Blogs de gauche : un contre-pouvoir quand même ?

Publié le 13 juillet 2012 par Omelette Seizeoeufs
 

Ou plutôt contre-média.

Récemment, j'ai rencontré, en chair et en os, Marc Vasseur, que connais depuis cinq ans, virtuellement, comme tous mes amis blogueurs. C'était la première fois que je serre la main à une personne que je connais grâce à la blogosphère. C'était la confirmation que les amitiés virtuelles ne sont pas, en fait, virtuelles, du moins quand il s'agit de gens qui s'engagent dans l'écriture et la durée.

En tout cas, l'un des sujets que nous avons abordés, c'était celle de la raison d'être du blog de gauche, dès lors qu'il n'y a plus un pouvoir de droite à combattre. Bien sûr, personne ne sait quel est le véritable poids des blogs à l'intérieur du grand jeu de la démocratie : quelque part entre "aucun" et "on ne sait pas". Je finis par conclure qu'en l'état actuel les blogs (et leurs blogueurs) ne constituent pas une force politique, mais sont plutôt un média, et c'est pour cette raison que les politiques et les médias ne peuvent pas nous ignorer, et sans pour autant nous reconnaître quoi que ce soit. On finit même par se rendre compte que les "réseaux sociaux" finissent par alimenter les blogs, ou s'alimenter avec le contenu des blogs.

Admettons donc que cela sert à quelque chose d'avoir une blogosphère. Ce n'est pas si fantaisiste : le fait que sommes lus, parfois courtisés ou exploités laisse quand même penser que tout ce bruit aboutit quelque part.

 

Pendant le quinquennat de Sarkozy, le blogueur de gauche avait deux possibilités qui en général se complétaient parfaitement : taper sur Sarkozy (ou Hortefeux, Besson, Lagarde, Copé, etc.) et taper sur une partie de la gauche, ou, le plus souvent, sur quelque morceau du PS, soit pour en défendre un autre, soit pour regretter que le PS n'était pas plus ci, ou ça, plus apte à gagner en 2012, par exemple. Je me mettrais surtout dans cette dernière catégorie, avec quelques tentatives de défense de Ségolène Royal après sa défaite en 2007 et autour du congrès de Reims en 2009.

Pour le blogs plutôt PS, la campagne présidentielle et la nécessité absolue de l'emporter, ont enfin mis tout le monde sur à peu près la ligne. Hollande a gagné, puis le PS a battu l'UMP aux législatives. Depuis, nous assistons au début du véritable exercice du pouvoir, et nous nous intérrogeons sur notre rôle.

J'écrivais dernièrement :

  • D'abord je me suis dit : "ça y est, la droite est défaite, maintenant on va passer notre temps à se disputer avec les Front de Gauche".
  • Un peu plus tard, je me suis dit : "ça y est, le pouvoir est assuré pour cinq ans, on va revenir à l'occupation habituelle d'un blog de gauche, c'est-à-dire qu'on va tirer le PS."

Ma conversation avec Marc m'a replongé dans cette réflexion. J'en arrive à plusieurs constatations :

  • Les blogs ne doivent rien au PS. Le moment est derrière nous où la fidélité et l'engagement derrière le parti comptaient pour quelque chose. On a gagné. La course est terminée, le pouvoir assuré pour cinq ans. La lutte contre la droite n'a plus la même importance.
  • Ils n'ont pas à devenir le service d'ordre blogosphérique du PS, ni même un organe de transmission d'éléments de langage. En faisant ainsi, ils perdent peut-être leur crédibilité, sûrement leur intérêt.
  • Le pouvoir est à gauche pour cinq ans, et le fait d'être à gauche ou de gauche ne lui donne pas un blanc-seing.
  • A cela s'ajoute une dernière remarque évidente, à savoir que la droite et les médias existent encore, avec leurs appétits pour la confusion et les raccourcis. Le PS sous Hollande va très certainement faire des choses bien, que nous serons fiers de défendre. Cela va de soi.

     

    La différence aujourd'hui, c'est que le pouvoir est de gauche : c'est le troisième point plus haut. C'est à mon avis une différence capitale. D'une part, ce pouvoir dispose de capacités de communication et d'influence que, dans l'opposition, le PS n'avait pas. L'utilité des blogueurs, si on admet qu'elle existe, est de ce fait réduite.

    Mais surtout, notre esprit critique doit continuer à fonctionner vis-à-vis du pouvoir, qu'il soit de droite ou de gauche. Aujourd'hui c'est le PS qui bénéficie du pouvoir quinquadenassé ; cette certitude de gouverner pendant cinq ans n'est pas forcément une bonne chose. Il vaut mieux que la majorité présidentielle soit celle de François Hollande que celle de Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé, évidemment. Le problème de la forme de ce pouvoir reste entier, néanmoins.

    Aujourd'hui c'est la gauche qui incarne le pouvoir de l'État, et qui doit composer avec les forces économiques du reste de la planète. Notre esprit critique peut continuer à porter sur la réalité de ces relations. Nous ne sommes pas censés, suite à une transformation miraculeuse le 6 mai, accepter le monde tel qu'il est, sous prétexte que nos champions sont aux manettes.

    Je suis d'ailleurs persuadé que rester critiques est le meilleur moyen de rendre service à la gauche.