Ce nouveau monde dans lequel nous entrons est passionnant parce qu'il nous renvoie à la profondeur de nos attachements vitaux : terre, racines, foi, amitiés, culture. Comment nous construisons-nous dans ce réseau complexe? Cette toile de liens tissée au fil d'une histoire qui nous dépasse et par une succession de choix plus ou moins volontaires n'est-elle pas perçue comme un vaste champ de barbelés qui nous arrachent les ailes? Mais n'est-ce pas aussi la chance de notre vie pour marcher sur un chemin singulier qui nous conduit pas à pas des entrailles maternelles aux entrailles du ciel? Dans les ondes de l'invisible l'universel porte un sobriquet aux accents charnels et intime, j'en suis persuadé. La cime d'un cèdre caressée par le vent du globe ne doit son existence qu'au réseau de résistances caché sous terre qui se nourrit des larmes du ciel. L'universel n'est pas un gros mot sorti tout droit des cabinets aseptisés des idéologies du XXème siècle. C'est sans doute l'intuition la plus noble enfoui au fond de l'homme par la nature. Le souci c'est peut être de relier cette aspiration quasi divine à notre petite vie de pauvre type aux horizons étriqués.
Il suffit peut être d'oser. Avoir l’audace de tracer des ponts entre ciel et terre pour réunir les paradoxes, concilier les contraires et faire jaillir l’impossible. Il y a quelques jours, j’ai été touché par l’itinéraire de Rachida Brakni et son rapport mystérieux et ressourçant à ses veines algériennes. Aujourd’hui je veux vous parler de Sébastien Bertrand. Ce jeune artiste de Vendée né à Beyrouth au Liban le 23 janvier 1973. Adopté à l’âge de 9 ans par une famille du marais vendéen breton, le musicien en herbe va grandir dans les parfums des traditions et du folklore local. Il va s’en imprégner et faire de cette sensibilité musicale la matrice de son rayonnement artistique.
A 36 ans, il monte un spectacle : « le Chemin de la Belle Etoile ». Le nom de la rue de ses parents à St Jean de Mont. Mais aussi l’expression qui remonte à la surface pour qualifier le sillon qu’il a petit à petit tracé dans le champ du ciel entre sa terre natale et son pays vital. Entre le pays du cèdre et le marais des genêts. La « Charente Libre » relatait l’an dernier dans ses colonnes : « Sur des textes ciselés par son pote Yannick Jaulin, il raconte la nécessité de dire les retrouvailles, le bonheur d'être à la fois d'ici et de là-bas. Avec des notes de musique, des mots, ses mots, ses émotions. Pas un roman, mais une belle histoire. »
Il ajoute que les textes livrés à son public « portent l’ambiguïté » de son histoire. Son spectacle renvoie au « questionnement sur soi, sur ses racines et même à l’universel ». Cet enfant de France raconte son histoire qui est aussi celle de ses parents, ceux qui l’ont aimé et qui l’ont fait grandir. « C’est un grand partage » conclut-il.
Ce musicien original, je l’ai découvert au hasard d’un film : « Les vendéens » de Jacques Dupont, diffusé pour la première fois en 1993 sur France 3. En apprenant qu’il avait composé une partie de la bande son de ce très beau film documentaire sur « les guerres de Vendée », j’ai eu le désir d’en savoir plus sur celui qui faisait vibrer mon âme au son des cornemuses et des mélodies atlantiques. Vous savez tout.
Je suis un gars de Touraine et fier de l’être. Mais mon caractère et les voyages de mon enfance ont enclin mes regards à se tourner vers l’ouest plutôt que vers l’est. Vers l’océan plutôt que vers le continent. Une attirance pour les marins et leur soif d’infini ? Un attrait pour les plus proches de l’Amérique, la terre de conquête des européens ? Il y a sans doute de cela. Ce n'est sans doute pas un hasard si la sainte de Tours que je préfère et que j'admire est aussi cette « folle de Dieu » qui un jour est partie à la conquête des cœurs de la Nouvelle France. Elle n’est jamais revenue. Elle s’appelait « Marie de l’Incarnation ». Elle avait soif de liberté et de grandeur. Tout comme ces vendéens courageux qui ont déposé, avec leurs forces et leurs faiblesses, en pleine période de terreur, cette très belle offrande à la Liberté que notre drapeau a un jour décidé de porter : « combattus souvent, battus parfois, abattus jamais. »
La liberté est un combat qui se joue au fond de l’être, pas dans un affrontement idéologique. La République française devrait remercier les vendéens pour leur génie.