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Jean-Henri Favre

Publié le 13 juillet 2012 par Corboland78

120713 Jean-Henr Fabre.jpgUn entrefilet dans un magazine m’avait informé que le Muséum d’Histoire Naturelle organisait une exposition sur Jean-Henri Favre, aussi dès que j’en ai eu l’opportunité je n’ai pas manqué d’aller y faire un saut.

Las ! Quelle déception fut la mienne devant ce trois fois rien réparti dans deux petites salles. Quelques lettres, des exemplaires d’éditions originales de ses ouvrages, plusieurs portraits de l’homme, une photographie en couleur de son cabinet de travail de l’Harmas et un cahier manuscrit autographe, c’est à peu près tout avec une pleine page du journal l’Excelsior datée du 7 août 1913 relatant la visite du ministre de l’Instruction Publique Thierry, venu rendre hommage au grand homme. Pour ceux qui seraient néanmoins intéressés par cette exposition, elle dure jusqu’au 8 octobre et ça se passe au 57 rue Cuvier, Paris V, à côté de la ménagerie du Jardin des Plantes.  

Si vous me lisez régulièrement, à chaque fois que je rédige un billet sur les insectes que je photographie lors de mes balades, je tâche d’y glisser un extrait des Souvenirs entomologistes de Jean-Henri Favre. Tous ceux qui s’intéressent aux insectes connaissent l’entomologiste, célèbre pour ses observations in vivo de ces petites bestioles. Voici un court extrait de sa biographie d’après Wikipedia :

« Jean-Henri1 Casimir Fabre, né le 21 décembre 1823 à Saint-Léons du Lévézou (Aveyron), mort le 11 octobre 1915 à Sérignan-du-Comtat (Vaucluse), est un homme de sciences, un humaniste, un naturaliste, un entomologiste éminent, un écrivain passionné par la nature et un poète français, lauréat de l'Académie française et d'un nombre élevé de prix. Il peut être considéré comme l'un des précurseurs de l'éthologie, science du comportement animal, et de l'écophysiologie. Ses découvertes sont tenues en haute estime en Russie, aux États-Unis et surtout au Japon où Jean-Henri Fabre est considéré comme le modèle accompli de l'homme de sciences et de l'homme de lettres réunis et, à ce titre, est au programme des enseignements de l'école primaire.

En mars 1879, grâce à l'argent que lui rapporte la vente de ses livres, Fabre achète une superbe propriété à huit kilomètres d'Orange sur une terre non cultivée, qu'il nomme L'Harmas, à la sortie du village de Sérignan-du-Comtat. Il va pouvoir enfin, dans cette nouvelle demeure, se consacrer à son rêve de toujours, l'observation des insectes et faire de l’Harmas de Sérignan le premier laboratoire vivant de la nature et de l’entomologie. »

De ses observations faites à l’Harmas il tirera matière à rédiger son énorme ouvrage de souvenirs. Ses écrits ont été édités dansla collection Bouquins, deux tomes de mille pages chacun (!!) et présentés dans un coffret – du moins est-ce ainsi que se présente mon exemplaire de 1994. Je sais qu’une telle quantité de lecture peut dérouter, mais en dehors du fait qu’on peut y piocher en fonction de l’intérêt porté à tel ou tel insecte (mais pas que, il y a aussi des oiseaux et des végétaux), le livre n’est pas un ouvrage scientifique dans le sens péjoratif (scolaire et lourd à digérer), bien au contraire, il se lit comme un récit merveilleusement écrit et plein de poésie, hymne à la nature et àla vie. Sanschercher à vous convaincre – ce n’est jamais mon but ici, éventuellement j’indique des pistes à suivre – je vous conseille fortement d’y jeter un œil, et pour les plus malins d’entre vous, on peut trouver le texte complet en version PDF gratuitement sur le Net …

Voici un extrait du texte de Favre tiré du chapitre où il parle de son installation à l’Harmas, alors qu’il a déjà 56 ans :

