L'évènement marquant de la semaine devait être social, avec l'organisation d'une Conférence par François Hollande. Social, il le fut, mais dramatiquement social avec l'annonce d'un gigantesque plan de suppressions de postes chez PSA. Et la perspective de la fin de l'euro, était à nouveau dans tous les esprits de nos chers dirigeants européens.
Nous nous félicitions ici même, avec sincérité mais sans enthousiasme,
de la conclusion du dernier sommet européen. François Hollande, Mario
Monti et Mariano Rajoy y avaient décroché de réelles avancées: outre les
120 milliards d'euros de relance, le Fond européen de stabilité
pourrait recapitaliser directement les banques espagnoles, les prémices
d'une union bancaire qui ne voulait pas encore dire son nom.
Lundi dernier, l'administration française est parvenue à emprunter à un taux ... négatif.
Une première ! Et une catastrophe... L'Etat cherchait à emprunter 6,2 milliards d'euros, mais la demande fut si forte, à hauteur de 20 milliards, que les financiers de France Trésor purent négocier à la baisse leur taux, au point d'emprunter à -0,005% (à 3 mois) et -0,006% (à 6 mois). Quelques imprudents se réjouirent qu'une France endettée à 90% de son PIB puisse emprunter ainsi. En fait, la nouvelle était grave, car elle signifiait que les créanciers et spéculateurs de la Planète Finances n'avaient plus confiance en l'Espagne ou l'Italie. Leurs placements se réfugiaient donc en France ou en Allemagne.
La fin de la zone euro était-elle si proche ?
En Allemagne, le conseil des experts économiques du gouvernement a évoqué le risque « d’une crise systémique, qui menace la
survie de la monnaie commune et la stabilité économique de l’Allemagne ». En Espagne, le premier ministre conservateur lançait un nouveau plan d'austérité de 65 milliards d'euros (sic!), et réclamait 60 milliards pour recapitaliser ses banques (dont 30 milliards immédiatement). L'agence Moody's dégradait encore l'Italie. En France, on couinait d'avance à la hausse probable de la CSG, un impôt qui porte pourtant sur la totalité des revenus (travail, capital, patrimoine).
Et l'urgence sociale ?
En début de semaine, François Hollande et Jean-Marc Ayrault avaient reçu les partenaires sociaux et tenu leur grande Conférence Sociale. Deux jours pour lister tous les sujets et caler un planning de négociation pour l'année en cours. L'agenda ne manquait pas de thème: financement de la protection sociale, conditions de travail, égalité homme/femme, réforme des retraites, indexation du SMIC, rémunération des patrons, etc. ce premier Grenelle social de la présidence Hollande nous changeait de l'ancien Monarque. Bien sûr, il manquait de décisions « immédiates et urgentes », comme du temps de Sarko 1er. L'ancien Monarque aimait les annonces davantage que la réflexion.
Jean-François Copé avait distribué quelques éléments de langage à ses ténors. L'UMP tentait péniblement de se re-saisir. On entendit ainsi Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez et même François Fillon s'inquiéter du « temps perdu ». Quand on parle social, certains à droite considèrent toujours qu'il s'agit de temps perdu... Pire, Copé eut l'audace de comparer 2012 à 2007. Ah ! Cet été 2007 ! Quelle période ! La majorité sarkozyste avait voté, en urgence, le renforcement du bouclier fiscal (abrogé en 2011) et du crédit impôt-recherche,, la défiscalisation partielle des intérêts d'emprunts immobiliers (abrogé en 2010), celle des heures supplémentaires (un effet d'aubaine anachronique qui a précipité l'augmentation du chômage), l'exonération de droits de succession des fortunes aisées (écornée en 2011 par Sarkozy lui-même) et la défiscalisation de 50.000 euros d'ISF pour l'investissement dans les PME.
