1 - La «règle d’or», cercueil de plomb pour l’économie française
Il aura fallu deux ans, entre 1981 et 1983, à François Mitterrand pour sacrifier sa politique de relance sur l’autel de la «rigueur». Il aura fallu deux mois à Lionel Jospin, en 1997, pour escamoter sa volonté de réorientation de la politique économique européenne. Le «pacte de stabilité» du traité d’Amsterdam s’était alors transformé en «pacte de stabilité et de croissance» sans aucune modification réelle. François Hollande aura baissé pavillon moins de deux semaines après la victoire socialiste aux législatives en se ralliant à la «règle d’or». Record battu !
Notre président se contenterait bien d’une loi organique, mais il lui faudra sans doute lui conférer valeur constitutionnelle. D’éminents juristes planchent donc sur la question. C’est un reniement total de ses promesses de campagne que le faux plan de relance adopté il y a quinze jours à Bruxelles peine à justifier.
Le soutien de la droite parlementaire sur ce sujet pourrait au moins lui éviter un périlleux recours au référendum. Faut-il se réjouir de ce début de consensus ? Certes non.
Loin de nous la volonté de défendre le laxisme dans la gestion publique, l’empilement de structures qui fait de la France un des pays les plus sur-administrés du monde, le clientélisme généralisé, organisé sous le couvert de l’Etat, les multiples et redondantes collectivités locales ou les corporations en tous genres. La France ne pourra échapper au déclin qu’en faisant fondre cette mauvaise graisse, de manière bien plus déterminée que ne le permettent les mesures hypocrites annoncées par le nouveau pouvoir. Mais l’adoption de la règle d’or est-elle la bonne solution ? Ce corset contraindra-t-il notre pays à se réformer ? Nous y voyons plutôt un plâtre posé sur une gangrène.
Car cette contrainte budgétaire accrue ne règlera en rien le problème de la gestion du taux de change de l’euro, pourtant fondamental. Pour la plupart des pays de l’Euroland, l’euro est aujourd’hui grandement surévalué, aggravant singulièrement leurs difficultés. Les Américains, les Chinois et tous ceux qui ont intérêt à ce que l’Europe ne les concurrence pas trop s’ingénient à faire perdurer cette situation. Gros problème : les Allemands ne font rien pour la combattre car ils ont réussi, en délocalisant une part importante de leur production en Europe de l’Est (hors zone euro donc) ; en entreprenant il y a maintenant près de dix ans des réformes structurelles destinées à faire baisser le coût de leur travail et en profitant de leur avantage de compétitivité sur les pays d’Europe du Sud qui partagent la même monnaie, à s’accommoder de cette situation. Inutile de stigmatiser sans fin les FPIGS (France, Portugal, Italy, Greece, Spain) qui ont abusé des facilités de crédit de l’euro pour entretenir leurs mauvaises habitudes et leurs systèmes politiques et sociaux sclérosés : le mal est fait, le temps perdu très difficilement rattrapable en raison des ravages de la désindustrialisation et il ne sert à rien de ramener ces mauvais élèves à la discipline budgétaire tout en perpétuant pareils handicaps de taux de change.
Dans ce régime corseté, avec des marges de manoeuvre monétaires et financières restreintes et sans guère de moyens pour augmenter notre productivité par l’investissement, nous nous trouverons face à une économie-centre située en Allemagne qui amènera les systèmes périphériques, à l’Est et au Sud, à une situation de territoires affectés à la sous-traitance et aux loisirs.
Il faudra que les Espagnols, les Italiens et les Français s’alignent progressivement sur les conditions de rémunération et de travail des Tchèques, des Polonais et des Slovaques.
Surtout ne dites pas à M. Montebourg que la Dacia est l’avenir de l’industrie automobile française, il se croit redresseur productif dans le haut-de-gamme !
2 - La « Poires-conférence »
Discuter des mérites respectifs de la lance et du seau, de la longueur adéquate des échelles et de l’opportunité de l’usage de la neige carbonique en immeuble d’habitation pendant que l’incendie fait rage : voilà à quoi ressemblent les grandes palabres lancées ces jours derniers sous le nom de conférence sociale.
