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L’homme, cet apprenti sorcier

Publié le 15 juillet 2012 par Romlor

La prestigieuse revue Science, a finalement publié in extenso un numéro spécial H5N1 présentant les très controversés travaux du virologue néerlandais Ron Fouchier, qui ont abouti à la création d’un virus mutant de grippe aviaire capable de se transmettre d’un individu à l’autre chez les mammifères.

L’affaire débute en septembre dernier, quand Ron Fouchier, un virologue reconnu, annonce ses derniers résultats. Il a réussi à transformer un virus grippal H5N1 (redoutable chez l’humain par sa virulence mais jusqu’ici quasiment incapable de se transmettre entre individus) en un mutant contagieux. Ces travaux ont été menés chez des furets, modèle animal pertinent pour l’étude de la grippe. Dans les médias, Ron Fouchier n’hésite pas à dire que ce mutant figure parmi les virus les plus dangereux au monde.

Depuis 2003, quelque 600 cas d’infections humaines à H5N1 ont été déclarés sur la planète, et 60 % de ces infections ont été mortelles. Peut-on mener des expériences rendant contagieux un germe aussi redoutable, et faut-il les publier ?

De l’avis de nombreux spécialistes, la publication n’a rien d’un manuel pour terroristes et ne permet pas de recréer de manière clandestine le virus.

Pour autant, cet exemple reste édifiant de la capacité humaine à jouer avec le feu, en l’occurrence le risque d’une grave pandémie. L’homme ne serait il finalement qu’un loup pour lui-même comme le pensait Thomas Hobbes ?

Plus encore, ces recherches reposent la question soulevée par le sociologue Max Weber il y a près d’un siècle dans son livre Le Savant et le politique.

Dans cet ouvrage, Weber distinguait les deux formes d’éthiques qui se posent à tout scientifique, comme à tout politique : l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité.

L’éthique de conviction suppose que la fin dépasse les moyens. Ceux qui agissent selon une éthique de conviction sont certains d’eux-mêmes et agissent doctrinalement, quelles qu’en soient les conséquences. L’éthique de responsabilité en revanche repose sur l’acceptation de répondre aux conséquences de ses actes.

Cette simple distinction, cette leçon de Weber, est toujours autant d’actualité. Elle doit guider l’action publique, elle doit également guider les scientifiques dans leurs recherches. Une recherche sur un virus mortel, sur l’amélioration du génome humain, sur la lutte contre le vieillissement, pour ne citer que quelques exemples, sont autant de défis scientifiques lourds de conséquences pour la vie humaine.

L’homme aura toujours besoin de régulation, d’éthique, pour gouverner ses actes. La France consacre cette éthique de responsabilité par le principe constitutionnel de précaution, souvent critiqué, souvent accusé de brider la recherche et l’innovation, mais aussi rempart protecteur contre nos excès d’apprenti sorcier.


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