A l’occasion de son discours d'ouverture de la conférence sociale du lundi 9 juillet, le président de la République a annoncé qu’il était à la recherche d’un compromis « qui permettra à notre pays de sortir par le haut des épreuves qu'il traverse ». Il a conclu l’énumération des chantiers urgents en affinant sa vision du compromis : «L'idée que je lance est celle du compromis positif».
Par cette formule inattendue qui interroge la notion même de compromis, c’est-à-dire un arrangement fait de concessions mutuelles, qui aboutit à un état intermédiaire qui ne rend heureux personne, le Président se place comme celui qui cherche l’équilibre. Voulait-il dire que le compromis qu’il appelle sera presque parfait ou qu’il sera une cote mal taillée ? Le compromis en règle générale met à jour des oppositions voire des divergences que les partenaires, dans un souci d’intérêt général, décident de taire. Avec ce terme qui associe équilibre à arbitrage l’adjonction d’un adjectif s’avère délicat. Un compromis négatif pourrait-il être mis en avant ? Il est possible d’en douter surtout dans le cadre de la communication publique où il est de l’intérêt de toutes les parties (et de tous les partis) de faire apparaître les résultats comme des succès. On voit mal les chargés de communication du gouvernement se laisser aller à se satisfaire d’un compromis au-dessous de zéro. Ce serait donner des billes à l’opposition. Il reste qu’un compromis n’est jamais flamboyant, c’est plus de l’eau tiède qu’une cascade échevelée.
Les internautes et les médias ont souligné de concert leur surprise qui découle de cette annonce pleine néanmoins de positivité. En s’invitant dans la langue du pouvoir, ce compromis positif reste une énigme rhétorique. C’est en effet courir le risque de se couvrir d’erreur honteuse que de chercher de quoi ce syntagme est le nom. C’est presque s’engager dans une bataille d’Hernani que de qualifier de quel trope relève ce duo improbable, véritable hologramme rhétorique qui évolue au gré du regard porté sur lui. Tout en étant un bijou plein de brillance et un météore dévastateur, compromis positif en dit long sur l’effort de communication auquel sont soumis les politiques. La recherche permanente de la formule adaptée à la situation, mémorisable par tous, porteuse de sens pour chacun, révélatrice des intentions et annonciatrice de la suite ne peut être que le fruit de néo-alchimistes à la recherche de l’or des mots.
Cette quête incessante du graal communicationnel a au moins un côté positif : il va falloir recruter, comme promis, sans compromission, des chercheurs en innovation lexicale. C’est une bonne nouvelle pour la jeunesse qui va trouver matière à positiver.
Par un souci de compromis avec le temps, ce billet est le dernier avant les vacances. Prochaine chronique le jeudi 13 septembre.