Faisant suite à la proposition de loi du Sénateur Jean-Pierre Godefroy de Janvier 2011 puis de celle du Sénateur Roland Courteau de Juin 2012, vient d’être déposé le texte d’une nouvelle proposition de loi le 3 Juillet 2012 par le Sénateur Alain Fouché. Le texte de cette dernière proposition n’est pas encore disponible sur le site du Sénat, mais on peut noter que son auteur avait déjà rédigé une proposition sur le même sujet en Octobre 2008, laquelle avait été l’un des trois textes, avec ceux des Sénateurs Jean-Pierre Godefroy et Guy Fischer, à partir desquels avait été bâtie sous l’égide de Jean-Pierre Godefroy la proposition commune de Janvier 2011 rejetée en première lecture le 25 Janvier 2011.
Dans cette entreprise sénatoriale au long cours, se poursuit ainsi le cycle des propositions de loi déposées par un certain nombre de sénateurs pour lesquels le projet de légalisation de l’euthanasie leur tient à cœur et pour qui le rejet de leurs propositions n’est jamais qu’une étape sur le chemin de leur acceptation. Afin de clarifier les étapes de cette course à la fois de fond et de relais, le récapitulatif suivant mentionne pour chacun des auteurs de proposition de loi d’une part son parti politique d’origine, et pour le Sénateur Alain Fouché son implication particulière sur le sujet marquée par ses fonctions de Vice-Président de l’ADMD (Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité) :
- 28 Octobre 2008 : relative à l’aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés N° 65 (2008-2009), Alain Fouché (UMP, ADMD)
- 12 Juillet 2010 : relative à l’aide active à mourir N°656 (2009-2010) relative à l’aide active à mourir, Jean-Pierre Godefroy (PS)
- 13 Octobre 2010 : relative à l’euthanasie volontaire N° 31 (2010-2011), Guy Fischer (PC)
- 18 Janvier 2011 : relative à l’assistance médicalisée à mourir, proposition commune, Rapporteur de la commission : Jean-Pierre Godefroy (PS) (rejet par le Sénat en première lecture le 25 Janvier 2011)
- 31 Janvier 2011 : relative à l’assistance médicalisée à mourir N° 312 (2011-2012), Jean-Pierre Godefroy (PS)
- 8 Juin 2012 : relatif à l’assistance médicalisée pour mourir et à l’accès aux soins palliatifs N° 586 (2011-2012), Roland Courteau (PS)
- 3 Juillet 2012 : visant à légaliser une aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés N° 623 (2011-2012), Alain Fouché (UMP, ADMD)
Sans préjuger de l’avenir, la constance de ce cycle laisse à parier sur le dépôt d’une probable prochaine proposition de loi de la part du Sénateur Guy Fischer.
Toutefois, en l’absence de modification notable des textes proposés, et quelle que soit la persistance de la bonne volonté de leurs auteurs, les mêmes arguments ayant fait rejeter leurs précédentes tentatives risquent de bloquer à nouveau leurs nouvelles propositions. Aussi, le Groupe Charon se propose de mettre sa capacité d’analyse et de proposition au service d’une mise en forme de ces propositions plus à même de déborder les objections antérieures et de drainer l’approbation. C’est dans cet esprit qu’est ainsi abordée la réflexion suivante.
La liberté euthanasique est principalement entravée par la crainte que le candidat à l’euthanasie puisse ne pas disposer des informations complètes lui permettant de former son jugement, en particulier de celles lui permettant de poursuivre une vie non grevée de la perte de sens qu’il éprouve et le pousse à s’en détacher. C’est à cet effet que les textes antérieurs définissent des conditions légitimant ce choix, en l’occurrence par la recherche d’arguments médicaux authentifiant une situation de fin de vie de fait. C’est au même effet qu’ils mentionnent un document préalablement rédigé par le candidat et par le témoignage de plusieurs observateurs attestant d’un choix libre et éclairé.
La liberté euthanasique est également entravée par un souci qu’elle ne s’applique que lorsque la mort est proche, ce qu’authentifient les constats médicaux, comme si la crainte que cette liberté ne soit effectivement utilisée avait moins d’autant moins d’importance que la mort, qu’elle soit volontaire ou naturelle, doit de toute façon survenir dans le même ordre de délai.
La liberté euthanasique est enfin entravée par la crainte que l’officiant euthanasiant puisse aller au-delà d’une pratique sur les seuls candidats volontaires. C’est à cet effet que la pratique de l’acte est limitée au seul corps médical, supposé guidé par les seules considérations éthiques, et est assortie de contrôles avant et après l’acte par des pairs et par une commission ad hoc documentant et traçant les éléments de l’acte.