La gauche française aime ce genre de colloques où le débat renvoie à la concertation qui conduit à la discussion pour poursuivre le dialogue. Des hiérarques du parti y sont secondés par des « facilitateurs » de la haute administration face à des syndicats dont la faible représentativité n’a d’égale que leur degré de subvention par l’Etat. C’est un monde de l’entre-soi, un jeu de barbichette où gouvernement et partenaires sociaux s’efforcent de ne pas rire ou protester en premier. L’important est d’entretenir toutes sortes d’illusions pour que la «base» ne s’agite pas trop et que les ménages ne réalisent pas qu’ils seront ponctionnés afin que le système reste en l’état. On entend même le Premier ministre, en ces temps où il faudrait alléger les dépenses publiques, envisager la création d’un : «Conseil ou un Commissariat du dialogue social et de la prospective» !
C’est sous hypnose qu’il nous est donc expliqué qu’on reparlera plus tard, toujours plus tard, du financement des retraites ou de la hausse de la CSG. Pendant ce temps les décisions s’élaborent dans le secret des ministères. Cette grande pondération au service d’une grande duplicité peut-elle fonctionner ? La partition eût été jouable quelque temps, avec la complicité des appareils et des médias, si la grosse caisse de la crise mondiale n’allait se faire brutalement entendre. Les arrangements hypocrites et les faux-semblants ne seront d’aucune utilité quand le PIB reculera et que le chômage fera plusieurs dizaines de milliers de victimes supplémentaires chaque mois.
La «méthode» Hollande, stade terminal du conformisme mortifère qui frappe la classe dirigeante française, arrive trop usée dans une France trop malade.
3 - Migaud et les nigauds
Au grand dam des socialistes, le rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques a plutôt épargné les précédents gouvernants, soulignant quelques efforts de redressement des comptes publics menés depuis deux ans. La chanson du bilan désastreux et du passif accablant va donc être difficile à entonner dans les mois qui viennent. Cette déconvenue est d’autant plus gênante pour le nouveau pouvoir, qu’avec l’ancien député PS Didier Migaud à la tête de la haute juridiction financière, ils ne peuvent accuser cette institution de sarkozysme militant.
La réalité est plus simple : le rapport en question n’est pas l’oeuvre de son seul Premier président, loin s’en faut. Délibéré par plusieurs dizaines de conseillers-maîtres, son contenu pouvait difficilement se plier à une manoeuvre partisane. Ce fut une erreur, pour François Hollande, de confier à une formation collégiale de ce type la rédaction d’un audit dont l’objectif était de charger la barque sarkozyste.
4 - Histoires d’eaux
Le chef de l’Etat faisait une plongée en sous-marin nucléaire le lendemain du jour où son premier ministre noyait l’Assemblée nationale dans un discours fleuve : les deux rameurs de l’exécutif avaient choisi des combinaisons différentes pour passer sous la ligne de flottaison. Le président anormalement normal cherche-t-il à bâtir ainsi une digue contre l’impopularité ? Les militaires boiront-ils sans rechigner le bouillon d’une austérité dont ils seront les premières et principales victimes dans l’appareil d’Etat ? Pas facile de nager en eaux troubles ...
5 - Christiane Taubira ministre de la Culture, des Sports et de la Justice ?
Au sujet des victimes de la première fusillade de Lille, auprès de qui elle ne s’est guère manifestée, Christiane Taubira a fait savoir que : «Ses conseillers avaient pris divers contacts, notamment pour avoir des informations sur les victimes et sur les familles». Espérons qu’il ne s’agissait pas de remplir des fiches de signalement !
«J'ai donné des consignes de discrétion et de pudeur à mes équipes, parce que les victimes nous prenons leur attache, nous écoutons leurs demandes, nous apportons nos réponses, mais nous ne théâtralisons pas nos actions" a poursuivi la ministre pour justifier son absence à leurs côtés.
Pas de théâtre donc. Mais elle honorait au même moment de sa présence de Garde des sceaux un concert donné à des détenus. Serait-ce une préférence pour la musique plus que pour la tragédie ? Cette abolition des frontières entre pénal et culturel avait déjà été précédée, quelques semaines plus tôt, par une incursion ministérielle en territoire sportif quand un prisonnier avait pris la poudre d’escampette lors d’un match de basket, toujours en présence de Madame Taubira. Notre ministre s’ennuierait-elle dans l’exercice de ses attributs régaliens ? Serait-elle plus efficace pour garder les sceaux que les détenus ?
Puisqu’il s’agit aujourd’hui d’économiser sur les dépenses gouvernementales, lui confier un ministère de la Culture, des Sports et de la Justice paraît approprié