Par Mathieu Saint-Jean
Ça fait maintenant plus d’un mois que mon iPod me ramène sans cesse aux plus récentes rééditions de My Bloody Valentine et chaque fois, je suis incapable d’ignorer ses recommandations. Une bonne vingtaine d’années se sont écoulées depuis la sortie de Loveless (Creation, 1991) et malgré tout, ce véritable chef-d’œuvre sonore imaginé par le guitariste Kevin Shields demeure toujours aussi surprenant et intriguant. On pourrait utiliser les prochaines lignes afin revenir sur toutes les légendes connues qui entourent cet album fondamental (investissement de 250 000£, plus de 2 ans en studio et la raison principale derrière la faillite de Creation), mais je préfèrerais plutôt revenir sur certains éléments qui pourraient justifier l’aura de mystère qui plane autour de cet enregistrement qui aura repoussé les limites de la guitare de façon significative.
Si on peut dire que la décennie 70 aura été marquée par des guitaristes plus grands que nature (Jimmy Page, Richie Blackmore, Robert Fripp, Eddie Van Halen, Tom Verlaine…), les choses en auront été tout autrement pour la décennie suivante. Dans la grande majorité des cas, les années 80 resteront une période de surexploitation de claviers aux sonorités plus que discutables. Les guitaristes métal demeurent possiblement les seuls guitaristes (Randy Rhoads, Yngwie Malmsteen, Steve Vai…) qui auront continué à faire raisonner fièrement leurs instruments durant ces années de haute superficialité.
Tout de Loveless était original à l’époque et plus important encore, le demeure aujourd’hui. De la pochette mauve vaporeuse dévoilant la Fender Jaguar de Shields aux excès de trémolo qui, en temps normal, servaient principalement à faire pleurer les guitares des bluesmen. Il s’agissait des sommets d’un mouvement musical (shoegaze) qui serait appelé à disparaître tranquillement après la parution de son enregistrement le plus ambitieux. Comme si on savait que l’on ne pourrait faire mieux. Shields y avait mis tout son énergie et prendrait des dizaines d’années à s’en remettre. Ses seules apparitions se limitant à une collaboration avec les Dinosaur Jr (Hand It Over), des feedbacks qui accompagnaient une lecture de Patti Smith (The Coral Sea), des visites occasionnelles chez Primal Scream (XTRMNTR et Evil Heat), quelques remix inoffensifs et quatre nouveaux morceaux destinés à la bande sonore de Lost in Translation (Sofia Coppola, 2003).