Mais quels que soient les procédures et les contrôles, aucun ne sera jamais suffisamment fiable pour garantir d’une part qu’aucun oubli ou qu’aucune omission ne seront pas venus fausser le caractère libre et éclairé du choix du candidat, d’autre part que la volonté du candidat n’aura pas évolué entre sa dernière confirmation et le moment de l’acte, et enfin qu’aucune intention malveillante de la part d’un officiant ne pourra être couverte par le respect de la forme d’une procédure.
De plus, limiter l’exercice d’une liberté aux seules situations dans lesquelles cet exercice est équivalent à son absence, en l’occurrence aux seules situations dans lesquelles la survenue spontanée de la mort peut survenir dans le même ordre de délai que la mort volontaire, est de fait une négation de la liberté qui est apparemment proclamée, lui ôtant dès lors toute portée, et incitant au rejet de la démarche.
Ce sont fondamentalement ces obstacles qui sous-tendent les échecs des propositions antérieures de légalisation d’une forme ou d’une autre d’euthanasie, et qui devront être surmontés pour que la liberté euthanasique puisse avoir une chance de trouver le support d’une évolution législative.
Le premier obstacle serait pourtant aisément contournable par le simple fait de poser, à l’image de la réglementation sur les prélèvements d’organes après décès stipulant l’accord implicite du donneur potentiel sauf mention expresse de sa part avant son décès, que tout citoyen est en droit de bénéficier d’une euthanasie sauf mention expresse de sa part exprimant son renoncement à ce droit.
Par le simple principe fondamental du droit que nul n’est censé ignorer la loi, la question du choix libre et éclairé tomberait dès lors d’elle-même : la liberté est inhérente à la disposition du droit à une mort choisie, et l’éclairement est le fait de la société dont le choix législatif de mettre un droit euthanasique en vigueur est le fruit de la réflexion collective éclairée du législateur.
L’obstacle de l’intention de l’officiant euthanasiant serait pour sa part également contournable en reconnaissant à la société la charge de mettre en place les moyens pour chacun de faire appliquer cette liberté nouvelle, en l’occurrence en définissant l’application de l’acte euthanasiant comme relevant d’une mission de service public. Comme toute mission de service public, celle-ci peut être conférée à une administration spécialement constituée soit déléguée à des opérateurs hors de l’administration mais opérant en son nom, sous son autorité et sous son contrôle. Il est clair que le contexte économique étant peu favorable à la mise en place d’une administration nouvelle, la seconde option représenterait la solution la plus adaptée, suivant entre autres exemples les expériences de délégation de service public à des entreprises de droit privé comme La Poste pour l’acheminement du courrier, la SNCM pour l’entretien de la continuité territoriale sur le transport entre la Corse et la France continentale, ou les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) dans le domaine de la santé.
Une telle organisation permettrait en outre de retirer l’euthanasie de la sphère médicale, évitant par là même toute contrainte de négociation du texte avec l’ordre des médecins appesanti par des considérations éthiques et déontologiques et évitant toutes adaptations des codes et règles afférentes aux professions de santé sous l’effet de la promulgation de la nouvelle réglementation.
Elle permettrait de plus de couvrir les officiants euthanasiants contre toute accusation de meurtre illégitime, les positionnant à l’image du militaire, dans une moindre mesure du policier, du bourreau, dont la fonction de tuer est portée par une mission conférée par la collectivité, seule exception en droit à l’interdit général de tuer.
Enfin, la critique de frilosité portant sur la limitation du droit à l’euthanasie à la présence d’une pathologie incurable, ne présenterait plus de point d’appui si ce droit était reconnu simplement et inconditionnellement. La liberté nouvelle serait alors porteuse d’un contenu réel représentant un véritable progrès du droit et une véritable avancée sociale.
Par cette analyse du mouvement historique qui voit depuis des années les propositions euthanasiques buter contre le mur des conformismes, et par ses propositions concrètes et novatrices, le Groupe Charon souhaite contribuer à faire enfin éclore une société où chacun pourra disposer librement et totalement de son existence, jusqu’à son ultime étape. De cette éclosion dépendra un avenir libéré de souffrances inutiles et injustes. Le Groupe Charon, dans ce grand projet, se tient, avec sa force, son énergie, et ses moyens, au côté de tous ceux qui, représentants du peuple, ont décidé et décideront d’œuvrer avec ténacité dans ce sens.