Pendant la campagne présidentielle, la majorité encore au pouvoir n’hésitait pas expliquer la situation difficile de notre pays par la survenance d’une crise comme on n’en avait pas vu depuis la grande dépression de1929. Et se trouvant désormais dans l’opposition, elle accuse les socialistes d’accabler les Français d’impôts. Les dernières évolutions de l’ISF permettent d’illustrer l’étendue de sa mauvaise foi.
L’impôt de solidarité sur la fortune a connu un bouclier fiscal bien avant Nicolas Sarkozy. La protection du contribuable fut d’abord assurée en limitant le montant de l’ISF à 85% du revenu imposable. Elle a été ensuite améliorée en abaissant cette limite à 70% puis à 60%. Certains ont alors soulevé le cas de paysans de l’ile de Ré, non imposables sur le revenu mais devant acquitter un ISF d’un montant élevé du fait de la valeur prise par leur habitation suite à l’explosion du prix de l’immobilier sur l’île. En 2007, la loi dite TEPA, texte fondateur de la politique fiscale de Nicolas Sarkozy a abaissé cette limite à 50%, au motif que prélever plus de la moitié du revenu d’un contribuable était confiscatoire.
Le 15 juin de chaque année, tout assujetti à l’ISF remplissait une déclaration de son patrimoine, calculait l’impôt dû et le réglait en remettant sa déclaration. S’il estimait pouvoir bénéficier du bouclier fiscal, il établissait ensuite une demande de restitution qui, après vérification, pouvait amener le fisc à lui adresser ultérieurement un chèque du montant correspondant. Cette procédure avait plusieurs inconvénients : elle imposait éventuellement au contribuable de rendre liquides les placements dont la cession lui permettait de s’acquitter de son ISF, elle le privait des revenus que les sommes restituées auraient pu générer entre le 15 juin et la date de leur retour et surtout, comble de l’abomination, elle créait un flux de chèques émis par le fisc à destination de contribuables, en quelque sorte, le monde à l’envers.
Pour les plus aisés d’entre eux, on notait des montants scandaleux. Ainsi Madame Bettencourt se voyait rembourser annuellement plusieurs dizaines de millions d’euros. Jamais à court d’imagination, nos services fiscaux ont fait évoluer la procédure. À partir de 2009, les contribuables purent calculer sur leur déclaration d’ISF la restitution qu’ils estimaient devoir leur revenir et ne réglèrent plus qu’une cotisation diminué du montant de cette restitution. Les trois inconvénients que je mentionnais plus haut ont ainsi disparu simultanément, rendant surtout l’ISF un peu plus présentable. Mais ce bouclier demeurait difficile à justifier. Alors naquit l’idée encore plus généreuse de le supprimer. Mais nous verrons dans un prochain billet comment elle fut accompagnée de mesures rendant quasi inutile ce bouclier si protecteur.