Alors que la hausse du SMIC crée du chômage et "smicardise" la société, quelles solutions pour augmenter le pouvoir d'achat ? Commençons par réduire les prélèvements obligatoires et par flexibiliser le marché du travail.
Par Aurélien Véron.
Ces 30 dernières années, l’abus fréquent des « coups de pouce » a fait progresser le SMIC une fois et demie plus vite que le salaire moyen. Cet effet « voiture balais » a progressivement « SMICardisé » des millions de salariés dont l’alignement arbitraire de la rémunération sur ce seuil a beaucoup dévalorisé le travail. Le niveau relatif du SMIC est aujourd’hui l’un des plus élevés de l’OCDE, ce qui a mécaniquement engendré un chômage de masse chez les moins qualifiés. N’est-il pas temps de poser le problème du pouvoir d’achat autrement pour sortir de cette spirale infernale du chômage et de la pauvreté ?
Avant d’être un problème de rémunération, le pouvoir d’achat est celui du chômage. Son coût est triple. Il pèse lourd sur les revenus de ceux qui travaillent et doivent financer les transferts sociaux. Il entretient des salaires bas du simple fait que l’offre se réduit et que la demande d’emplois augmente. Enfin, il mine le moral du pays frappé trop longtemps par la gangrène du chômage. La seule mécanique saine et durable de hausse des salaires, c’est le plein emploi. A ce titre, la réaction hostile à une hausse du SMIC du patron de la CFDT est éclairante. Contrairement à la CGT, aveuglée par son dogmatisme idéologique, François Chérèque mesure bien le coût social d'une hausse du SMIC. Les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo estiment qu’une hausse de 1 % du SMIC entraîne 30 à 40.000 chômeurs de plus et pèse 400 millions € sur les comptes publics, c'est-à-dire sur le pouvoir d’achat des actifs.
C’est donc aussi par pragmatisme que plusieurs pays d’Europe du Nord, notamment l’Allemagne et le Danemark, ne disposent pas de salaire minimum légal. La tentative du gouvernement allemand d’introduire un tel seuil dans le secteur postal en 2007 a suscité une levée de boucliers… des syndicats de salariés qui y ont vu une menace pour la libre concurrence du secteur, et pour l’emploi. Le 7 mars 2008, le tribunal administratif de Berlin a d’ailleurs jugé illégal ce salaire plancher étatique dans un secteur concurrentiel où les conventions collectives négociées par les partenaires sociaux ont pleine légitimité.
Plusieurs leviers permettent d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés. Le premier, c’est la réduction du poids des prélèvements obligatoires qui, à plus de 44.5 % du PIB, grève lourdement le pouvoir d’achat des Français. Le second, c’est de renforcer leur compétitivité, et donc leur rémunération, par une meilleure formation initiale et continue, et par une concentration de l’investissement en capital sur chaque poste. Mais cela n’est pas tout. Si nous pensons tous que l’avenir de notre économie repose sur les secteurs à forte valeur ajoutée, tous les salariés ne sont pas hautement qualifiés, ne travaillent pas à des postes techniquement exigeants dans des entreprises de pointe. Ils ont pourtant toute leur place et n’ont pas à être exclus du marché de l’emploi parce que le coût de leur travail fixé par l’Etat est trop élevé pour les employeurs.
Nous devons donc instaurer rapidement une vraie flexibilité du travail qui n’inclut pas seulement la question du temps de travail, des licenciements ou des fameux seuils dans les PME, mais aussi la « désétatisation » du revenu minimum unique et centralisé. Dans un premier temps, pourquoi ne pas confier la négociation de ce plancher aux partenaires sociaux par branche, par région, et peut-être un jour au niveau de chaque entreprise en fonction de sa taille ? Cette flexibilité a permis l’éradication du chômage de longue durée dans de nombreux pays, et l’augmentation sensible de la qualité de vie de tous. La France doit prioritairement se fixer cet objectif à son tour, surtout avec la crise des dettes souveraines qui se rapproche.
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Sur le web. Article publié initialement sur Atlantico.
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