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[note de lecture] "nu compris" de Pauline von Aesch, par Paul Aymé

Par Florence Trocmé

Aesch«  me suffire être fille / au nu coulé » 
  
Nu compris est l’histoire d’une solitude, d’une impossibilité, d’un empêchement.  
  
Le livre est écrit en quatre parties, auxquelles on pourrait associer l’image de cercles de plus en plus serrés autour de sa propre violence et de ce qui est mystérieux à soi-même. 
  
Une des caractéristiques de l’écriture de Pauline Von Aesch est la simplicité, le langage est commun, seule la forme parfois devient singulière : quand elle tente de mettre en lumière un état fragile par la fragilité de la langue. «  de l’   espace / pour protéger ma page de moi ».  
  
Dans cette écriture, chaque recul à l’intérieur de soi, chaque retranchement, chaque silence, est en fait une avancée.  
  
Le titre Nu compris ne veut pas dire « nu inclus ». Ce n’est pas une phrase pour soi mais une exigence, une adresse à « l’autre » du texte.  
  
C’est une écriture qui ne se compose pas de théorie et de revendication, mais d’ordres et de secrets.  
  
Le quotidien y est traité selon la vitesse ressentie des faits, et non selon la vitesse réelle.  
  
Chaque page est liée à la précédente et à la suivante. Nu compris est un récit.  
  
C’est une écriture qui porte les marques d’un regard sur soi, mais dans laquelle il n’y a pas de miroir. Le mot « miroir » n’apparaît qu’une seule fois, page 45: « un penché vers la gauche / puis se regarde dans plusieurs / miroirs aux indices échangés ». 
  
Le livre porte sur l’état de la pensée et des corps lorsqu’ils sont sourds à leur drame. 
  
Le lieu est la chambre.  
  
Intime et mentale, cette écriture est à la fois le lieu de l’indestructible et de l’extrême vulnérabilité.  
  
Le « je » se demande quel lien l’unit aux autres. Dans ce qui l’unit au « tu » du texte, il se demande où est l’amour, où est la violence, où est la vérité, et qu’est-ce que le passé de l’autre change à son propre présent. « j’y crois possible / savoir se propre dégage / est dire je te cède ».  
  
Les coupes dans le texte organisent les phrases comme des gestes. 
  
C’est une écriture qui peut tout accueillir : « tes mains double emploi / de me toucher moi et les poubelles ».  
  
Il y a une nécessité d’écriture. Une photographie n’en dirait pas assez. Il y a pourtant un travail sur la lumière et sur le cadre dans Nu compris.   
  
La force de ce livre vient de cette présence muette, qui, pourtant, recherche de façon ininterrompue à rencontrer l’autre par d’autres modes que la parole (la sexualité par exemple). 
  
Nu compris n’est pas un refuge sans douleur, mais l’expression lucide d’un état d’être au monde. Parfois l’auteur sonde le sens et l’étrangeté de sa propre vision, parfois, elle dit toute l’importance et la beauté de son intransigeance : « comment / t’avoir exigé / comme exige la poésie » 
  
  
[Paul Aymé] 
 
 
Pauline Von Aesch, Nu compris, editions Nous, 2012 
 
 
Premières pages du livre sur le site de l’éditeur 


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