 9 juillet 2012 aux Etats-Unis, n'était pas forcément ma tasse de thé : elle apparaissait comme un procedural policier d'un classicisme extrême au parfum Holmes-ien prononcé. Nulle surprise donc devant le résultat obtenu. Mais des débuts malgré tout sympathiques qui doivent beaucoup au casting (dans son ensemble).

Perception met en scène Daniel Pierce, un brillant neuroscientifique, qui, s'il a ses excentricités, reste une référence incontournable dans son domaine. Cependant, son intérêt pour cette discipline est motivé par son état, il souffre en effet de schizophrénie. Refusant de prendre un traitement médical, cette dernière se manifeste notamment par des hallucinations, ce qui l'oblige à employer les services d'un assistant - un étudiant - qui lui permet de s'assurer de la réalité des personnes qu'il peut voir. Ce quotidien universitaire est bien rôdé jusqu'au jour où une dose d'inattendu y est injectée.

En effet, une de ses anciennes étudiantes, Kate Moretti, est devenue depuis agent du FBI. Ils ont un temps collaboré, avant qu'elle ne soit promue vers de nouvelles fonctions, Daniel prenant alors ses distances avec les autorités. Mais le retour de la jeune femme en ville la conduit à contacter à nouveau son ex-professeur, réclamant son assistance dans une affaire où elle peine à comprendre le comportement du suspect. Une enquête en appelant une autre, Daniel va donc apporter son expertise - et ses vues particulières - aux cas qui lui sont soumis par le FBI.

A la lecture du synopsis, on devine aisément que Perception ne se démarquera pas par son originalité. La série se réapproprie une recette bien connue, dont on a perdu le compte du nombre de déclinaisons dans tous les formats de fictions, mais qui, si les divers ingrédients sont dosés habilement, n'en reste pas moins très efficace. Elle associe un duo aux personnalités différentes, polarisé sur l'un des deux, particulièrement brillant et sortant du lot. Ce dernier, doté d'un don particulier grâce auquel il va pouvoir débloquer des enquêtes insolubles au commun des mortels, ne manque cependant pas de failles. Le versant purement policier (à savoir, l'enquête) est dans ce pilote un fil rouge calibré très oubliable, mais il semble toutefois rester comme en retrait : plus que la découverte d'un coupable et/ou d'un motif, c'est la manière dont l'enquête va progresser qui intéresse la série.

Entre alors en jeu la principale valeur ajoutée de Perception : son personnage principal. Il faut relever tout d'abord la manière dont sont utilisés les symptômes de sa maladie : les hallucinations de Daniel s'inscrivent dans le cours de l'enquête du jour. Elles constituent en quelque sorte autant de suggestions et de messages de son subconscient lui permettant de faire apparaître des liens non perceptibles a priori, de formaliser des déductions que tout le monde aurait manqué. Le concept de la série repose donc sur cette faculté à prendre en compte plusieurs niveaux d'analyse - de perception - de la réalité, face à une situation problématique donnée. Certes, ces twists paraissent parfois assez forcés et plutôt artificiels : la gestion de la première affaire dans le pilote confirme cette fragilité. Mais l'atout de Perception est que la maladie de Daniel ne se réduit pas seulement au champ policier. Dans son comportement, on retrouve certains excès de paranoïa ou encore l'énoncé de théories conspirationnistes qui sont autant d'argumentaires auxquels il est sensible. Le personnage reste en soi assez fascinant, intéressant par ses réflexes de vie et ses incertitudes liées à son état. Ainsi, on obtient vite une figure attachante que l'on ne demande qu'à accompagner, curieux de voir s'il peut s'ouvrir et s'aventurer en dehors de la bulle de sécurité et des murs qu'il s'est lui-même construit autour de lui.

Sur la forme, Perception est une série policière parfaitement calibrée, sans aucune prise de risque, ni véritable particularité que le téléspectateur retiendra. L'ensemble est maîtrisé, la bande-son reste un support discret, et tout juste remarquera-t-on quelques décors comme le cadre universitaire pour permettre d'apporter quelque chose qui lui est propre à une identité visuelle interchangeable avec mille et une autre séries de ce genre.

Element plus notable, comme je vous l'ai dit en préambule, le casting joue beaucoup sur la sympathie initiale que suscite la série. Et sa solidité d'ensemble contribue à nous convaincre d'un concept avec ses limites. Eric McCormack (Will & Grace, Trust Me) est vite à l'aise dans ce rôle d'un homme brillant mais avec ses failles, que l'on a envie de découvrir plus avant. C'est Rachel Leigh Cook (Psych) qui lui donne la réplique, offrant un pendant posé aux emballements de son ancien professeur. Les sériephiles retrouveront aussi avec un plaisir certain Kelly Rowan (The OC) qui joue la meilleure amie de Daniel - avec un twist prévisible à son sujet, mais qui fonctionne. Arjay Smith (Les aventures fantastiques d'Allen Strange) incarne l'assistant de Daniel. Enfin, Jonathan Scarfe (Raising the bar) interprète l'agent du FBI qui fait équipe avec Kate.

Bilan : Cop show de facture classique, mettant en scène la dynamique très familière d'un duo reposant sur les capacités exceptionnelles d'un des deux, Perception s'en tire plutôt bien au cours d'un pilote où elle introduit efficacement son atout majeur : un personnage principal atypique, avec ses excès, mais qui n'en est pas moins très sympathique au téléspectateur. La particularité de son état mental ouvre indéniablement des possibilités dont le potentiel mérite d'être exploré plus avant, dans le versant policier, comme sur un plan plus personnel. Une série qui peut donc plaire aux amateurs de ce genre de fictions. A fortiori en cette période estivale. (Même si personnellement, je sais être peu réceptive à ce type de procedural.)


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce de la série :