C’est un cap nouveau qui vient d’être franchi en Espagne. J’ai déjà évoqué la violence de la répression dont est victime le mouvement de grève des mineurs. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on dénombre de nouveaux blessés dans toutes les régions touchées par le conflit. Mais, les affrontements qui ont eu lieu à Madrid dans la journée du mecredi 11 juillet et qui se sont soldés par près de 80 blessés et pas loin de 10 arrestations, témoignent du passage d’un cap symbolique.
Sur twitter, une de mes correspondantes espagnoles lançait cette accusation en direction de la police : « Ils nous ont attaqués ! ». Les images collectées hier après-midi confortent son propos. Les forces anti-émeutes ont utilisés des armes tirant des balles en caoutchouc provoquant des blessures sérieuses mais pas mortelles. Si le gouvernement fait état de la présence de groupes violents parmi les manifestants, la théorie du piège contre la grande majorité d’entre-eux commence à se vérifier. Selon des témoignages concordants, les manifestants venus des provinces espagnoles devaient regagner des bus pour rentrer chez eux. Quand ils s’en sont rapprochés, les unités anti-émeutes les y attendaient. La chasse aux mineurs et à leurs soutiens semble s’être poursuivie une bonne partie de la soirée, notamment du côté de la Puerta Del Sol.
Les forces de l’ordre, elles mêmes, confirment : « Suppressions de droits syndicaux, quotas d’arrestations illégales à respecter, protocoles et uniformes inspirés de l’armée… » : Le premier syndicat de policiers espagnols – le Syndicat unifié de la police – dénonce une tentative de militarisation de leurs missions et de leur corporation. Son secrétaire général exprime également son soutien au mouvement des indignés… C’est que, derrière le conflit des « gueules noires », se trame une épreuve de force entre le gouvernement conservateur et le mouvement social.
De facto, le parallèle avec la répression qu’a déchaîné Margaret Thatcher contre les mineurs britanniques en 1984 s’impose. Certes, les situations historiques, politiques et sociales sont différentes. Mais les deux gouvernements conservateurs sont soumis au même enjeu : imposer à leur population un changement aussi radical que rapide, et donc brutal, de société. Il s’agit d’en finir, assez définitivement, avec un modèle de société : le welfare state en Grande-Bretagne ; une société encore industrialisée et finançant ses services publics par ce biais en Espagne.
Victime d’un tir de la police anti-émeute, cette fillette aurait 11 ans
Il y a, au-delà des Pyrénées, une seconde raison. L’adoption d’un plan d’austérité d’un montant de 100 milliards d’euros par le parlement espagnol le 9 juillet va entraîner des coupes sombres dans les budgets sociaux, les services publics, les industries où l’état central détient encore des participations. C’est une accélération sans précédent de l’intégration de l’Espagne dans une Europe ultra-libérale dessinée par la Banque Centrale Européenne et son bras politique, la Commission Européenne. L’Espagne - ou du moins les Espagnols - entrevoit le spectre de la Grèce. Ces mesures, très impopulaires, sont en capacité de soulever un pays où la contestation agissante est bien plus répandue que dans notre bel hexagone.
A l’été 2011, j’ai passé une quinzaine de jours dans le nord de ce pays. Outre que j’ai noté un nombre incroyable d’inscriptions politiques sur les murs, j’ai croisé à plusieurs reprises, en plein mois d’août, des rassemblements d’indignés. Les centrales syndicales majeures, UGT et Commissiones obreras (CCOO) y sont fortes et disposent d’une audience large. L’Espagne, c’est enfin le pays de l’anarcho-syndicalisme de masse. Même si la CNT n’est plus aussi puissante qu’elle l’était dans les années 30, avec plus d’un million de membres, elle garde encore son impact au sein de la classe ouvrière consciente. Dans ce contexte, pour la droite au pouvoir à Madrid, casser les reins des mineurs a une vocation politique claire. Si la réaction parvient à défaire cette corporation hautement symbolique, ce serait un message définitif envoyé à l’ensemble des forces de progrès hispaniques.
Il en va, pour Rajoy, de sa crédibilité devant ses « partenaires » européens. On sait que la Commission Européenne conditionne l’attribution des prêts de la BCE à la stricte tenue des objectifs de réduction des dépenses publiques. Le Partido Popular au pouvoir a donc un besoin vital de museler la contestation sociale. C’est le gage des « aides » européennes autant que celui de mener à bien son projet de remodelage du modèle social espagnol. Le tout dans le cadre du nouvel âge du capitalisme, un âge dans lequel l’accumulation des richesses par l’oligarchie n’a plus besoin des productions industrielles nationales. La financiarisation de l’économie est devenue telle que le maintien d’une activité de production est devenue un frein à l’enrichissement de la classe possédante.
Bonus militant :
Des rassemblements de soutien au peuple espagnol, aux mineurs en lutte et contre la répression policière sont prévus samedi 14 juillet un peu partout en France. Voici la liste des lieux et heures que je me suis procurée.
* Paris 14h00 | Ambassade
Adresse : 22, avenue Marceau
* Besançon 14h00| Consulat Honoraire
Adresse : 2 E, rue Isembart, Résidence “le président” – 25000 Besançon
* Fort-de-France (Martinique) 14h00 | Consulat Honoraire
Adresse : Pointe La Rose 97231 Le Robert
* Bayonne 14h00 | Consulat général
Adresse : Résidence du Parc 4, avenue du B.A.B. – 64100 Bayonne
* Bordeaux 14h00| Consulat général
Adresse : 1, rue Notre-Dame 33000 Bordeaux
* Dijon 14h00| Vice-Consulat Honoraire
Adresse : 11, rue du Tillot 21000 Dijon
* Le Havre 14h00 | Vice-Consulat Honoraire
Adresse : Europe building Quai de l’Europe B.P 119 76051 Le Havre Cédex
* La Rochelle 14h00 | Vice-Consulat Honoraire
Adresse : Quai des Chaluts – Port de Pêche Chef de Baie 17045 La Rochelle Cedex 01
* Lyon 14h00 | Consulat général
Adresse : 1, rue Louis Guérin 69100 Villeurbanne
* Marseille 14h00 | Consulat général
Adresse : 38, rue Edouard Delanglade 13006 Marseille
* Montpellier 14h00 | Consulat général
Adresse : 24, rue Marceau – B.P. 51221 34010 Montpellier Cédex 01
* Nice 14h00 | Vice-Consulat Honoraire
Adresse : 4, boulevard Jean Jaurès 06300 NICE
* Pau 14h00 | Consulat général
Adresse : 6, place Royale 64000 Pau
* Perpignan 14h00 | Consulat général
Adresse : 12, rue Franklin 66000 Perpignan
* Rennes 14h00 | Consulat Honoraire
Adresse : 2, allée des Açores 35200 Rennes
* Rouen 14H00 Vice Consulat, :22 Rue de la Croix d’Yonville, 76000 Rouen
* Strasbourg 14h00 | Consulat général
Adresse : 13, quai Kléber B.P 40026 67001 Strasbourg Cédex
* Toulouse 14h00| Consulat général
Adresse : 16, rue Sainte Anne 31000 Toulouse
* Toulon 14h00| Vice-Consulat Honoraire
Adresse : 215, avenue de la Victoire Immeuble Le Mont d’Or 83100 Toulon
——————————————-
Bonus vidéo : Kortatu “A La Calle”