La droite UMPiste était encore en jachère. Tout était de la faute de François Hollande, on dénonce même qu'il rencontre des patrons du CAC40 (Mouarf !). Quelques canards et autres sites s'autoproclamaient leaders de l'opposition comme si la France avait changé en 4 semaines. Cet anti-hollandisme primaire était drôle, presque touchant. La guerre Fillon/Copé battait son plein. Sarkozy reste en retrait, son association d'amis est prête à recevoir des fonds.
Le lobby bancaire s'inquiétait que le plafond du Livret A soit relevé, une mauvaise nouvelle pour d'autres placements plus rémunérateurs pour la filière bancaire.
A l'inverse, à gauche, l'impatience était palpable. On était heureux d'entendre Ayrault promettre la présence des représentants de salariés dans les comités de rémunérations des entreprises, mais on voulait quelques signes que le menu de l'année ne serait pas que rigueur et austérité.
Jeudi, la confirmation est tombée comme un pavé dans la marre.
PSA allait supprimer 8.000 emplois et fermer la mythique usine d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). En Bourse, le titre Peugeot s’est envolé après l’annonce, avant de rechuter vendredi. Nicolas Sarkozy, quand il était Monarque, avait promis que la C3 de Peugeot serait fabriquée à Aulnay jusqu'en 2013 inclus... Il avait raison, l'usine ne fermera qu'en 2014. Au gouvernement, le ministre du redressement productif se précipita pour déclarer qu'il n'acceptait pas le plan de PSA. L'entreprise avait bénéficié de 4 milliards d'euros d'aides et allègements de charges ces dernières années... Sarkozy adorait louer le patriotisme industriel du fabricant, qu'il opposait régulièrement à Renault accusé de délocaliser trop fortement sa production à l'étranger. Sa prime à la casse fut un cache-misère provisoire: « Depuis 2010, on a délibérément mis sous le tapis ou masqué la réalité d’une entreprise qui perdait de l’argent. » commenta Benoît Hamon, ministre de l’Economie sociale et solidaire. Son collègue du Travail a nommément accusé Sarkozy d'avoir fait pression sur le président du Directoire de Peugeot pour qu'il retarde l'annonce de ce plan social après les élections.
Effectivement, l'ancien Monarque avait rencontré Philippe Varin huit jours avant le premier tour de la présidentielle. Bizarrement, cet entretien n'avait donné lieu à aucun commentaire. Vendredi 13 juillet sur France Inter, le directeur des marques de PSA confirmait la manipulation: « On n'allait pas mettre ceci sur la table pour en faire un enjeu de la campagne électorale ». En novembre dernier, un autre entretien entre Sarkozy et Varin, toujours à huit-clos, avait donné lieu à une édifiante et définitive communication de Nicolas Sarkozy. PSA fut interdit d'annoncer les 5.000 suppressions de postes qu'elle projetait, et Sarkozy assura que
les « 2.000 salariés du groupe les plus directement concernés par ce
projet seront tous reclassés ». Le président Varin confirma: . Il préférait fustiger le coût du travail en France (« le plus cher en Europe »), et appeler le gouvernement « baisser les charges qui
pèsent sur le travail de manière massive ». Lui-même, d'après le rapport annuel de l'entreprise en 2010, gagnait 9.000 euros... par jour.Lui-même, rappelaient les Décodeurs du Monde, se trompait lourdement dans ses affirmations: le coût du travail dans l'automobile est plus élevé en Allemagne qu'en France.
Plus globalement, quelque 60.000 licenciements du secteur marchand étaient craints d'ici la fin de l'année.
De tout cela, la presse officielle en parla un peu, quand même. Mais pas tant que cela. Le Point s'enthousiasmait pour une prétendue révélation « décapante » de Thomas Hollande sur la compagne de son père. L'Express consacrait son dossier de la semaine au « train de vie du pouvoir socialiste». Paris Match flashait sur Claire Chazal. Il fallait vendre du papier. Et le futile se vend mieux que l'essentiel.
Triste France.
Credit illustration: Getty Images/Ian McKinnell