Nous sommes avenir: Le manifeste de la CLASSE

Publié le 15 juillet 2012 par Espritvagabond
Poursuivre un idéal politique est tout sauf risible, tout sauf cynique.
Au Québec, où l'on vit dans un univers politique plutôt stérile, les manifestations dérangent, puisque nous avons la politique tranquille. En fait, on peut même dire que le Québec, politiquement, a plutôt été endormi depuis le dernier référendum (et ça remonte à 17 ans déjà). Pire, on a souvent l'impression (erronée je l'espère) qu'une majorité (silencieuse) de citoyens réduit la démocratie à un simple vote aux quatre ans.
Nous avons donc collectivement oublié le temps des révolutions qui, mêmes tranquilles, s'effectuaient à coup de protestations et de manifestes. Que l'on pense seulement au Refus Global et son importance sur l'identité québécoise (malgré le fait que Borduas a d'abord été considéré comme un anarchiste - certains parallèles sont amusants avec le recul historique, non?).
C'est donc avec étonnement que le Québec a semblé accueillir le manifeste de la CLASSE, publié dernièrement et intitulé Nous sommes avenir.
Pourtant, ce manifeste s'inscrit en parfaite continuité avec les propos de l'association étudiante, et constitue en quelque sorte l'aboutissement logique d'une prise de parole collective effectuée par cette association avec ses consoeurs (FECQ et FEUQ) depuis le début du mouvement étudiant le printemps dernier.
Mais ce manifeste, il vient aussi confirmer ce dont je parlais moi-même ici, dans un billet qui évoquait les racines de la contestation étudiante, qui dépassent la seule question des droits de scolarité pour couvrir le modèle néolibéral dans son ensemble. L'idée que cette opposition à une politique néolibérale trouve ses origines dans une population étudiante informée (et formée) à l'analyse politique des 30 dernières années et qui cherche une justice sociale qui dépasse les considérations personnelles de ses membres.
J'avais également dénoncé l'appellation "juste part" dans ce billet-ci sur le principe d'utilisateur-payeur, principe que la CLASSE dénonce directement dans son présent manifeste. Enfin, les idéaux exprimés dans le document, que l'on peut également lire dans son ensemble sur le site du journal Le Devoir, font aussi écho à ce que je dénonçais moi-même dans ce billet publié à l'automne dernier, sur les politiques de droite, ce qu'elles impliquent comme consensus passif, et leur échec à assurer une meilleure richesse collective ou à protéger le bien commun.
Certains ont déjà dénoncé le document, s'attaquant principalement à un effet de style (la phrase Nous sommes le peuple), mésinterprétant volontairement cette envolée lyrique signifiant clairement que les signataires se considèrent partie prenante du peuple (par opposition à l'image simpliste "étudiants versus contribuables", alimentée par le PLQ tout le printemps). Aussi, ce "Nous" me paraît inclusif, dans le contexte du manifeste, je me sens part de ce "nous" même si je ne suis pas moi-même étudiant et je suis persuadé que c'est dans ce sens qu'il doit être compris. D'autres ont ajouté leur apport au manifeste en défendant les principes philosophiques et politiques sur lesquels ils s'appuie.
Que l'on soit d'accord ou non avec les actions - ou avec l'idéologie de gauche - évoqués dans le manifeste, il faut reconnaître la cohérence et le souffle de ce mouvement, ainsi que l'élan qui pousse ces étudiants à tenter de convaincre, démocratiquement, les gens du bien fondé de leurs idées politiques (pour paraphraser le doctorant en philosophie Renaud Picard).
Poursuivre un idéal politique est tout sauf risible, tout sauf cynique. On devrait tous saluer cette bouffée d'air frais dans le débat politique québécois, peu importe nos opinions* sur les questions que ce manifeste soulève.
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* Bien que j'imagine sans trop d'effort que le Parti Libéral fera tout pour ridiculiser cet effort et éviter ce genre de débats politiques.