« C’est là ce que je désirais, hoc erat in votis : un coin de terre, oh pas bien grand, mais enclos et soustrait aux inconvénients de la voie publique ; un coin de terre abandonné, stérile, brûlé par le soleil, favorable aux chardons et aux hyménoptères. Là, sans crainte d’être troublé par les passants, je pourrais interroger l’Ammophile et le Sphex, me livrer à ce difficultueux colloque dont la demande et la réponse ont pour langage l’expérimentation ; là, sans expéditions lointaines qui dévorent le temps, sans courses pénibles qui énervent l’attention, je pourrais combiner mes plans d’attaque, dresser mes embûches et en suivre les effets chaque jour, à toute heure. Hoc erat in votis ; oui, c’était là mon voeu, mon rêve, toujours caressé, toujours fuyant dans la nébulosité de l’avenir. Aussi n’est-il pas commode de s’accorder un laboratoire en pleins champs, lorsqu’on est sous l’étreinte du terrible souci du pain de chaque jour.

Quarante ans j’ai lutté avec un courage inébranlable contre les mesquines misères de la vie ; et le laboratoire tant désiré est enfin venu. Ce qu’il m’a coûté de persévérance, de travail acharné, je n’essayerai pas de le dire. Il est venu, et avec lui, condition plus grave, peut-être un peu de loisir. Je dis peut-être, car je traîne toujours à la jambe quelques anneaux de la chaîne de forçat. Le voeu s’est réalisé. C’est un peu tard, ô mes beaux insectes ! Je crains bien que la pêche ne me soit présentée alors que je commence à n’avoir plus de dents pourla manger. Oui, c’est un peu tard : les larges horizons du début sont devenus voûte surbaissée, étouffante, de jour en jour plus rétrécie. Ne regrettant rien dans le passé, sauf ceux que j’ai perdus, ne regrettant rien, pas même mes vingt ans, n’espérant rien non plus, j’en suis à ce point où, brisé par l’expérience des choses, on se demande s’il vaut bien la peine de vivre.

Au milieu des ruines qui m’entourent, un pan de mur reste debout, inébranlable sur sa base bâtie à chaux et à sable ; c’est mon amour pour la vérité scientifique. Est-ce assez, ô mes industrieux hyménoptères, pour entreprendre d’ajouter dignement encore quelques pages à votre histoire ? Les forces ne trahiront-elles pas la bonne volonté ? Pourquoi aussi vous ai-je délaissés si longtemps ? Des amis me l’ont reproché. Ah ! Dites-leur, à ces amis, qui sont à la fois les vôtres et les miens, dites-leur que ce n’était pas oubli de ma part, lassitude, abandon ; je pensais à vous ; j’étais persuadé que l’antre du Cerceris avait encore de beaux secrets à nous apprendre, que la chasse du Sphex nous ménageait de nouvelles surprises. Mais le temps manquait ; j’étais seul, abandonné, luttant contre la mauvaise fortune. Avant de philosopher fallait-il vivre. Dites leur cela et ils m’excuseront.

D’autres m’ont reproché mon langage, qui n’a pas la solennité, disons mieux, la sécheresse académique. Ils craignent qu’une page qui se lit sans fatigue ne soit pas toujours l’expression dela vérité. Sije les en croyais, on n’est profond qu’à la condition d’être obscur. Venez ici, tous tant que vous êtes, vous les porte-aiguillon et vous les cuirassés d’élytres, prenez ma défense et témoignez en ma faveur. Dites en quelle intimité je vis avec vous, avec quelle patience je vous observe, avec quel scrupule j’enregistre vos actes. Votre témoignage est unanime : oui, mes pages non hérissées de formules creuses, de savantasses élucubrations, sont l’exact narré des faits observés, rien de plus, rien de moins ; et qui voudra vous interroger à son tour obtiendra mêmes réponses. »


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